Comment les médias créent de la confusion sur l’immigration et la pénurie de main d’œuvre

Un récent sondage a démontré qu’il n’existait plus de différences notables entre les opinions des Québécois et des Canadiens quant aux conséquences des politiques d’immigration massives des libéraux. Qu’il s’agisse du logement, des soins de santé, de l’éducation ou de la pénurie de main-d’œuvre, québécois comme Canadiens pensent de façon similaire. Par contre, il faut noter que les Québécois sont nombreux à penser que l’immigration est une solution à la pénurie de main-d’œuvre. Un sophisme économique amplement démonté par plusieurs spécialistes, et aussi le sens commun. Faisons le tour de ce sondage et ce qu’il nous dit sur l’agenda médiatique au Québec.

Selon une étude Léger, une forte majorité de Québécois, à 61%, et un nombre légèrement plus bas de Canadiens, à 56%, pensent que l’on devrait accueillir moins d’immigrants. Le pourcentage estimant que l’on devrait en accueillir autant est un peu plus élevé au Canada à 27%, alors qu’il est à 25% au Québec. Ce qui fait dire que l’époque où le Canada voyait de haut le Québec avec ses revendications identitaires est loin derrière nous. En seulement quelques mois, nous avons assisté à un retournement complet de l’opinion publique au Canada.

S’il faut se réjouir de cette prise de conscience, il demeure quand même que le message poussé de façon récurrente par certains médias aura pour encore longtemps la vie dure. Par exemple, que 72% des Québécois et des Canadiens estiment que l’immigration est la solution à la pénurie de main-d’œuvre. Or, cela est un sophisme démonté par plusieurs économistes. Pierre Fortin, que l’on ne peut accuser d’être un bolchévique souhaitant détruire le système, affirme :

« De 2015 à 2019 par exemple, le solde migratoire total du Québec, qui prend en compte l’addition annuelle nette de tous les immigrants permanents et temporaires, a quadruplé, passant de 24 800 à 93 500 personnes. Mais plutôt que de diminuer, le taux de postes vacants a doublé au Québec pendant ce temps, passant de 1,8 % de postes disponibles en 2015 à 3,5 % en 2019. »

Ce qui signifie en gros que pour chaque immigrant, qui gagnera des revenus et aura besoin de services, nécessitera la création de nouveaux emplois. Une idée défendue par d’autres économistes serait que le gouvernement ne devrait essayer de pourvoir que des postes vacants, pas pour de nouveaux postes. On estime à cinq le nombre d’emplois indirects créés par un nouveau poste direct. D’où la contradiction d’un François Legault qui souhaite créer de nouveaux emplois dans de nouvelles industries, alors que nous devrions davantage penser à pourvoir les postes déjà disponibles depuis longtemps. Pensons notamment au secteur de la santé.

Bien sûr, c’est connu qu’il s’agit d’un sophisme économique. Qu’il s’agit de faire venir toujours plus de gens pour combler une pénurie qui ne fait que s’aggraver à mesure que la population augmente. Les journaux sont en partie responsables de la situation. À force de marteler le même message avec des entrepreneurs en détresse, qui affirment perdre des contrats, car ils n’ont pas assez d’employés, ou bien que les jeunes ne « veulent plus travailler », on a fini par convaincre la population qu’il fallait toujours faire venir plus de gens de l’étranger.

C’est ironique venant de Québecor, entreprise que l’on estimerait nationalisme, de pousser un agenda immigrationniste aussi intense. On ne compte plus le nombre de reportages d’industries en crise, qui cherchent désespérément des travailleurs. Par contre, pas grand-chose n’est dit sur les conditions de travail dans les champs, les entrepôts, les usines. Il y a peut-être des raisons pourquoi les jeunes ne veulent plus travailler aux mêmes conditions que leurs parents s’ils ont le choix entre l’usine ou de vendre des téléphones cellulaires par exemple.

Nous pourrions aussi parler du vieillissent de la population. Selon la thèse généralement défendue, l’immigration ferait baisser l’âge moyen de la population. Néanmoins, selon le démographe Guillaume Marois, dans son essai coup de poing Le remède imaginaire (2011), il y affirme que les immigrants qui arrivent au Canada et au Québec sont trop âgés pour réellement inverser la courbe démographique. Il faudrait qu’ils soient des enfants ou des adolescents pour qu’ils puissent faire une vraie différence.

Les médias ont largement leur part de responsabilité dans cette perception contradictoire des conséquences de l’immigration sur notre pays. D’un côté, on voit l’effet de faire entrer plus d’un million de personnes par année sur notre parc locatif. C’est mathématique. L’offre et la demande demeureront pour toujours la règle de base de l’économie de marché. De même, les conséquences sur les systèmes d’éducation et de santé sont connues également. Mais l’argument qui consiste à penser que l’on peut pourvoir des postes en faisant venir des immigrants doit être contredit. Plusieurs économistes l’affirment : pour chaque poste comblé, il faudra toujours en créer un nouveau.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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