Et si en réalité, l’isolement diplomatique de Taiwan prenait fin ?

Les médias internationaux rapportent la nouvelle régulièrement : un micro-État cesse de reconnaître Taiwan comme étant la « République de Chine » et va plutôt reconnaître la « République populaire de Chine », soit la Chine continentale sous contrôle du Parti communiste chinois. Ils affirment ainsi que Taiwan est de plus en plus isolée sur la scène internationale face à une Chine toute puissante qui n’hésite pas à sortir son carnet de chèques. Et si en réalité, c’était plutôt l’inverse? Que Taiwan sortait d’un long isolement diplomatique pour être « reconnue » par les grandes puissances? Analyse de la politique d’un État insulaire qui n’a pas dit son dernier mot.

Burkina Faso, îles Salomon, République Dominique et maintenant le Honduras, la liste des « alliés » de Taiwan fondrait comme neige au soleil. La République populaire de Chine sortirait le chéquier pour acheter ces petits pays et « isoler » davantage Taiwan. Ce sont des informations relayées régulièrement dans les médias internationaux. Mais qu’est-ce que cela veut dire? C’est que la politique du Parti communiste chinois est très claire : vous ne pouvez reconnaître « deux Chine » car il n’y a qu’une seule Chine : la République populaire de Chine qui est contrôlée par le Parti communiste chinois.

Il faut savoir que Taiwan se nomme officiellement « République de Chine » car à l’origine, ce sont les nationalistes chinois, ceux ayant perdu la guerre civile, qui furent contraints de se réfugier sur l’île de Taiwan en gardant espoir d’une reconquête du reste de la Chine dirigée par les communistes. Cependant, les « deux Chine » ont connu des trajectoires différentes. C’est ainsi que Taiwan est devenue un État indépendant de facto et une démocratie libérale modèle. Ils ont aussi renoncé à une reconquête de la Chine continentale par la force des armes. Alors que la Chine populaire est devenue une grande puissance économique qui n’a plus peur d’intimider Taiwan car le rapport de force s’est depuis inversé.

On affirme ainsi que Taiwan serait de plus en plus isolée car ces petits États ne reconnaissent plus son gouvernement. Et si en réalité, c’était plutôt l’inverse? Le Japon et la Corée du sud semblent vouloir coopérer malgré un conflit historique entre les deux nations, et Taiwan est régulièrement invitée à des rencontres avec eux. La présidente Tsai Ing-Wen est visitée par des délégations étrangères de pays européens et par les États-Unis. Et lors de sa visite officielle en Amérique centrale, elle fera « escale » à Los Angeles pour rencontrer des décideurs américains.

Il y a quelque temps, Nancy Pelosi a visité Taiwan et a provoqué la colère de la Chine. Bien qu’il y ait eu un emballement médiatique, il ne s’est rien passé. Le PCC a menacé de descendre l’avion américain, pour au final vivre une des pires humiliations des dernières années. La Chine se plaint, crie, gesticule, pendant que Taiwan sort de son isolement. Si elle ne peut plus compter sur les micro-États pour son orgueil, Taiwan peut maintenant compter sur les puissances démocratiques pour exister en tant qu’État. Même si cette reconnaissance ne saurait être « officielle » pour ne pas froisser l’éléphant dans la pièce : la Chine et sa gigantesque puissance commerciale et industrielle.

Et Taiwan est très claire en ce qui concerne ces pays qui se font acheter par l’argent de Pékin : ces belles promesses seront sans suite, et vous tomberez dans un cycle sans fin de corruption. On le voit en Afrique avec les pays qui ont de plus en plus de mal à rembourser leurs dettes à la Chine qui a construit des infrastructures qu’ils sont incapables de payer. La Chine sait très bien qu’elle offre des routes, des réseaux de train, des stades que ces pays n’ont pas les moyens de s’offrir. Elle prend ainsi les infrastructures et va en garder le contrôle, violant la souveraineté de ces États.

Donc en conclusion, Taiwan sort de longues décennies d’isolement grâce à la politique étrangère immature de la Chine. Les puissances occidentales, le Japon et la Corée du Sud parlent à Taiwan de façon ouverte, même s’ils ne peuvent pour le moment de risquer de froisser la « politique d’une seule Chine » mise en place par le Parti communiste chinois. Taiwan est devenue en quelques années un pays touristique émergent et un allié de choix pour contrer l’hégémonie de la Chine de Xi Jinping sur la région Asie-Pacifique. Et même si elle perd la reconnaissance de quelques micro-États corrompus, elle gagne en légitimité pour les pays qui comptent vraiment dans notre système politique mondial.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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