La croisade contre le gaz naturel continue au Québec… Et contribue aux émissions de GES mondiales

Malgré des perspectives énergétiques inquiétantes au Québec – qui risque de manquer d’énergie dès 2027 – et une mise au point d’Hydro-Québec, qui affirme qu’il n’aurait pas la puissance nécessaire pour convertir tout le parc immobilier de la province au chauffage électrique du jour au lendemain, des groupes de pression environnementalistes continuent de réclamer le bannissement immédiat du gaz naturel. La chose peu paraître contre-intuitive, mais cette obstination à bloquer et bannir le gaz naturel nuit à l’environnement au niveau mondial, comme le démontre un autre rapport sorti plus tôt cette semaine.

Entre croisade et caprice idéologique

En effet, on apprenait hier qu’une coalition de groupes environnementaux, de scientifiques et de syndicats réclame l’abandon du gaz naturel dans les bâtiments. Leur demande fait suite à des revendications semblables de la part de certaines municipalités dans les derniers mois de 2022 ainsi qu’une recommandation de la commission sur l’environnement de la Ville de Montréal.

Selon eux : « Il ne fait plus aucun doute que le gaz est risqué pour le climat et l’environnement, et ce, de la fracturation à la consommation. Face à l’urgence, il faut agir de manière responsable et abandonner cette énergie destructrice ». Ils ajoutent en outre vouloir « contrer la désinformation » sur le sujet.

D’une manière un peu ironique, la coalition célèbre les victoires environnementaliste contre le gaz depuis vingt ans… en admettant tacitement que la consommation n’a jamais changé et que c’est simplement que le Québec est dépendant à 100% de sources d’approvisionnement extérieures. Ils en concluent donc que « par souci de cohérence, il est temps de s’attaquer à la consommation ».

L’Association québécoise des médecins pour l’environnement revient aussi à la charge en affirmant que les cuisinières au gaz sont un problème de santé publique qui s’attaque aux enfants et aux plus vulnérables, une affirmation qui avait été beaucoup débattue en début d’année.

Répondant aux inquiétudes d’Hydro-Québec, qui ne pense pas être capable de pallier toutes les demandes de branchement en cas de bannissement du gaz dans le chauffage résidentiel, la coordonatrice de la coalition, Marie-Noëlle Foschini, y va d’une véritable pensée magique : « Il faut distinguer les choix politiques de la capacité. Hydro-Québec prévoit une hausse importante de la demande pour la pointe. Cette énergie est destinée à la croissance économique, à la demande industrielle et au soutien d’une politique de mobilité qui mise tout sur l’auto solo. Ce sont des choix, et non une question de capacité. »

Autrement dit, selon cette coalition, il faudrait encore davantage compromettre notre développement économique et industriel. Et pour ce qui est des voitures électriques, Foschini semble aussi affirmer que l’effort n’est pas suffisant et qu’il faudrait promouvoir le covoiturage… À ce stade, ces revendications ne sont plus simplement irréalistes, elles sont capricieuses.

On se rappelle que Pierre Fitzgibbon ne pourra même pas accepter la moitié des demandes de branchement pour les projets de développement industriel, cet argument que tout ça ne relève qu’une question de choix est tout à fait farfelu et ne fait de sens que dans une logique de décroissance propre à un militantisme radical.

Leur solution face à ces problèmes éventuels? La sobriété et l’efficacité. Autrement dit, que le peuple se serre – encore – la ceinture. Nous devons déjà limiter notre développement, mais ces militants voudraient nous paralyser complètement.

Bloquer le gaz… pour consolider la dépendance mondiale au charbon

Maintenant, pourquoi bloquer l’exploitation et le transport de gaz au Québec contribuerait aux émissions de GES ailleurs dans le monde? Tout simplement parce que le reste de monde consomme encore des énergies beaucoup plus polluantes et dans une quantité absolument écrasante vis-à-vis de la consommation québécoise.

Tous ces sacrifices que font les Québécois et qui les empêchent de se développer et de prospérer à leur plein potentiel, malheureusement, sont effacés par le développement extrêmement polluant de la Chine en seulement quelques jours. Vous avez bien lu : une année complète de sacrifice et de privation, qui met en danger le développement économique de la province pour les prochaines décennies, complètement effacée par quelques journées de consommation normale en Chine.

L’immense potentiel gazier du Canada et du Québec pourrait facilement aider le reste du monde à se défaire de sa dépendance au charbon, contribuant à diminuer de manière nettement plus significative les émissions globales. Dans le cas contraire, en refusant d’exploiter notre ressource, nous consolidons cette dépendance mondiale et nous lavons les mains de ses conséquences.

En d’autres mots, on pourrait dire que bannir le gaz naturel au Québec, c’est laver plus blanc que blanc pour un résultat inverse à celui voulu… Ce n’est que du signalement de vertu.

C’est dans cet esprit qu’un nouveau rapport de la Chambre de commerce du Canada affirme que pour l’environnement, nous devrions produire plus de gaz naturel au Canada.

Rappellant que l’Accord de Paris de 2015 permet la production de gaz dans l’optique de remplacer le charbon, Éric Miller, président de Rideau Potomac Strategy Group et auteur du rapport, affirme que ce pourrait être un moteur clé de la croissance du secteur du gaz au Canada. Selon lui, remplacer 20% de l’électricité provenant du charbon en Asie permettrait d’économiser l’équivalent d’une année entière d’émission de GES au Canada.

Le rapport déplore aussi que sur 18 projets de terminaux d’exportation gazière depuis 2008, un seul a été accepté et complété. Le blocage ne relève donc pas d’un manque d’opportunité d’affaires, comme l’affirmait Justin Trudeau lors de la visite du Chancelier allemand Olaf Scholz, mais bien d’un blocage politique. De nombreuses infrastructures attendent d’être construites par manque de volonté ou blocage systématique par des groupes de pression.

***

Les environnementalistes affirment souvent que l’enjeu climatique est un enjeu global ; que c’est dans les initiatives internationales et la coopération que nous parviendrons à juguler les émissions de GES. Or dans la pratique, ce qu’on observe, c’est une focalisation exclusive sur la consommation locale et provinciale. Les environnementalistes québécois analysent le Québec en vase clos sans réellement prendre en compte le portrait général.

Non seulement ils surévaluent nos capacités à changer quoi que ce soit pour le reste du monde dans notre petite province au portrait déjà très vert, mais en plus, ils refusent de voir en quoi leurs politiques nuisent aux efforts de transition dans des endroits moins avancés en termes de technologie verte.

Bref, il est plus que temps que le Québec cesse le signalement de vertu, cesse de saboter lui-même et entre dans le concert des nations qui, à ce jour, est catégorique : le monde a besoin de gaz naturel pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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