À l’heure où les gouvernements tentent d’imposer à l’ensemble de la population une transition vers les voitures électriques, les informations sur le sujet sont dithyrambiques et peu nuancées. Dans ce concert de publicités, de signalements et de vertu et d’incitatifs gouvernementaux, il devient difficile de savoir quel sera le véritable impact sur le portefeuille des consommateurs. La question des assurances, notamment, semble diviser les analystes. D’une part, on présente de nombreuses réductions de la part des assureurs allant de 10% à 30%, et d’autre part, de nombreux experts sonnent l’alarme d’une augmentation significative des primes d’assurances pour les voitures électriques pouvant aller jusqu’au double de celles payées pour des voitures à essence. Qu’en est-il vraiment?

Dans un article du Journal de Montréal publié en mars dernier, Antoine Joubert faisait part de ce problème, ayant lui-même été confronté à une prime d’assurance deux fois plus chère pour sa nouvelle voiture électrique que pour sa camionnette Silverado. Interloqué, il a décidé d’interroger Louis Cyr, un courtier en assurance souvent sollicité par les médias, pour remettre les points sur les i.

D’entrée de jeu, Louis Cyr confirme que ces rabais de 10% qu’on nous montre dans les publicités « tiennent du n’importe quoi »‘. En fait, une voiture électrique présente de nombreux risques pour les assureurs qui font considérablement monter les primes.

D’abord, on affirme souvent que la voiture électrique nécessite moins d’entretien, ce qui justifierait ces rabais des assureurs. Or, en contrepartie, les réparations, elles, sont beaucoup plus coûteuses en raison de la rareté et du haut niveau technologique des pièces. Dans certains cas, un bris de la batterie serait tellement coûteux qu’il réduirait à néant la valeur de la voiture. En ce sens, les voitures électriques s’avèrent plus difficilement réparables, ce qui suppose qu’elles auraient une durée de vie plus limitée et perdrait en valeur plus rapidement.

En outre, les délais pour obtenir les pièces étant plus longs, les services tels que les voitures de courtoisie s’avèrent plus dispendieux pour les assureurs, qui doivent en plus compenser la consommation d’essence en cas d’impossibilité de remplacer le véhicule par une voiture électrique.

En cas de perte totale, le remplacement d’une voiture aussi peut s’avérer plus long et s’étirer, parfois, sur plusieurs mois, voire plus d’un an, car ce genre de véhicule est plus long et complexe à construire et sort en volume plus limité des usines.

La question des incendies est aussi significative, puisque non seulement les voitures électriques brûlent plus souvent, comme de nombreuses vidéos virales l’ont démontré, mais aussi parce que les coûts pour nettoyer ces sinistres sont plus dispendieux que ceux de l’incendie d’une voiture à essence. Une batterie au lithium relâche beaucoup plus d’émanations toxiques qui doivent être décontaminées.

Vient ensuite la question de la conduite autonome ou semi-autonome, plus présente dans les voitures électriques, qui présente un véritable casse-tête pour les assureurs dans la détermination du fautif. Un accident pourrait être causé par un défaut technologique du constructeur automobile, mais le conducteur serait tout de même jugé fautif et les assureurs devraient payer. Ce qui n’est clairement pas à l’avantage de l’assureur qui, pour se protéger, ferait augmenter les primes.

Enfin, des rapports démontrent que les voitures électriques seraient plus sujette aux accidents en raison de leur accélération plus rapide, à laquelle les conducteurs ne sont peut-être pas tout à fait habitués. Le temps dira si la conduite des usagers s’adaptera ou si le haut niveau d’accidents persistera, mais entre temps, les statistiques sont claires et pourrait refroidir les assureurs.

Maintenant, si toutes ces raisons sont déjà suffisantes pour faire drastiquement augmenter les primes d’assurance pour les voitures électriques, il reste encore d’autres variables inconnues qui risquent de les faire exploser davantage.

D’abord, l’augmentation actuelle des primes d’assurances est nettement mitigée par les programmes d’incitation gouvernementale, qui offrent des remises alléchantes à l’achat. Mais le vrai test pour la viabilité économique des voitures électriques viendra lorsque disparaîtront ces incitatifs et que les consommateurs devront tout payer de leurs poches.

Mais surtout, il faut prendre en considération que les coûts actuels sont basés sur la clientèle plus limitée qui dispose déjà de voitures électriques et qui a, pour la plupart, un profil moins risqué pour les assureurs. Plus urbains et faisant moins de kilométrages, plus aisés, aussi – comme on peut s’imaginer à la vue d’une Tesla – il est normal que les voitures électriques actuellement en service soient mieux entretenues et moins à risques que, par exemple, des camions de campagne utilisés pour transporter une tonne de gravier sur des kilomètres de route en terre battue ou bien une voiture moins bien entretenue d’un jeune homme moins aisée qui essaie de joindre les deux bouts et qui aime particulièrement la vitesse…

Autrement dit, le vrai test de viabilité économique des voitures électriques viendra quand l’ensemble de la population, riche ou moins nantie, jeune ou plus âgée, audacieuse ou plus prudente, conduira ce genre de véhicule. Là seulement, pourrons-nous savoir le véritable coût en termes d’accidents, de réparation, d’usure normale, etc. D’ici là, les données que nous accumulons sont loin d’être encourageantes et laissent entrevoir une explosion du prix des assurances et, possiblement, un monde où conduire deviendra un luxe qui n’est pas accessible à tous.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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