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Véhicules zéro émission : l’industrie espère un recul d’Ottawa, Québec adoucit discrètement ses critères

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Les principaux constructeurs automobiles du Canada sonnent l’alarme. Réunis à Ottawa mercredi, les PDG de Ford Canada, Stellantis Canada et General Motors Canada ont rencontré le premier ministre Mark Carney pour réclamer l’abrogation du mandat fédéral sur les ventes de véhicules zéro émission (VZE). Une rencontre cruciale, sur fond de tensions commerciales avec Washington, où l’industrie de l’automobile plaide désormais pour un réalignement des politiques environnementales d’Ottawa avec la réalité du marché.

Dans un article publié par The Canadian Press, le journaliste Nick Murray rapporte que Brian Kingston, président de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV), se dit « prudemment optimiste » après la rencontre avec Carney. Le cœur du message transmis au premier ministre : l’industrie n’est tout simplement pas en mesure de respecter les cibles imposées par le mandat VZE. Celui-ci prévoit que 20 % des véhicules légers neufs vendus au Canada en 2026 soient à zéro émission, avec un objectif de 100 % d’ici 2035.

Sylvain Larocque, dans Le Journal de Montréal, souligne également que les trois dirigeants — représentant certains des plus importants employeurs industriels au pays — estiment que les « règles dommageables et superflues sur les VZE » doivent être abolies de toute urgence. Brian Kingston y affirme que l’industrie automobile est déjà soumise à d’importantes pressions, notamment à cause des tarifs douaniers imposés par l’administration Trump, et qu’ajouter des contraintes réglementaires internes nuira à sa compétitivité.

Des cibles irréalistes sur fond de chute des ventes

Le discours de l’industrie est renforcé par les données les plus récentes sur les ventes de véhicules électriques. Nick Murray rapporte que selon Statistique Canada, seulement 7,53 % des véhicules neufs vendus en avril étaient des VZE. Et ce chiffre, loin de croître, est en recul marqué depuis la fin du programme fédéral de subvention iZEV, qui offrait jusqu’à 5000 $ par véhicule.

Le pic des ventes avait été atteint en décembre 2024, à 18,29 %, alors que les consommateurs profitaient encore du rabais fédéral. Mais une fois le programme suspendu en janvier 2025, les ventes ont chuté : 11,95 % en janvier, 6,8 % en février, 6,53 % en mars, avant de légèrement remonter en avril. Cette tendance inquiétante compromet sérieusement la capacité du marché à atteindre les objectifs de 2026.

Toujours selon Kingston, cité par The Canadian Press, pour respecter le seuil de 20 % l’an prochain, il faudrait vendre 180 000 véhicules électriques de plus que la cadence actuelle. Une progression jugée « tout simplement impossible » compte tenu des réalités économiques et de l’accessibilité des modèles électriques.

L’effet pervers des annonces vagues

L’incertitude entretenue par le gouvernement fédéral nuit aussi à l’industrie, soutient Kingston. Le retour potentiel d’un programme d’incitatifs à l’achat — évoqué par la ministre de l’Industrie Mélanie Joly en mai et par la ministre de l’Environnement Julie Dabrusin en juin — n’est toujours pas accompagné d’un plan clair. Résultat : les consommateurs reportent leurs achats en attendant la confirmation d’un nouveau rabais, ce qui, selon Kingston, « sabote » les ventes actuelles.

« Si vous dites aux gens que le rabais reviendra dans trois mois, plus personne n’achètera d’électrique pendant ce temps », explique-t-il à The Canadian Press. Même le président de Hyundai Canada, Steve Flamand, a appelé dans The Globe and Mail à la réintroduction rapide d’une telle mesure. Mais selon Kingston, même avec un retour des incitatifs, cela ne suffirait pas. Atteindre l’objectif nécessiterait une dépense publique de près d’un milliard de dollars pour subventionner 180 000 véhicules, ce qui n’est pas soutenable à long terme.

Québec modifie sa propre norme — un aveu implicite d’irréalisme

Pendant qu’Ottawa tente de réconcilier politique environnementale et réalité industrielle, Québec prend une tangente différente — mais peut-être plus lucide. Comme le rapporte Nicolas Lachance dans Le Journal de Québec, le gouvernement Legault a discrètement modifié sa norme VZE pour y inclure des véhicules hybrides non rechargeables à essence — autrement dit, des véhicules qui ne sont pas strictement zéro émission. Officiellement, la cible de 32,5 % de ventes « VZE » pour 2026 reste inchangée, mais la définition même de « zéro émission » est élargie.

Le ministre de l’Environnement Benoit Charette a justifié cette décision en invoquant une nécessaire « adaptation à une nouvelle réalité », évoquant les contraintes du marché et la guerre tarifaire avec les États-Unis. Selon lui, il ne s’agit pas d’un recul, mais d’un ajustement pragmatique. En réalité, cette inflexion pourrait être interprétée comme un aveu à demi-mot que les objectifs tels qu’annoncés étaient, dès le départ, difficilement atteignables sans mesures coercitives irréalistes.

La nouvelle grille donne désormais un point complet aux hybrides rechargeables avec plus de 80 km d’autonomie, un demi-point aux hybrides avec moins de 80 km, et — plus surprenant — un demi-point également aux hybrides essence standards. Cette ouverture permet aux constructeurs de respecter les obligations sur papier, tout en commercialisant des modèles plus abordables, adaptés à la demande réelle.

Cette approche, bien qu’elle puisse heurter les tenants de la transition rapide et rigide, reflète une compréhension plus fine des limites économiques, logistiques et sociales d’une électrification à marche forcée. En ce sens, le Québec devance peut-être Ottawa — non pas dans l’ambition climatique, mais dans la reconnaissance que celle-ci ne peut ignorer la réalité du terrain.

Un carrefour politique et industriel

Les décisions récentes à Ottawa comme à Québec illustrent la collision de deux univers : celui de la transition écologique planifiée et celui du marché, avec ses limites techniques, ses réalités économiques et ses préférences fluctuantes. Alors que le gouvernement fédéral semble encore prisonnier d’objectifs rigides, le gouvernement Legault amorce un virage plus réaliste. En élargissant la définition des véhicules admissibles à la norme VZE, Québec admet implicitement ce que l’industrie répète depuis des mois : les cibles actuelles sont intenables sans une révision en profondeur des instruments politiques.

Ce repositionnement québécois, loin d’un simple recul, peut ainsi être perçu comme un signal d’intelligence politique : l’atteinte des objectifs climatiques ne peut se faire au mépris de la viabilité économique, de l’offre industrielle et du comportement réel des consommateurs. Il ouvre peut-être la voie à une refonte plus lucide de la politique fédérale.

Mark Carney, comme François Legault, devra choisir : maintenir des objectifs irréalistes pour préserver une façade verte, ou adapter la politique à la conjoncture en assumant les compromis nécessaires. Le débat sur les VZE, loin d’être clos, pourrait bien devenir l’un des marqueurs les plus révélateurs de la politique industrielle post-pandémie au Canada — et de la capacité des gouvernements à conjuguer ambition climatique et rationalité stratégique.

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