Les premiers ministres des trois territoires (Yukon, Territoire du Nord-Ouest et Nunavut) s’inquiètent pour notre souveraineté en Arctique et craignent que les ambitions territoriales de la Russie puissent un jour s’étendre jusqu’au Nord canadien. C’est ce que nous apprenait une lettre datée de mars 2022, mais rendue publique que la semaine dernière, destinée au premier ministre Trudeau.

Ces craintes sont motivées par l’intervention russe en Ukraine ainsi que par les nombreux investissements faits par Moscou au cours des dernières années dans la région, via la construction et la réhabilitation de plusieurs infrastructures, tant militaires que civiles, afin de renforcer sa présence sur ce territoire.

Les premiers ministres des territoires canadiens ont de quoi s’inquiéter. Récemment, la vérificatrice générale du Canada Karen Hogan rappelait dans un rapport que les équipements nécessaires à la surveillance des eaux arctiques approchent de leur fin de vie utile. Pire, les retards pris dans leur remplacement risquent de compromettre notre capacité de surveillance du trafic maritime nordique alors que celui-ci a plus que triplé au cours des trente dernières années et que tout indique qu’il devrait s’accroitre davantage avec l’accélération de la fonte des glaces.

En 2021, la même vérificatrice générale signait également un audit sur la Stratégie nationale de construction navale où elle soulignait que la marge de manœuvre pour le renouvellement de notre flotte de brise-glace avait « presque disparu » et que tout retard additionnel pourrait réduire « la capacité du Canada de mener à bien des activités essentielles ».

Cependant, même si la menace russe ne peut pas être mise de côté, celle-ci semble secondaire si nous la comparons aux défis occasionnés par les effets du réchauffement climatique sur nos infrastructures nordiques, notamment à cause de la fonte du pergélisol.

Le phénomène ébranle la fondation des bâtiments existants, endommage les pistes d’atterrissage et les routes ainsi que toute infrastructure qui n’a pas été spécialement conçue pour supporter cette fonte des glaces. Dans un rapport récent, l’Institut climatique canadien estime même que la moitié des routes d’hiver de la région deviendront impraticables au cours des trente prochaines années.

Ne serait-ce pas la vraie menace qui plane sur la souveraineté canadienne en Arctique? Un scénario absurde où, même si notre territoire se libère des glaces et devient plus accessible, notre capacité à le surveiller, le réguler, voire seulement à y accéder, deviendra de plus en plus difficile avec le temps.

Pourtant, la meilleure façon de défendre efficacement nos intérêts et notre souveraineté dans la région est d’y être présent et d’y occuper le terrain. Nous devons nous assurer que le développement du Grand Nord canadien puisse compter sur un réseau d’infrastructures prévu et conçu pour les enjeux du XXIe siècle afin que la région libère son plein potentiel, tant du point de vue économique qu’humain.

En Arctique, la défense du territoire passe autant par les ingénieurs que par les militaires. Le premier ministre Trudeau a annoncé en 2022 un investissement de 4,9 milliards de dollars pour moderniser la cinquantaine de radars couvrant le flanc nord du pays, devenu incapable de détecter les nouvelles générations de missiles, mais nous attendons toujours ses annonces concernant les ports, les routes et les ponts.

Benoit Lapierre

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