Un système de justice « afrocentriste » pour les personnes noires au Canada

Dans les dernières semaines, le ministère de la Justice fédéral a publié sa « Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires », qui vise à modifier le système pénal pour soi-disant combattre le racisme systémique au Canada. C’est là un développement inquiétant qui, ultimement, pourrait mener à une justice parallèle pour les personnes dites « racisées », et donc, un système de justice racialiste au Canada.

D’entrée de jeu, dans son communiqué de presse, on peut voir toute la mesure du wokisme crasse et aplaventriste de ce gouvernement : on spécifie que le communiqué a été écrit à Ottawa, un « territoire traditionnel non-cédé du peuple algonquin » – aussi bien dire que le Canada ne possède même pas sa propre capitale!

On affirme ensuite que « le racisme et la discrimination systémique envers les personnes noires trouvent leur origine dans l’histoire du Canada marquée par le colonialisme, l’esclavage et la ségrégation » ce qui, dans le cadre d’une réforme de la justice, semble sous-entendre que le Canada est entièrement responsable de la sur-représentation des personnes noires en termes d’incarcération. De plus, c’est un vocabulaire qui semble calqué sur celui des États-Unis alors que l’histoire du Canada en ce domaine est beaucoup plus nuancée, mais passons…

On peut évidemment faire l’analyse selon laquelle la situation socio-économique des personnes racisées, alimentée par un certain racisme de la part de la société dominante, les rend plus susceptibles de tomber dans la criminalité. C’est là une position qui fait habituellement consensus, et on peut ensuite débattre à savoir à quel degré on peut considérer cette dynamique comme quelque chose de « systémique ». Or ce n’est pas le but de ce rapport, qui est plutôt d’affirmer que le système de justice et les autorités pénales – en elles-mêmes – seraient racistes et devraient être modifiées pour s’adapter aux personnes de couleur.

On met tous les concepts d’universalisme, de primauté du droit, d’habeas corpus, d’impartialité des juges

En effet, le rapport émet au total une centaine de recommandations regroupées sous 5 pilliers, et seulement 1 de ces pilliers concerne des recommandations pour améliorer la situation socio-économique des personnes noires.

Les autres piliers sont des recommandations pour les services de police, pour les tribunaux, pour les prisons et, finalement, pour les programmes de réinsertion sociale. Autrement dit, toutes des recommandations concernant le traitement des accusés et/ou criminels après qu’un crime ait été commis, et qui visent à traiter cet accusé et/ou criminel en fonction de la couleur de sa peau.

Par exemple, on recommande aux services de police des mesures visant à accroître la déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations, des formations obligatoires sur la lutte contre le racisme, le développement de compétences culturelles dans les programmes de formation des policiers et des modifications de lois pour « lutter contre le profilage racial ». Jusqu’ici, c’est questionnable mais ça peut toujours passer.

En ce qui a trait aux recommandations aux tribunaux et aux lois par contre, ça dérape complètement. On veut apporter tout un tas de modifications au Code criminel, à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. On veut modifier ces lois pour y intégrer des considérations raciales, et ultimement adapter les peines en fonction de la couleur de la peau.

En effet, le gouvernement écrit explicitement comment il va « augmenter les financements et la formation pour la rédaction des rapports d’évaluation de l’incidence de l’origine ethnique et culturelle sur la détermination de la peine. » Dit simplement : on racialise ouvertement notre système de justice pour le rendre plus conciliant à l’égard des personnes de couleur.

Pour les prisons, on cherche à réviser certaines pratiques « qui ont une incidence disproportionnée sur les délinquants noirs » et offrir des programmes spéciaux pour les personnes noires. La logique curieuse de cela étant que puisque les noirs sont surreprésentés en prison et qu’ils ont historiquement été victimes de racisme systémique, les prisons devraient être plus conciliantes avec les prisonniers afin de minimiser l’impact sur les populations noires… C’est à rien n’y comprendre. Et on veut en plus de cela des programmes spéciaux, autrement dit, ségréger la population carcérale en termes de services offerts.

Enfin, on tente de rendre les libérations conditionnelles et la réinsertion sociale plus facile pour les gens de couleur, notamment en révisant les critères de libération conditionnelle, les périodes d’attentes pour demander la suspension d’un casier, mais surtout, en engageant plus de gens de couleurs parmi les agents de probation. Une mesure, encore une fois, racialiste.

Plus on avance dans le document, plus son contenu vire inquiétant. Le groupe de neuf experts qui l’a écrit dresse une liste des organisations qui les ont aidés dans leurs consultations et récoltes de données. On y aperçoit des organisations militantes assez douteuses, telles que Black Lives Matter…

Suite aux 5 piliers, nous avons droit à des « principes directeurs » qui tombent carrément dans la pseudoscience militante. Le premier principe est celui de « Sankofa », signifiant « l’importance d’apprendre du passé pour éclairer l’avenir », ce qui est particulièrement ironique venant de révisionnistes éhontés qui semblent tout ignorer de l’histoire juridique occidentale.

Nous avons ensuite le principe « d’afrocentrisme » où on admet ouvertement vouloir « placer les personnes noires au centre de l’élaboration des politiques et des stratégies » et où on « remet en question les perspectives eurocentriques traditionnelles », ce qui confirme mon propos précédant sur le révisionnisme historique.

On parle ensuite de « principe de retenue » où on demande essentiellement aux autorités d’être plus conciliants contre les délinquants noirs.

Le quatrième principe est risible, puisqu’on y préconise une « prise de décision fondée sur des données probantes [qui] garantit que les politiques et les stratégies ne reposent pas sur des hypothèses ou des préjugés, mais plutôt sur des données factuelles et empiriques. » Et voilà : des experts opérant dans le champ de la sociologie postmoderne, promouvant le racialisme et le relativisme culturel contre les principes les plus élémentaires de l’universalisme et de la primauté du droit, tentent désormais se faire porte-étendards de l’empirisme! La sur-spécialisation universitaire, et surtout celle des sciences molles, bat des records…

Pour finir, on met de l’avant le principe de « justice réparatrice », ajoutant définitivement un aspect rétroactif à ce rapport. On cherche à rendre le Canada d’aujourd’hui coupable de ces crimes d’hier. Mais plus encore, en insistant sur le fait que le système canadien est encore imprégné de racisme systémique, on met en quelque sorte en question toutes les peines et jugements prononcés contre des personnes de couleurs dans les dernières décennies. On ouvre la porte à une révision des jugements déjà prononcés sous prétexte qu’ils auraient été faits en une époque raciste.

Dans les recommandations générales, on recommande la création d’un ministère ou organisme fédéral chargé de défendre les intérêts des personnes noires au Canada, l’établissement d’un portefeuille de la Justice pour les personnes noires au sein du ministère de la justice, la création d’une « division du bien-être et de la sécurité de la communauté noire au sein de la Sécurité publique du Canada » et la création d’un programme de données sur la race et l’identité au sein de Statistiques Canada. Autrement dit, une succession de dédoublements bureaucratiques couteux et justifiés pour des considérations raciales.

Cerise sur le sundea, on recommande de « reconnaître les personnes noires comme un groupe distinct » ; la ségrégation sera désormais complète.

Ce rapport officiel du ministère de la Justice recommande en somme la constitution d’une justice alternative pour les noirs au Canada, avec pour résultat une ségrégation de la population canadienne en matière de justice. C’est une attaque frontale à tous les principes les plus élémentaires de la modernité politique et judiciaire en Occident et l’oeuvre de militants afrocentristes radicaux qui cherchent seulement à donner un passe-droit à leur communauté contre la majorité. Reconnaître de la valeur aux recommandations de ce rapport, c’est reconnaître implicitement que notre système de justice est injuste et raciste. Ce qui n’est pas le cas et est – contre leur pompeux principe de « Sankofa » – contraire à tout ce que l’histoire nous enseigne.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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