« Une exécution bureaucratique? » : plus de 300 autruches destinées à l’abattage malgré leur bonne santé apparente

D’après un article de Terry Newman, National Post

Dans une décision qui soulève autant l’indignation que des questions sur la rigidité bureaucratique du système fédéral, plus de 300 autruches en Colombie-Britannique, appartenant à l’éleveuse Katie Pasitney, seront abattues par ordre de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), bien qu’aucun signe de maladie ne se soit manifesté chez les survivantes depuis des mois. Dans son article publié le 21 mai 2025, Terry Newman relate ce qui pourrait bien être perçu comme un cas extrême de cécité administrative face à des évidences nouvelles.

Une épidémie… terminée depuis janvier

Tout a commencé à la mi-décembre, lorsque l’exploitation familiale située à Edgewood, en C.-B., a été frappée par une éclosion de grippe aviaire (H5N1), probablement introduite par des canards migrateurs. Sur les quelque 400 autruches du cheptel, 69 sont mortes avant la fin décembre. L’ACIA a rapidement ordonné l’abattage complet du troupeau, malgré une demande d’exemption appuyée par des arguments concernant la rareté génétique des oiseaux et leur potentiel de résistance.

Depuis la dernière mort en janvier, aucun autre oiseau n’a présenté de symptôme. Pasitney affirme que les autruches restantes sont non seulement saines, mais pourraient aussi contribuer à la recherche sur les anticorps aviaires et les vaccins contre la grippe. Elle a même obtenu une injonction temporaire au début de l’année, mais son appel a récemment été rejeté.

Le tribunal refuse d’examiner les preuves actuelles

Dans une décision critiquée pour sa froideur procédurale, le juge de la Cour fédérale Russel Zinn a rejeté les nouveaux éléments présentés par la ferme, notamment des résultats de tests récents démontrant l’état de santé des oiseaux. Terry Newman rapporte que selon le juge Zinn, « cette cour ne peut considérer des preuves “nouvelles”, telles que l’état actuel des autruches ou les développements scientifiques récents », car elles n’étaient pas disponibles au moment de l’ordre initial.

Zinn justifie cette approche en soulignant que les tribunaux ne peuvent « blâmer les décideurs pour ne pas avoir de boule de cristal », et défend l’autorité de l’ACIA à agir « rapidement et de manière décisive, même en situation d’incertitude scientifique ». Il reconnaît avoir « une grande sympathie » pour la ferme, mais affirme que la loi ne lui permet pas de tenir compte de preuves postérieures à la décision.

Des autruches sacrifiées sur l’autel du protocole?

Terry Newman souligne le paradoxe de cette décision : si l’on ne peut considérer de nouvelles preuves de santé, pourquoi accepter qu’un recours contre la décision initiale soit déposé? Il cite la célèbre absurdité du procès dans Alice au pays des merveilles : « sentence d’abord, verdict ensuite ».

Le juge a également balayé l’argument selon lequel les autruches pourraient contribuer à la recherche scientifique sur les réponses immunitaires aviaires, en renvoyant cette question à l’ACIA. L’agence, pour sa part, campe sur sa position : selon Patrick Girard, responsable des relations médiatiques, permettre à un troupeau exposé de survivre augmenterait les risques de mutations virales, surtout dans un contexte d’élevage en plein air.

Mais Newman s’interroge : si les autruches ont survécu sans symptôme depuis cinq mois, pourquoi ne pas vérifier leur état de santé actuel, comme le propose la ferme, au lieu de recourir au protocole rigide de l’abattage systématique? D’autant que les compensations offertes — jusqu’à 3 000 $ par oiseau — ne pallient ni les pertes génétiques ni les implications scientifiques potentielles.

Une ferme face à l’État

La propriétaire Karen Espersen, de la Universal Ostrich Farm, déplore que le protocole aveugle de l’ACIA prime sur l’expertise de terrain. Elle se dit soutenue par des scientifiques et des éleveurs qui croient que certaines espèces, comme l’autruche, développent des réponses immunitaires uniques pouvant enrichir la recherche vétérinaire.

Newman cite notamment une étude de 2023 indiquant qu’il est « crucial de comprendre pourquoi certains oiseaux développent des réponses anticorps puissantes » contre la grippe. Pourtant, aucune analyse récente n’a été officiellement menée sur les autruches de Pasitney.

Alors que l’ACIA défend la sécurité alimentaire nationale — un secteur de 6,8 milliards $ — par un principe de précaution maximal, l’affaire révèle une tension croissante entre sécurité publique, expertise scientifique et respect des droits des éleveurs.

Une question qui dépasse les autruches

L’histoire de Katie Pasitney ne se résume pas à un troupeau d’autruches. Elle soulève des enjeux de gouvernance scientifique, de transparence administrative et de capacité du système judiciaire à évoluer avec la connaissance. Terry Newman conclut son article avec amertume : « Jusqu’ici, le système a échoué aux autruches de Pasitney ».

Et peut-être aussi à la science.

La Rédaction

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