Pierre Mailloux, mieux connu sous le nom de « Doc Mailloux », est décédé tragiquement d’une infection virulente ce 12 janvier après avoir reçu l’aide médicale à mourir. Que l’on aime ou non le style du « Doc », ce n’est pas la question. Bien sûr, nous parlerons du fait qu’il était un homme libre dans une atmosphère sociale de plus en plus « politiquement correcte », mais bien au-delà de ses populaires émissions, il laissera derrière lui un héritage aux Québécois qu’ils devront investiguer pour mieux comprendre qui ils sont comme peuple. Rendons hommage à une référence de la psychiatrie au Québec, qui ne passait pas par quatre chemins.
Le Doc Mailloux, c’est avant tout un homme originaire du Lac-Saint-Jean, plus précisément de Normandin. Un pays plus vrai que nature. Cette région, qui a vu naître un des grands jalons de notre littérature, Maria Chapdelaine par Louis Hémon, a engendré des hommes et des femmes d’une force hors du commun. Physique bien sûr, mais également mental. Car il fallait de la force pour survivre dans une région aussi hostile. Cet homme gravira les échelons de sa région natale pour devenir l’un des psychiatres les plus réputés au Québec, si ce n’est pas au Canada.
Nous avons beaucoup parlé de ses controverses, de ses propos sur l’intelligence des noirs à la prescription de « mégadoses » d’antipsychotiques à quelques patients. Ces controverses ne font qu’occulter certaines réflexions très poussées sur la nature du peuple québécois. Le Doc Mailloux connaissait la psyché collective de notre peuple par ses nombreuses années d’émissions à la radio.
Il a déterré des squelettes dans le placard du peuple québécois. Des histoires de viols, d’inceste, de pères absents, de mères castratrices. Il s’en prendra particulièrement à ces enseignantes qui veulent « castrer » les petits garçons dans les écoles. Bien au-delà des formules qui choquent, il faut néanmoins reconnaître qu’il a mis le doigt sur quelque chose. Que les enfants ne sont pas si bien traités que ça au Québec. Cela ne date pas d’hier, et cela continue aujourd’hui.
Ces secrets de famille, qu’il contribuera à déterrer, montrent toute la souffrance de ces femmes violées, battues et soumises à leur mari. Quant aux hommes qui appelleront le Doc, ce sera souvent pour faire des confidences sur leur vie : comment ils ont dépensé dans les machines à sous, ou qu’ils ne se sont pas occupés de leurs enfants. Pour la première fois, nous mettions des mots sur ces tabous que nous avons tous dans nos familles.
Le Doc interviendra dans le débat public à plusieurs reprises qu’il faut protéger les enfants des pédophiles, et empêcher toute possibilité de récidive. Il écrira même un livre à ce sujet. Il prône la castration des pédophiles, avec une expérience clinique unique au Québec. Car lui-même traitera plusieurs pédophiles qui ont choisi de faire appel à lui.
Bien sûr, le Doc Mailloux n’était pas toujours très tendre. Il s’emportait même face à des gens qui n’avaient clairement pas mérité telle « correction ». Il faut quand même saluer le courage qu’il a eu durant toute sa vie face au Collège des Médecins, et à tout l’appareil médiatique. À plusieurs reprises, les médias se sont emparés d’une affaire pour discréditer le Doc, mais celui-ci en ressortira toujours vainqueur.
Il reste maintenant tout un pan de notre histoire à découvrir, une histoire sombre. Celle des abus d’enfants, de l’inceste. Mais aussi comment notre société en est venue à vouloir empêcher toute expression de masculinité des petits garçons à l’école. Nous savons tous à quel point l’école québécoise est éprouvante pour des garçons. Or, le Doc Mailloux a mis le doigt sur quelque chose que même nos meilleurs sociologues et autres spécialistes de l’éducation ne veulent s’avouer sur l’échec scolaire des garçons au Québec.
Oui, il y a des mères indignes, des pères absents, et beaucoup d’enfants au Québec ne sont pas si bien traités que ça. Plusieurs se font rabaisser par leurs parents, qui au lieu de les encourager dans ce qu’ils sont excellent, vont pointer les petites erreurs. Le Doc est un précurseur sur comment nous devrions mieux traiter les enfants au Québec. Et pour cela, il mérite tout notre respect.
Pour le moment, nous en sommes encore aux hommages, et pour les haineux, à une célébration malsaine. Les années s’écouleront que nous nous rendrons compte que le Doc Mailloux a énormément contribué à la société québécoise. Et que nous (re)découvrirons ses livres, ses présentations, ses interventions. Pour protéger les enfants des pédophiles, empêcher ceux-ci de récidiver. Mais aussi pour mieux comprendre le mal-être au Québec en creusant dans notre histoire collective et ses non-dits.
Reposez en paix Doc Mailloux
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