Ana Rizo est une avocate canadienne d’origine vénézuélienne qui s’occupe du chapitre canadien de l’organisation « Ladies of Liberty Alliance » (LOLA), qui milite pour la liberté et contre le socialisme dans une perspective féminine. Elle coordonne le Bureau des conférenciers de LOLA et est également conseillère principale pour le Programme civique des jeunes leaders de l’Institut économique de Montréal. Dans la foulée des récentes élections au Venezuela et de la contestation qui a suivi, une des leaders de LOLA au Venezuela a été enlevée par la police dans ce que Rizo appelle un « kidnapping ». Nous nous sommes entretenus avec elle pour faire le point sur la situation.
PSCM : Le Venezuela a fait beaucoup les manchettes depuis quelque temps en raison de l’élection du 28 juillet dernier, qui est contestée par le parti d’opposition et de nombreux observateurs, qui accusent le régime Maduro de fraude électorale. Plus récemment, ce sont 2 200 personnes qui ont été arrêtés de manière sommaire, Maduro promettant de répondre aux protestations par une « main de fer ». Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la situation?
Ana Rizo : «D’abord, ce qu’il faut comprendre au sujet de cette élection, c’est que ça a pris une éternité avant de recevoir les résultats. Ils les ont finalement présentés à minuit, ce qui n’est vraiment pas habituel. Ensuite, il n’y avait pas de représentation des partis d’opposition lors du comptage, sans parler du fait qu’ils ont déporté tous les observateurs étrangers quelques jours avant l’élection, à l’exception de la Fondation Carter – qui affirme pour sa part qu’il y a des preuves de fraudes électorales et que cette élection ne respecte pas les standards démocratiques.
Après le comptage, le Conseil national électoral a juste annoncé à la télé que Maduro avait gagné, comme ça, sans fournir de preuve. C’était complètement ridicule.
Ainsi, le parti de l’opposition, de concert avec la Granda Allianza Nacional (GANA) a mis en place des « commanditos » dans les régions afin de collecter et compiler les procès-verbaux – nous les appelons actas au Venezuela, ce sont des procès-verbaux qui permettent de connaître les résultats des bureaux de vote – et faire leur propre comptage.
L’écart qu’ils ont trouvé est énorme. Si je me souviens bien, On parle de quelque chose comme 3 millions de votes pour Maduro contre 7 ou 8 millions pour Edmundo Gonzalez!
Nous sommes habitués aux fraudes électorales, mais la différence cette fois-ci, c’est que c’est la première fois que c’est aussi bien documenté.
Depuis, au lieu de publier les procès-verbaux, le gouvernement a annoncé qu’il les enverrait pour être analysé par la Cour Suprême de Justice, mais les juges ont tous été nommés par le régime, on sait donc que ça ne changera rien.
Enfin, dès que le résultat a été annoncé, des manifestations et des émeutes ont éclaté un peu partout au pays, et c’est là que le gouvernement a commencé une répression sévère, en tirant sur la foule, en défonçant les portes des résidences pour kidnapper des militants. La répression en ce moment est totale, c’est vraiment une ambiance totalitaire.»
PSCM : Marìa Oropeza, une membre de votre organisation, aurait été arrêtée, mais vous parlez même de « kidnapping », pouvez-vous nous en dire plus?
Ana Rizo : «Plus qu’une membre! Marìa est en fait la dirigeante de Ladies of Liberty Alliance pour le chapitre de Portuguesa au Venezuela. Et sur une note personnelle, c’est une amie avec qui j’ai travaillé sur de nombreux projets dans les dernières années.
Ce qui s’est passé, c’est que Marìa était cheffe de campagne pour le parti de l’opposition de María Corina Machado et se trouvait avec elle dans l’État de Portuguesa afin de collecter les procès-verbaux. Elle était vraiment déterminée à prouver cette fraude électorale ; c’est une vraie militante qui se bat depuis des années pour la liberté au Venezuela. Elle n’est pas du style à flancher, disons.
Mais tout a déboulé après qu’elle ait publié un Tik Tok expliquant « l’opération Tun Tun » – qui veut dire « toc toc » -. Essentiellement, le gouvernement se donnerait le droit d’arrêter les gens sans mandat en défonçant simplement leur porte. La vidéo est devenue virale et la nuit suivante, des policiers armés de mitrailleuse sont venus la chercher chez elle.
Elle a démarré un enregistrement en direct et on voit toute la scène. Les policiers lui disent à travers la porte que soit elle les laisse entrer, soit ils vont défoncer la porte. Elle n’avait aucun choix. Ils n’avaient pas de mandat d’arrestation, et l’ont emporté comme ça par la force… C’est un enlèvement, c’est assez clair.»
PSCM : Et depuis, avec votre organisation, vous avez tenté de lui porter assistance si je comprends bien?
Ana Rizo : «Oui, eh bien, c’est sûr que quand une leader d’une organisation est kidnappée comme ça, c’est tout un choc. Alors on a instantanément mandaté nos chapitres un peu partout dans le monde d’émettre des communiqués et de démarrer une campagne demandant la libération de Marìa.
Nos autres collaborateurs au Venezuela ont pour leur part dû se cacher ; ils ont trop peur de parler en ce moment. Le climat est vraiment totalitaire. C’est pour ça que je m’occupe de transmettre le message et faire des entrevues à leur place en ce moment, parce que c’est trop dangereux pour eux de parler. Ils doivent se cacher.
Je suis aussi en contact avec des avocats au Venezuela pour tenter de voir ce qu’on peut faire, mais on n’a pas réussi à lui procurer un avocat, parce qu’une loi au Venezuela interdit aux prisonniers politiques d’avoir un avocat privé… Ce qui, encore une fois, démontre à quel point les libertés sont brimées en ce moment.»
PSCM : Avez-vous réussi à parler à Marìa depuis son enlèvement? Y-a-t-il du développement dans son dossier?
Ana Rizo : «Non, en fait, même sa mère ne l’a pas encore vue… Récemment, nous avons essayé pendant 5 heures de parler avec… eh bien, ce n’est même pas un avocat – mais son conseiller juridique qui lui a été attribué par l’État. En fait, on ne sait pas vraiment où elle se trouve en ce moment. C’est pourquoi il est absolument crucial d’agir vite et de transmettre le message au monde. […]»
PSCM : Vous avez évoqué brièvement votre organisation, « Ladies of Liberty Alliance », pourriez-vous nous en dire un peu plus? Comment est-ce que votre organisation s’est retrouvée empêtrée de la sorte dans la politique vénézuélienne?
Ana Rizo : L’organisation Ladies of Liberty Alliance (LOLA) est une organisation qui se bat pour la liberté et contre le totalitarisme. Nous nous opposons fermement au socialisme et au communisme, de la sorte, nous sommes naturellement opposés au régime de Maduro. C’est une organisation qui se concentre principalement sur les femmes de conviction qui mènent ce combat. Nous avons des chapitres partout dans le monde.
Maria représente bien ce genre de femme, elle s’occupait du chapitre de Portugesa et de la sorte, elle était impliquée directement dans la campagne du parti de María Corina Machado en tant que cheffe de campagne. Mais c’est vraiment son Tik Tok sur l’opération Tun Tun qui a tout déclenché […] »
PSCM : Certains commentateurs déclarent la nécessité d’offrir une amnistie aux dirigeants du régime afin de faciliter une transition démocratique et les pousser à partir, pensez-vous que ça soit nécessaire? Comment voyez-vous l’avenir pour le Venezuela dans les prochaines semaines?
Ana Rizo : Eh bien, c’est la première fois que le parti d’opposition décide de tenir son bout comme ça, alors c’est déjà signe que le combat ne sera pas abandonné. Il faudra donc voir jusqu’où ça va mener.
Par rapport aux appels à une amnistie pour les dirigeants du régime que vous mentionnez, je crois malheureusement qu’ils ont raison. En tant que vénézuélienne et militante pour la liberté, évidemment que je voudrais voir ces dictateurs en prison… Avec tout ce qu’ils ont fait à moi et mes proches… mais en même temps, ils ont trop à perdre en ce moment pour abandonner le pouvoir, et leur offrir une amnistie pourrait les pousser plus facilement à abdiquer. Donc c’est triste, mais oui, je pense que ce serait peut-être nécessaire. […]
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