Q : Que pensez-vous des nouvelles mesures de confinement du gouvernement Legault, surtout du couvre-feu ?
JBG : Le couvre-feu est la goutte qui fait déborder le vase. C’est une mesure désespérée, excessive, probablement inutile, et qui ne correspond en rien à l’esprit bon enfant du Québec. Aucune étude ne prouve que le couvre-feu permettra de réduire les cas d’infection. Depuis le début de la crise, les experts et décideurs disent constamment agir au nom de la science, mais justement, les scientifiques ne s’entendent pas et nous sommes toujours devant un énorme casse-tête composé de 1001 facteurs. Les délinquants et jeunes festifs resteront-ils simplement coucher chez leurs parents et amis, au lieu de retourner chez eux après 20 h ?
Il y quelque chose de ridicule à imposer un couvre-feu à une population qui était déjà en profonde hibernation sociale bien avant le début de la pandémie. On ne se cachera pas qu’il y a des contrées plus vivantes que le Québec dans le monde, contrées où les gens sortent beaucoup plus et sont beaucoup plus portés sur la fête et les activités de groupe, notamment familiales. À entendre certains experts, les Québécois vivent dans l’orgie permanente et l’appel du bistrot, alors qu’ils sont plutôt sur des sites pornos et à la commande à l’auto.
Dans une perspective strictement politique, le couvre-feu était sans doute la limite à ne pas franchir pour le gouvernement Legault. En termes d’appuis et de popularité dans sa gestion de la crise. Le gouvernement a beau être appuyé par les couches hypocondriaques et bruyantes médiatiquement de la population, il y a aussi de plus en plus de gens qui n’en peuvent plus. Il y a une sourde colère qui commence à ressembler un peu à celle qu’ont fini par exprimer les Gilets jaunes en France. Écoutez les gens autour de vous : ils sont loin d’être unanimes. En ce sens, le couvre-feu est peut-être le Waterloo sanitaire de la CAQ, bien que ses chances de réélection soient encore bonnes. À suivre.
Q : Comment expliquez-vous le silence des partis d’opposition à Québec depuis le début de cette crise ?
JBG : Je ne sais pas s’il s’agit de silence ou d’unanimisme. Chose certaine, le manque flagrant de diversité à l’Assemblée nationale sur la crise sanitaire traduit un inquiétant déficit démocratique. Il est évident qu’il y a un manque de représentativité. Par ailleurs, il est décevant de voir le Parti libéral du Québec — à l’exception de quelques députés — se ranger aussi mollement derrière le gouvernement Legault, alors que le PLQ est censé représenter le libéralisme en tant que courant politique et même philosophique. Si je comprends bien, les droits individuels, c’est bien quand il s’agit de s’opposer à la laïcité, mais pas quand il serait urgent de garder son sang-froid et ne pas sacrifier les libertés qu’il nous reste. Ce qu’il faut donc espérer pour mieux représenter la population, c’est l’arrivée d’Éric Duhaime à l’Assemblée nationale, et dès la prochaine élection.
Q : Est-ce que « le nouvel ordre sanitaire », comme vous aimez l’appeler, est vraiment là pour rester ?
JBG : Il faut bien comprendre que notre réaction devant cette pandémie modeste dans l’histoire n’est pas tombée du ciel : c’est en Modernes que nous réagissons. Nos ancêtres n’auraient pas réagi de cette façon, c’est évident. Les habitants des pays pauvres sont aussi beaucoup plus sereins face à la crise, justement parce qu’ils ne sont pas encore aussi modernes que nous le sommes. La modernité a eu l’avantage, entre autres, de nous sortir de la théocratie et d’améliorer nettement notre qualité de vie, mais force est de constater qu’elle nous a aussi entrainés dans une peur de la mort paralysante. Nos sociétés sont aseptisées à l’extrême et semblent maintenant prisonnières du risque zéro.
À l’échelle mondiale, si nous parvenions rapidement à endiguer les cas d’infection au moyen du vaccin, je ne suis pas du tout certain que nos sociétés reviendraient à la normale. Par exemple, le port du masque va rester et il sera beaucoup plus compliqué de voyager. D’ailleurs, on parle déjà un peu partout de « nouvelle normalité », ce qui est assez préoccupant. Nous sommes peut-être réellement devant un nouvel ordre politique et anthropologique, une sorte de « démocratie hypocondriaque », pour reprendre les termes de Nicolas Gagnon, jeune intellectuel engagé. Nos sociétés n’ont jamais été aussi mortes que depuis qu’elles prétendent faire tout en leur pouvoir pour préserver la vie. J’espère me tromper, mais mon petit doigt me dit que nous sommes entrés dans une nouvelle ère.
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