Wokisme, féminisme, écriture inclusive. Une déconnexion totale du reste de la société. C’est quoi le problème avec l’Université en 2024 ?

C’est la rentrée. Déjà, il y a beaucoup à dire sur la culture des initiations, les villes, comme celle de Sherbrooke, qui se « préparent » à affronter l’afflux d’étudiants d’ici et d’ailleurs. Les problèmes posés par les universités sont nombreux. Mais cette fois-ci, ne parlons pas des questions strictement économiques, ou du logement. Parlons de cet article dans le Journal de Montréal ayant fait grand bruit : l’Université ne serait plus aussi « payante » qu’avant, par rapport aux métiers manuels. Ébauche d’une théorie imparfaite, mais qui a le mérite de poser des questions inconfortables.

Depuis toujours, on reproche, à juste titre, aux universités d’être déconnectées de la réalité des simples citoyens. De tous ces gens qui doivent se lever le matin pour aller travailler. Ou même des gens qui vivent dans la rue. Une expression existe pour qualifier leur mode de vie. On dit qu’ils vivent dans une « tour d’ivoire ».

Durant les années 70, c’était la belle époque du marxisme-léniniste sur les campus occidentaux, incluant ceux du Québec. Combien de profs ont renoncé à de belles carrières pour militer au sein d’obscurs groupes communistes? Personne ou presque n’a retenu le nom de ces organisations, disparues après le référendum de 1980. Mais une chose est sûre : le ver était déjà dans la pomme, et y est resté depuis.

Sauf que maintenant, ce n’est plus la lutte des classes qui est la préoccupation première d’une bonne partie des intellectuels ou des universitaires. Mais un « marxisme » culturel, de substitution, qui fait du « genre » ou de la « race » des questions fondamentales dans nos sociétés. Par exemple, combien d’étudiantes (car ce sont en majorité des femmes) à la maîtrise ou au doctorat font des recherches sur le lien soi-disant entre le réchauffement climatique, et le féminisme?

On a droit à des sujets aussi lunaires que l’architecture féministe, la question raciale dans la randonnée, ou encore l’histoire du mouvement queer au Québec lorsqu’on fait une recherche dans les banques de données des maîtrises publiées dans les universités de chez nous. On se dit : avec la quantité de problèmes sociaux terribles qui affligent notre société, pourquoi s’embêter à ce point avec les idéologies qui sont la mode du moment?

Bien, c’est que poser la question, c’est y répondre. Ces gens sont profondément déconnectés. Dans un cours de politique, une professeure du département affirme qu’il y aura beaucoup « d’action » cet automne chez nos voisins du sud, et que les étudiants sont invités à « venir ventiler dans son bureau s’ils en ressentent le besoin ». Sans compter l’usage généralisé de l’écriture inclusive, et de l’introduction de thèmes ayant rapport avec la « colonisation », on se demande vraiment si c’est sincère, ou bien une forme ostentatoire de vertu.

Le Journal de Montréal d’aujourd’hui rapporte que les études universitaires perdent rapidement leur avantage concurrentiel par rapport aux métiers manuels. C’est normal : on a tellement survalorisé les études par rapport aux métiers, qu’il y a une disproportion sur le marché entre ces deux pôles. Des métiers aussi essentiels que les techniciens en traitement des eaux sont en pénurie constante, alors que les universités produisent chaque année des dizaines de bacheliers en philosophie.

Un ami disait une fois « les diplômes, c’est comme l’argent : à force d’en imprimer, ça ne vaut plus rien ». C’est encore plus vrai aujourd’hui. Les métiers les plus payants sont depuis des années les plombiers, les électriciens, les techniciens, les charpentiers. En réalité, a-t-on besoin de tant de diplômés en philosophie, en arts visuels? Pas que ces études ne soient pas bonnes. C’est qu’il y a un trop grand écart entre le monde que nous aimerions, et le monde réel.

La France vit une crise majeure, car trop de ses jeunes (et moins jeunes) sont des diplômés universitaires. Et trop peu ont des métiers manuels ou techniques. Le Québec en est-il rendu à ce niveau? Le monde universitaire est trop déconnecté des préoccupations quotidiennes de la population. Au point où l’on demande aux étudiants s’ils sont besoin de « ventiler » par rapport aux élections américaines.

À une époque pas si lointaine, l’éducation pouvait s’acquérir par soi-même, ou par le collège classique. Maintenant, pour avoir de la « légitimité », il faut avoir un diplôme universitaire. Délivré par des idéologues, qui étaient marxistes par le passé, et qui aujourd’hui font l’éloge de la déconstruction et de « l’antiracisme ». Après, comment blâmer les jeunes de se détourner d’institutions qui méprisent les gens ordinaires? Pour les étudiants à l’Université, pensez à ça. Sinon, bonne rentrée.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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