Visite royale au Canada : un symbole dépassé ?

Il faut dire que cette semaine, nous aurons droit à une visite de haut niveau à Ottawa. En effet, le roi Charles III — que nous avons longtemps connu comme prince — viendra lire le discours du trône devant les députés réunis au Parlement. Doit-on y voir une affirmation de la « souveraineté » canadienne ou, au contraire, le maintien d’un symbole dépassé, dans un pays appelé à se transformer profondément au cours des prochaines années ?

La visite se déroulera lundi et mardi, dans la capitale fédérale. Une série d’activités publiques et protocolaires sont prévues pour mettre le roi et sa compagne en valeur. L’objectif principal de cette visite ? Souligner la distinction entre le Canada et les États-Unis, notamment sur le plan historique.

Mais en y regardant de plus près, il faut bien admettre que ce symbole ne passe pas bien auprès de nombreux Québécois, et même auprès d’un nombre croissant de Canadiens anglophones. La monarchie est souvent perçue comme un vestige du passé, coûteux pour les contribuables, qui doivent financer le train de vie fastueux de la gouverneure générale et des lieutenants-gouverneurs dans les provinces.

En période de crise, peut-on vraiment justifier l’entretien d’un tel niveau de vie pour des personnalités non élues, dont l’utilité pour la population est de plus en plus contestée ? Il ne s’agit pas ici d’une critique dirigée uniquement contre le roi, mais contre l’ensemble des représentants de la monarchie britannique au Canada.

L’actuelle gouverneure générale, Mary Simon, a dépensé plus de 30 000 $ en cours de français, une langue qu’elle s’était engagée à apprendre. Pourtant, malgré cette somme considérable, elle demeure incapable de construire une phrase dans la langue de Michel Tremblay. Par ailleurs, plusieurs soupers officiels, chacun coûtant des dizaines de milliers de dollars aux contribuables, ont fait les manchettes à répétition.

Le Canada a-t-il encore le luxe d’entretenir cette fiction ? Les symboles monarchiques sont de plus en plus impopulaires, même en dehors du Québec, qui a pourtant une longue histoire de méfiance envers la famille royale. On comprend toutefois pourquoi un gouvernement canadien, même peu favorable à la monarchie, hésiterait à rouvrir ce dossier.

Modifier ce système exigerait un amendement constitutionnel, un processus aussi complexe que risqué. Il faudrait obtenir l’unanimité — ou presque — des provinces, une perspective que le gouvernement fédéral souhaite à tout prix éviter. Une telle initiative ouvrirait la porte à des revendications politiques, que ce soit du Québec ou de l’Alberta.

Il faut également reconnaître que la monarchie canadienne est coûteuse pour les contribuables, sans retombées économiques tangibles. Au Royaume-Uni, la monarchie contribue à l’image du pays, avec des symboles comme les corgis royaux, la couronne ou le palais de Buckingham. Cela fait partie du soft power britannique et génère des revenus touristiques, malgré les interrogations sur la légitimité actuelle de la famille royale.

Rien de tel au Canada. La monarchie ne fait pas partie de l’image que les gens associent instinctivement au pays. Le Canada est plutôt perçu comme un prolongement des États-Unis, avec un système parlementaire britannique. Si le pays veut vraiment se distinguer de son voisin, il devra se montrer plus inventif.

Le système de santé, la monarchie ou le hockey ne suffisent plus à forger une identité propre. Peut-être que le caractère pacifique du Canada pourrait un jour devenir un argument central, mais même cette image s’effrite. Le Canada ne gagnerait-il pas à miser davantage sur ses spécificités culturelles, comme le Québec, la langue française et les peuples autochtones ? Un peu comme la Nouvelle-Zélande se distingue de l’Australie par le respect accordé aux Maoris? La question reste ouverte.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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