Écosse: une loi sur les « crimes haineux » menace la liberté d’expression

Le controversé « Hate Crime and Public Order Act » est entré en vigueur le 1er avril 2024 en Écosse. Tandis que cette loi vise officiellement à moderniser, consolider et élargir la législation sur les crimes haineux afin d’apporter plus de clarté et de cohérence, ses détracteurs estiment qu’il s’agit d’une loi superflue qui ne va servir qu’à restreindre la liberté d’expression.

Suivant les recommandations émises par le juge retraité Lord Bracadale en 2018, l’initiative législative avait pour but de regrouper cinq lois existantes sur les crimes haineux en un seul projet de loi. Le « Hate Crime and Public Order Act » étend notamment les provisions relatives à la haine raciale aux infractions motivées par d’autres préjugés: l’âge, l’handicap, la religion, l’orientation sexuelle et la trans-identité. La caractéristique du sexe est absente de la liste, mais les législateurs indiquent qu’elle pourra être ajoutée ultérieurement. Il est légitime de se demander pourquoi on ne l’a pas l’inséré dès le début. Tant qu’à s’être investi dans un travail d’aussi longue haleine…

Les infractions applicables en vertu du « Hate Crime and Public Order Act » nécessitent un comportement ou contenu « menaçant, abusif ou insultant », accompagné de l’intention ou de la probabilité d’attiser la haine. Le gouvernement écossais avait considéré de supprimer le terme « insultant », mais étant donné que le mot figurait dans l’une des lois préexistantes [le Public Order Act de 1986], on a finalement décidé de le conserver, craignant que son retrait ne suggère qu’il puisse être considéré acceptable d’insulter les minorités ethniques.

L’inclusion de l’insulte dans le libellé d’une loi sur le crime haineux ouvre évidemment la porte à toutes sortes de dérives. Sans parler du manque total de clarté venant d’une administration qui parlait d’apporter davantage de cohérence. Une « insulte » avec la « probabilité » d’attiser la « haine », ça ratisse extrêmement large, dans un océan de subjectivité. Qu’est-ce que la haine au juste?

Qui est aux commandes de l’Écosse? Le SNP, principal parti indépendantiste écossais, qui avait organisé le référendum perdu en 2014. Il s’agit d’un parti campé à gauche dont le wokisme n’est pas fantasmé. En guise de comparaison, c’est un peu comme si Québec Solidaire était le porteur du projet d’indépendance au Québec. [Parenthèse: le SNP veut faire sécession du Royaume-Uni… pour réintégrer l’Union européenne, qui leur imposera ses politiques commerciales et immigrationnistes, sans parler de son contrôle de l’Internet – où est la souveraineté là-dedans?].

Humza Yousaf a accédé à la fonction de Premier Ministre le 29 mars 2023, succédant à Nicola Sturgeon, qui était en poste depuis 2014. Fils d’immigrés pakistanais, Humza Yousaf est le premier musulman à diriger l’Écosse. C’est lui qui avait initialement introduit ce projet de loi pour réprimer les crimes haineux en 2018, alors qu’il était ministre de la Justice. Humza Yousaf s’était dit favorable à ce que des personnes puissent être poursuivies en justice pour des propos haineux tenus dans un cadre privé, par exemple chez eux.

Avant de rejoindre le SNP, Humza Yousaf était impliqué dans diverses associations de la communauté musulmane écossaise. En plus d’avoir été animateur radio pour Islamic Relief, il a présidé la Scottish Islamic Foundation, qui est considérée comme une porte d’entrée pour l’islamisme par la fondation Quilliam, un think tank anti-extrémiste britannique cofondé par l’auteur et journaliste Maajid Nawaz.

Sur GBNews, Ann Widdecombe se demande comment les propos de Humza Yousaf [rendus populaires par la condamnation d’Elon Musk] pourraient être interprétés selon la nouvelle loi. En juin 2020, il avait déploré l’omniprésence des blancs dans la société écossaise: « Le Président de la Chambre des Lords est blanc, le Clerc de Justice est blanc, chaque juge de la Haute Cour est blanc, le Procureur Général est blanc, le Solliciteur Général est blanc, le chef de la police est blanc, chaque chef de police adjoint est blanc, chaque assistant de chef de police adjoint est blanc, le chef du Barreau est blanc, le chef de la Faculté des avocats est blanc et chaque directeur de prison est blanc […]. Il est souhaitable que nous soyons mal à l’aise, car ce devraient être des vérités inconfortables pour nous tous ». Pourtant, selon le recensement de 2011, l’Écosse comptait 96% de blancs.

L’entrée en vigueur de cette loi va entraîner un véritable gaspillage du potentiel policier. La même police écossaise qui avouait publiquement il y a quelques semaines manquer des ressources nécessaires pour enquêter sur chaque crime, promet d’enquêter toutes les plaintes reçues en vertu de cette loi. 411 centres de dénonciations ont été mis sur pied.

Répondant aux craintes que des signalements puissent être effectués par simple vengeance, le gouvernement SNP a déclaré que les plaintes abusives ou malveillantes seraient punies. Sauf que les plaintes peuvent aussi être amenées sous le couvert de l’anonymat… Comment vont-ils faire?

La nouvelle loi vise notamment à munir les personnes trans d’une protection contre les « crimes haineux ». L’auteure J.K. Rowling, qui réside en Écosse, a craint que ses commentaires sur les réseaux sociaux au sujet de l’identité de genre et du trans-activisme soient désormais traités comme des crimes. Le 1er avril, elle a délibérément testé le terrain en publiant une série de messages dans lesquels elle faisait référence à plusieurs femmes transgenres comme étant des hommes, notamment des prisonniers condamnés, des militants transgenres et autres personnalités publiques. La police écossaise a assuré que les commentaires de J.K. Rowling « n’étaient pas considérés comme criminels et ne feraient l’objet d’aucune action », malgré qu’ils aient effectivement été l’objet de signalements en vertu de la nouvelle loi.

Le gouvernement du SNP reconnaît que la législation en soi est insuffisante pour construire la société « inclusive et égalitaire » à laquelle aspire l’Écosse, mais que se doter d’une législation claire sur les crimes haineux envoie un message fort. La loi fait penser à une loi du blasphème inversée, punissant les hérétiques de la nouvelle religion dominante de notre époque: le wokisme.

On ne peut pas s’empêcher de voire une proximité idéologique avec l’administration Trudeau, dont le projet de loi C-63 vise à contrer le « contenu fomentant la haine ». Les gouvernements qui souscrivent au wokisme déploient de tactiques autoritaristes qui pourront servir à restreindre la liberté d’expression de leurs opposants, voire à la criminaliser. Le « Hate Crime and Public Order Act » ne sera probablement pas utilisé en masse contre des citoyens outrepassent les limites de l’acceptabilité woke. Par contre, on peut craindre un dispositif dont on se servira pour museler ou criminaliser des individus spécifiques; pour en faire des exemples à ne pas suivre.

« La Haine fait mal. Si vous êtes témoin d’un crime haineux, signalez-le » [Hate Hurts. If you witness a hate crime, report it]. Le message annonçant la loi sur de vastes panneaux publicitaires évoque un univers orwellien. Avec sa loi, le SNP crée un climat de peur susceptible d’induire l’autocensure. Les citoyens n’oseront plus s’exprimer librement, ni en public, ni sur les réseaux sociaux, ni même chez eux.

Ophélien Champlain

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