Northvolt en faillite, Lion électrique sur le bord de l’être : le gambling gouvernemental va-t-il trop loin?

Nous apprenions dans les derniers jours qu’après des discussions corsées avec ses investisseurs, l’entreprise mère de Northvolt s’était placée sous la loi de la protection de la faillite aux États-Unis et que son PDG avait démissionné. C’est là une nouvelle qui était tristement prévisible pour quiconque suit de près le secteur de l’énergie, or, le gouvernement du Québec continue encore à ce jour à faire preuve d’un optimisme démesuré face à l’avenir de la filière des batteries.

En théorie, les projets au Québec et en Allemagne de Northvolt ne sont pas concernés par cette faillite, et pourraient survivre advenant une restructuration de l’entreprise, mais ils sont assurément mis sur pause pour le moment, et la situation ne fait que confirmer encore davantage la précarité de ce secteur qu’on qualifiait autrefois « d’avenir », ainsi que le risque énorme qu’il représente pour le portefeuille des contribuables.

Rappelons qu’un total de 710 millions d’argent public a déjà été investi dans le projet, soit par le gouvernement ou par la Caisse de dépôt et placement, sur un total de 1,37 milliard promis.

Quand le gouvernement veut « se refaire«

C’est connu : la clé pour gagner au casino, c’est de savoir se retirer à temps. Le problème des gamblers, c’est d’y rester en espérant « se refaire ». Malheureusement, c’est une dynamique qu’on peut observer aussi dans les investissements dans des technologies expérimentales. Y investir peut signifier un gros profit… ou une grosse perte lorsqu’on s’entête malgré les vents contraires.

Le fait que les investissements du gouvernement se soient avérés ruineux est un problème en soi, mais le fait que le gouvernement ait fait la sourde oreille et joué d’arrogance contre ceux qui lançaient des signaux d’alarme depuis des mois est encore plus problématique.

Pis encore : pas plus tard que le 9 novembre dernier, le gouvernement ne semblait même pas encore prendre acte des évolutions du marché dans le secteur de l’électrique et rouvrait la porte à un réinvestissement dans Lion Électrique! En effet, on pouvait lire sur les pages du Journal de Montréal « qu’un peu plus d’un an après avoir prêté 98M$ avec Investissement Québec, le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction, la ministre de l’Économie, Christine Fréchette, est prête à ressortir une fois de plus le chéquier pour aider Lion, à condition que le privé apporte sa contribution. »

Or les déboires de Lion électrique sont désormais bien connus ; croire encore à un potentiel dans cette entreprise tient désormais du déni le plus profond. Toujours sur les pages du JDM, on lisait aujourd’hui que l’entreprise « dépensait sans compter » et ne disposait pas des ressources humaines et techniques appropriées pour remplir ses objectifs. Un travailleur déclarait littéralement au journal « qu’ils pensaient qu’avec l’argent du gouvernement, ou l’entrée en Bourse, ils auraient pu régler les problèmes »… Si ce n’est pas un exemple frappant de « bien-être corporatif », je ne sais pas ce que c’est.

Car l’entreprise promettait la lune, mais s’est avérée incapable de fournir des résultats sur ses promesses :

« Quelques mois avant d’entrer en Bourse, en mai 2021, Lion a présenté aux investisseurs des projections financières vertigineuses. En 2024, l’entreprise allait vendre 15 800 camions et 2600 autobus prévoyaient ses dirigeants. Ses revenus atteindraient 5 milliards $. La réalité est tout autre. Pendant les neuf premiers mois de cette année, les ventes de Lion ont tout juste franchi les 165 millions $. Moins de 400 véhicules ont été vendus, dont à peine 36 camions. L’entreprise est actuellement confrontée à un urgent besoin de fonds. À la Bourse de Toronto, son titre a perdu 68% de sa valeur en un mois et près de 99% depuis 2021. »

Vous avez bien lu : le titre en bourse de Lion électrique a perdu 99% de sa valeur depuis 2021! 99%! Et le gouvernement s’entête toujours à dire que « Lion est une entreprise importante pour l’économie du Québec et pour la transition énergétique. »

La situation vire carrément à l’absurde : on apprenait aujourd’hui qu’ils n’avaient même pas été capables de livrer un seul camion sur les 50 promis au CN dans le cadre de ce qu’ils qualifiaient en 2021 de « plus grosse commande de l’histoire de Lion Électrique ». Des millions d’investissements constamment renouvelés… zéro capacité à fournir leur produit.

Précarité énergétique

Le seul avantage de la faillite de Northvolt, c’est la libération potentielle d’un immense bloc d’énergie équivalent à la consommation totale des résidences de Longueil. En effet, pour suffire aux besoins du projet en termes d’énergie, il avait fallu leur réserver une immense part de l’électricité produite par Hydro-Québec, qui, on le sait, se dirige vers les déficits en 2027. Avec Northvolt hors du paysage, c’est donc un bloc de 354 mégawatts qui se libérera et pourra être partagé pour d’autres entreprises qui s’étaient vues refuser un branchement au réseau.

Or le fait que la faillite de l’entreprise responsable de l’un des plus gros projets de développement au Québec depuis des décennies puisse être considéré comme « une bonne chose » ne fait que souligner la précarité énergétique de la province. En 2023, le ministre de l’Énergie de l’époque, Pierre Fitzgibbon, nous informait déjà qu’il ne pouvait même pas accepter la moitié des demandes de branchements pour les projets industriels. En d’autres mots, le Québec ne peut se développer qu’à moitié en raison du tarissement de ses stocks d’énergie et malgré tout, le gouvernement met tous ses œufs dans le même panier en misant sur le tout-à-l’électrique et en gaspillant des blocs d’énergie énormes pour la filière des batteries.

Mais l’obstination du gouvernement dans cette voie ruineuse ne se limite pas qu’à cela : il annonçait récemment vouloir bannir le chauffage au gaz naturel « fossile » partout dans la province d’ici 2040, consolidant encore plus la dépendance des Québécois envers leur réseau électrique déjà précarisé, sans parler de cet objectif illusoire de bannir la vente de voitures à essences en 2035… Ainsi, non seulement le gouvernement met tous ses œufs dans le même panier en matière d’investissement dans la filière des batteries, mais il tente aussi de forcer la population et les entreprises à mettre tous leurs œufs dans le même panier en termes d’approvisionnement énergétique, ce qui nous met dangereusement à risque de nous appauvrir considérablement dans les années à venir et nous rend dangereusement précaires sur le plan énergétique.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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