« L’étincelle qui mettra le feu à la troisième guerre mondiale jaillira de Palestine »: C’est ce qu’avait affirmé la confrérie des Frères Musulmans en 1947 suite au dévoilement du plan de partage proposé par l’UNSCOP. 75 ans plus tard, cette prédiction s’avère toujours aussi valable alors que la guerre Hamas-Israël entre dans son 8ème mois.
Le conflit israélo-palestinien attise les passions. Chaque fois que survient une reprise des hostilités, le débat s’enflamme sur les réseaux sociaux et des liens sont rompus. Il s’agit d’un sujet clivant qui a la capacité de semer la zizanie à l’autre bout du monde. Le conflit divise autant à gauche et à droite. Tant au Québec qu’aux USA, la droite nationaliste n’est pas épargnée: on y trouve un camp pro-Israël, qui peut aller jusqu’à appuyer inconditionnellement toute réponse militaire israélienne, et aussi un camp antisioniste qui prend la défense des Palestiniens. La droite chrétienne présente aussi un clivage entre pro-israéliens qui voient le retour des Juifs sur leur terre ancestrale comme un accomplissement des prophéties bibliques, et un camp antisioniste dont certains n’ont pas pardonné aux Juifs de l’époque d’avoir livré Jésus aux autorités romaines pour qu’il soit condamné à la crucifixion.
On remarque une connaissance insuffisante de l’histoire chez beaucoup de ceux qui abordent le sujet. La Palestine n’a jamais existé en tant qu’État. Le territoire avait été divisé en subdivisions administratives de la Rome antique, avant de devenir un district de la Grande Syrie arabe, puis de se trouver sous la domination turque à partir de 1517 jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale, période durant laquelle la Palestine n’a jamais formé une entité administrative distincte. En 1918, suite à la victoire des Alliés, le mandat de Palestine a été confié à l’administration britannique. Dans le cadre de cet arrangement, le Royaume-Uni a pris l’engagement de faciliter l’établissement de deux États indépendants en Palestine, l’un pour la population juive et l’autre pour la population arabe. Sauf que l’État arabe de Palestine n’a jamais vu le jour.
Le 15 mai 1948, au lendemain de la proclamation de l’indépendance d’Israël, les pays arabes voisins ont envahi la Palestine afin d’empêcher la création de l’État juif. La guerre se conclut avec une victoire de la partie israélienne en juillet 1949. Le projet d’un État palestinien est alors abandonné. Le territoire qui devait devenir l’état arabe est divisé en trois. Le secteur occidental de Jérusalem se fait annexer par Israël, Jérusalem-est et la Cisjordanie par la Jordanie, et la bande de Gaza par l’Égypte. Israël sort de cette guerre avec 78% de l’ancienne Palestine mandataire, alors que le plan initial lui accordait 55% du territoire. Le camp pro-Israël argue que l’État Palestinien existerait s’il avait proclamé sa propre indépendance au lieu de déclarer la guerre à Israël le jour où le mandat britannique pris fin.
Le partage initial proposait un État juif sur un territoire d’environ 14,000 km2 où se trouvaient 558,000 Juifs et 325,000 Arabes; un État arabe d’environ 11,500 km2 avec 884,000 Arabes et 10,000 Juifs; ainsi qu’une zone neutre sous régime international incluant Jérusalem, dans laquelle se trouvaient 106,000 Arabes et 100,000 Juifs. Le territoire accordé à l’État juif était plus grand, mais comportait le désert du Neguev. La partie arabe considérait que ce partage attribuait à l’État juif un territoire disproportionné par rapport à la population juive présente en Palestine à l’époque. On déplorait qu’avec la proposition des Nations Unies de nombreux Arabes se retrouveraient sous la juridiction de l’État juif.
L’UNSCOP avait également envisagé la création d’un seul État binational fonctionnant sous la forme d’une fédération, contenant à la fois une partie juive et une partie arabe, mais cette solution a été écartée. Aurait-ce été une solution garante de moindre violence? Difficile à dire, mais la Palestine mandataire s’est trouvée en situation de guerre civile dès le 30 avril 1947, au lendemain de l’adoption de la résolution par l’ONU.
L’un des événement les plus notables de cette journée, nommé de « Jour de la Terre Brûlée », a été la fusillade de Jaffa, où des affrontements ont éclaté entre groupes juifs et arabes, faisant plusieurs victimes des deux côtés. Des émeutes et des combats violents sont simultanément survenus dans d’autres villes et localités de Palestine, y compris à Jérusalem, Haïfa et Tel Aviv. Il est difficile de désigner une seule partie comme ayant ouvert les hostilités, les tensions entre les deux communautés étant déjà très élevées.
Les racines du conflit israélo-arabe remontent à la fin du XIXème siècle, avec les tensions entre le projet sioniste [visant à établir un État juif en Palestine] et le nationalisme arabo-palestinien. D’ailleurs, les rivalités ethniques et religieuses en Palestine précèdent l’émergence du sionisme. On rapporte des tensions sociales et des épisodes de violence entre les populations juives et arabes pendant la période de domination turque, dont le pogrom de Safed en 1660, où des bandes de pillards et de fanatiques religieux ont attaqué les quartiers juifs, faisant de nombreux morts et causant une destruction généralisée. En 1834, pendant la révolte arabe contre l’armée égyptienne alliée aux autorités ottomanes, la ville de Hébron a été le théâtre d’un massacre de Juifs par des insurgés Arabes.
La présence de la communauté juive en Palestine remonte à l’Antiquité. Et bien qu’un grand nombre de Juifs aient fuit la région en l’an 70 suite à la destruction du second temple par les Romains, d’autres sont toujours demeurés sur place. En fait, ce sont les Arabes qui sont arrivés en Palestine les derniers. Bien que des tribus arabes soient entrées en contact avec la Palestine dès l’Antiquité à travers le commerce, une migration arabe significative n’est survenue en Palestine qu’à partir du VIIème siècle, lors des conquêtes islamiques. L’accusation de colonisateurs à l’endroit des Juifs israéliens est caduque, d’autant plus que les Arabes ont colonisé tout le nord de l’Afrique au moyen de batailles sanglantes et meurtrières. Certes, le projet sioniste a encouragé une immigration de Juifs vers la Palestine dans le but de rétablir une présence juive dans la terre historique d’Israël. Il s’agit du retour de [descendants de] Juifs qui s’étaient jadis dispersés dans différentes régions du monde, dont l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Ce n’est pas comme s’ils arrivaient sur le terrain pour la première fois, comme par exemple, les Britannique en Australie.
À partir de la fin de la Première Guerre mondiale, les épisodes de violence se sont succédé. Comme première manifestation majeure de violence, il y a d’abord les émeutes de Jérusalem de 1920 lors desquelles une foule arabe incitée à la violence par des leaders nationalistes s’est attaquée à la population juive dans la Vieille Ville. Ensuite, les émeutes de Jaffa en 1921, qui ont fait une centaine de morts également répartie dans les deux camps.
Les émeutes de 1929, ou révolte de la Buraq, en lien à un différend sur l’accès au Mur des Lamentations, lors desquelles 133 Juifs ont été tués par les Arabes, tandis que 110 Arabes ont été tués par les forces britanniques. Le massacre d’Hébron de 1929, lors duquel environ 70 Juifs sont tués par des Arabes. S’ensuivent deux vagues de terrorisme sioniste [1935/40 et 1944/48] perpétré par des milices juives à l’encontre de cibles arabes, civiles et militaires, et aussi contre les forces de l’ordre britanniques. Elles font plusieurs centaines de morts. En 1946, l’attentat à la bombe de l’hôtel King David visant les autorités britanniques et menée par l’organisation juive Irgoun fait 91 morts. Il y a aussi la grande révolte arabe de 1936-1939, lors de laquelle 262 Britanniques, 300 Juifs et 5000 Arabes ont été tués, dont au moins 1,000 lors d’affrontements entre Arabes. Ce rappel est nécessaire pour contextualiser la violence et rappeler qu’elle ne s’est pas effectuée à sens unique. Ce n’est pas tout noir tout blanc.
Le 1er janvier 1965, l’attaque de l’aqueduc national d’Israël a marqué le début du terrorisme palestinien contemporain. Il s’est amplifié depuis la guerre de 6 jours de 1967, qui s’est soldée par l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza [territoires pris à la Jordanie et à l’Égypte]. C’est principalement en réaction à cette occupation, qui dure désormais depuis 57 ans [ce qui en fait la plus longue de l’histoire] que s’articule le mouvement pour la libération de la Palestine.
L’occupation résulte des événements antérieurs. Reste que les doléances des la partie palestinienne sont légitimes. Une majorité de Palestiniens vivant dans les territoires occupés sont nés depuis l’occupation et n’ont rien connu d’autre. Ils n’ont pas de liberté de mouvement et sont souvent assujettis à des restrictions sur l’eau et l’électricité. Outre, la construction de colonies israéliennes en Cisjordanie rend impossible l’établissement d’un territoire palestinien continu dans le cadre d’une hypothétique [et improbable] solution à deux états que l’administration israélienne ne considère vraisemblablement plus.
L’occupation ne justifie toutefois pas l’attaque du 7 octobre perpétrée par les militants du Hamas sur des civils israéliens, qui a fait 1,200 morts et lors de laquelle 250 personnes, dont de jeunes enfants, ont été prises en otage. Face à l’oppression s’offrent différentes formes de résistance. Le terrorisme n’est pas le seul moyen. Le monde a connu Gandhi.
Les ripostes israéliennes aux tirs palestiniens ont toujours été disproportionnées. L’opération militaire menée par l’armée israélienne pour éradiquer le Hamas dans la bande de Gaza ne fait pas exception. Le bilan de 35,000 morts, dont de nombreux civils incluant femmes et enfants, ainsi que les images du champ de ruines laissé par les bombardements ont vite fait d’éroder le capital de sympathie qu’avait obtenu Israël suite aux attaques. Malgré les appels à la tempérance provenant de ses alliés, et en dépit des manifestations qui se multiplient contre son administration à l’intérieur d’Israël, Benjamin Netanyahu reste déterminé à poursuivre l’offensive. Conséquemment les campements pro-Palestiniens sur les campus universitaires vont perdurer, voire s’intensifier et se radicaliser.
Les manifestants masqués que l’on voit dans les campements pro-Palestiniens s’inscrivent dans la continuité des protestations en appui à Black Lives Matters de l’été 2020. Ils ne se mobilisent pas uniquement contre les horreurs de la guerre à Gaza, mais contre le colonialisme occidental et blanc qu’ils imputent aussi à Israël. Dans un monde où le positionnement binaire est plus séduisant que la recherche de nuances, le mouvement étudiant pro-Palestinien est susceptible de développer une sympathie envers l’islamisme ou de le banaliser. Les groupes fondamentalistes tels que les Frères Musulmans, qui ont pour mandat d’islamiser les sociétés occidentales, pourront se présenter comme vecteur d’opposition à l’oppression de l’Occident blanc, comme solution de rechange révolutionnaire. La cause palestinienne peut se faire instrumentaliser en ce sens.
Les échauffourées survenues lors des campements sur les campus signalent l’importation des hostilités, à faible niveau, mais c’est la première fois que ce conflit déborde ainsi dans les pays occidentaux. Netanyahu coalise non seulement les forces anti-israéliennes contre son pays, mais les mouvances décoloniales présentes en Occident. La destruction et la mort causée par sa volonté déchaînée à éradiquer le Hamas est en train de donner une supériorité morale aux islamistes. Elle risque aussi de provoquer une escalade qui entraînera d’autres acteurs dans le conflit. La communauté internationale devrait tout mettre en oeuvre pour atteindre une solution négociée à cette guerre, parce que les étincelles qui jaillissent de la Palestine pourraient effectivement en venir à embraser le monde.
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