Depuis quelques semaines, une prolifération de coups d’éclats, pour la plupart vandales, de militants écologistes semble frapper le monde occidental.

Canne de tomate sur les tournesols de Van Gogh à Londres, canne de patates pilées sur un Monet à Postdam, occupation d’un concessionnaire Porsche ; toutes ces actions accompagnées de l’étrangeté de se coller les mains sur le mur ou sur le sol pour ne pas être délogés. Hier, la statue de cire du roi Charles III chez Madame Thussauds était entartée pour les mêmes raisons.

La chose paraît irréelle tant elle est contre-productive. Avec leur vision sombre et apocalyptique, les écologistes sont en train de s’aliéner une bonne partie de la population et perdre toute crédibilité.

Provoquer la chute de la civilisation pour éviter l’apocalypse

La logique derrière leurs agissements serait que nous serions plus préoccupés par des objets que par le sort de la planète. Nous serions censés reconnaître notre incohérence dans la surprise et les suivre prestement dans la voie glorieuse de la révolution verte.

Or ça produit exactement l’effet inverse. Pour la majorité, tant et aussi longtemps qu’on saura préserver la culture, cela voudra dire que la civilisation tient. Au contraire, laisser des vandales détruire les objets les plus précieux de l’humanité laisse croire que ce sont eux, les porteurs d’apocalypse.

Des activistes aspergent les Tournesols de Van Gogh à Londres, le 14 octobre 2022

Il y a quelque chose de profondément nihiliste et misanthrope au fait de s’attaquer à l’art pour sauver la terre. Il ne sert à rien de préserver la nature si la beauté des créations humaines doit être réduite à la ruine.

En tentant d’instiller le chaos et la révolte, en s’attaquant aux objets les plus appréciés sur terre, au mépris de l’histoire, de l’art et de la culture, ces agitateurs envoient le message qu’il préfèrerait la chute de la civilisation – voire de l’humanité – à l’apocalypse… Comme si c’était deux choses différentes.

Radicalité des combats désespérés

Dans une entrevue en 2018, le sociologue Michel Maffesoli expliquait comment, lorsque les militants d’un mouvement pressentent que le combat est perdu, ils s’adonnent à des « combats d’arrière-garde » beaucoup plus violents :

«Quand il y a cette situation, il y a des combats d’arrière-garde: à la fois le fanatisme djihadiste, ou le féminisme, si je m’amuse à faire une comparaison entre les deux sont de mon point de vue des combats d’arrière-garde. Ils pressentent que le combat est perdu. Or les polémologues le savent bien : ces combats sont les plus sanglants. Quand on pressent que quelque chose est perdu, on tue. Il est certain que la grande conception d’un monothéisme intransigeant n’est plus à l’ordre du jour. Pour le féminisme, c’est un peu pareil : les vieilles peaux qui défendent des valeurs légitimes il y a une trente-quarantaine d’années, mais qui ne sont plus en phase avec les jeunes générations…»[1]

Un Monet aspergé de patate pilée à Postdam, le 23 octobre 2022

On pourrait facilement appliquer la même logique ici : après des décennies à devoir reporter l’échéance de leur apocalypse climatique, après un développement massif des énergies vertes et des transports électriques, après une succession de gouvernements de plus en plus verts – qui veulent désormais interdire les voitures à essences autour des années 2030 -, après que les pétrolières aient littéralement commencé à investir dans les technologies de captage de carbone, les activistes écologistes savent que leur combat marxiste contre les corporations et les États ne tient plus la route, que dans les faits, beaucoup de choses ont été faites et continuent d’être faites pour améliorer l’environnement.

Ils savent que la civilisation continue son train-train quotidien et le fera pour longtemps. Ils savent que la civilisation risque beaucoup plus de s’écrouler après une succession de crises économiques et géopolitiques.

Ils savent que bien que tout le monde soit préoccupé par l’environnement, personne n’achète vraiment cette histoire d’apocalypse environnementale.

Alors ils se renfrogne et se radicalisent. Se frustrent qu’on ne les rejoigne pas dans leur frustration contre « le système ». Ils obtiennent même une certaine fierté derrière le fait d’être un combattant « de la dernière chance » ; ils en puisent un sentiment romantique d’héroïsme. Ils vivent de plus en plus dans un monde parallèle de militantisme jusqu’au-boutiste et s’enfoncent dans une provocation adulescente et puérile.

À terme, ils deviennent grossiers, destructeurs et tristement clownesques.


[1] Maffesoli, M. Cité dans Chanot, E. « Michel Maffesoli : la société officielle est complètement déphasée ». Sputnik. https://fr.sputniknews.africa/20180208/michel-maffesoli-societe-crise-1035073055.html

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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