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Quand allons-nous parler de relance économique?

QUAND ALLONS-NOUS PARLER DE RELANCE ÉCONOMIQUE

La crise du coronavirus rend notre avenir économique incertain. Les mesures des gouvernements prises pour stopper cette crise auront de graves conséquences pour l’économie canadienne et québécoise.

Depuis quelques semaines, notre pays et le Québec en particulier, vivent un ralentissement de son activité économique dans tous les secteurs de l’économie. Les secteurs primaires, secondaires et tertiaires sont tous affectés de près ou de loin. Certaines de nos plus grosses entreprises vacillent dangereusement comme Air Canada qui a dû procéder à près de 20 000 licenciements. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le 9 avril, on parle de plus de 5 millions de travailleurs qui se seront inscrits à la prestation canadienne d’urgence.

Pour atténuer les impacts des pertes d’emplois astronomiques, le gouvernement fédéral a agi et les subventions salariales ont permis de réembaucher 16 500 travailleurs. Cette mesure qui garantit le remboursement de 75 % des salaires, je dois le préciser, a été demandée par les conservateurs. Cette idée est essentielle. Des millions de familles sont inquiètes et leurs craintes de ne pas retrouver leurs emplois font partie de leurs préoccupations quotidiennes. Il est donc important que le gouvernement soutienne ces familles afin qu’elles puissent subvenir à leurs besoins essentiels.

Dons, de plus en plus de voix se font entendre afin de parler de stratégie de « relance économique » à la suite de cette crise sanitaire qui a presque stoppé l’activité économique en Amérique du Nord et au Canada. Ces spécialistes de l’économie sont d’avis que la reprise économique sera lente et pourrait prendre de 2 à 5 ans pour retrouver le rythme qu’elle avait à la fin de l’année 2019. En plus de ce problème de relance, il faut retenir comme difficultés additionnelles les achats en ligne qui auront connu une progression fulgurante, lesquels achats affecteront énormément le retour de beaucoup des petits commerçants locaux. Je trouve relativement positive l’ouverture du premier ministre Legault d’entrevoir à court terme une reprise des activités économiques dans certains secteurs.

Il est évident maintenant que cette relance passera par un soutien de l’État très important, par une réduction de la charge fiscale des contribuables et par une stratégie québécoise de transformer ses ventes au détail.

LES IMPACTS PRÉVISIBLES DE LA CRISE

Notre santé économique est très préoccupante. L’inactivité économique va faire chuter la croissance du produit intérieur brut (PIB) provoqué par les faillites de plusieurs entreprises, notamment les PME qui sont les plus vulnérables. Ceci créera un chômage conjoncturel qui durera plusieurs mois. Évidemment, nous ne pouvons pas prédire le taux de chômage, mais d’après les estimations actuelles, il risque d’être très élevé. Aux États-Unis entre autres, on estime que ce taux pourrait s’approcher du 25 %, soit comparable à celui observé durant la crise économique de 1982. Les données économiques dévoilées les 9 avril dernier par le Québec et Ottawa semblent confirmer l’ampleur des dommages sur l’économie canadienne.

Comme dans toutes les crises économiques, dans les mois prochains, l’épargne bondira au détriment de l’investissement. Effectivement, les ménages seront beaucoup plus conservateurs et se dispenseront de dépenser. Cette récession sera aussi alimentée par la chute de la demande mondiale et par la baisse des exportations. L’effondrement actuel du prix du pétrole risque de créer des conséquences dramatiques sur l’économie canadienne et sur le commerce mondial.

Si nous récapitulons, chute du PIB, baisse des revenus des gouvernements, augmentation du chômage, faillite des entreprises, effondrement du prix du pétrole, diminution de la demande et augmentation de l’épargne. Ce que je trouve encore plus problématique est que les analystes parlent peu, c’est le danger du déficit public à long terme et comment le Canada devra s’y attaquer tôt ou tard.

La récession économique entrainera une baisse significative des revenus du gouvernement et dans le même temps une injection massive de 200 milliards et plus dans l’économie. Le gouvernement dépense drastiquement en ayant beaucoup moins de revenus. Pour pouvoir financer l’économie canadienne, il devra nécessairement emprunter sur les marchés obligataires et donc il devra s’endetter. 200 milliards ne sont peut-être qu’un début, car nous ne savons pas jusqu’où ira cette crise.

La santé financière du gouvernement fédéral sera préoccupante. Nous l’avons vu lors de la crise de 2008, les gouvernements européens ont vu exploser leurs dettes souveraines et ils n’ont jamais vraiment réussi à se remettre de cette crise. La plupart de ces pays ont un ratio dette-PIB d’au moins 100 %. Encore aujourd’hui ils s’endettent sans réussir à trouver le bout du tunnel.

DES CHIFFRES QUI PARLENT D’EUX-MÊMES AU FÉDÉRAL :

Parlons d’abord de finances publiques fédérales afin de bien saisir les défis qui attendent le Canada dans les prochaines années. On le sait, entre 2010 et 2015, alors que l’économie canadienne se comportait très bien, le gouvernement fédéral sous le leadeurship de M. Harper et son ministre des finances Jim Flaherty, le déficit cumulé du Canada est passé de près de 700 milliards à 600 milliards. Il faut dire que la crise de 2008 avait obligé le même gouvernement à augmenter la dette nationale de près de 100 milliards.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau a reporté ce déficit à près de 700 milliards entre 2015 et 2019. Le remboursement des intérêts de la dette du Canada seulement pour la présente année foncière se chiffre à près de 30 milliards. Retenez bien ce chiffre.

La crise actuelle a obligé le gouvernement fédéral à dépenser à ce jour plus de 200 milliards. On parle déjà d’ajouter des milliards au plan de sauvetage actuel. Mais pour les fins de notre réflexion, tenons en nous aux dépenses prévues pour 2020-2021.

À ces dépenses, lesquels s’ajoutent au déficit accumulé de 700 milliards, il faut considérer les pertes de revenus du gouvernement fédéral qui sont la conséquence directe de la mise au rancart temporaire de notre système de production industrielle et commerciale.

Pour l’exercice budgétaire du gouvernement du Canada de l’année 2020-2021, des dépenses de 368,2 milliards étaient prévues pour des revenus de l’ordre de 351,4 milliards. Les déficits anticipés avant la crise étaient de près de 20 milliards. Le directeur du budget nous a confirmé le 9 avril qu’il sera plutôt de 27,4 milliards.

Les revenus du gouvernement fédéral proviennent en grande partie de l’impôt des particuliers, des impôts sur les entreprises et des taxes, notamment celles sur les produits pétroliers. Avec un taux de chômage anticipé au-delà de 20 %, avec des entreprises confrontées à des pertes financières et surtout à l’effondrement de l’industrie pétrolière, « vache à lait » fiscale du gouvernement fédéral, ses revenus pourraient fondre de 30 % et accroitre son déficit d’un autre 100 à 150 milliards.

En bref, si nous additionnons le déficit anticipé annuel, les dépenses liées à la crise et la chute de revenus pour 2020-2021, le déficit pour l’année d’opération 2021-22 du gouvernement de Justin Trudeau pour atteindre donc 400 milliards.

On peut d’ores et déjà anticiper que le Canada doublera presque sa dette nationale accumulée entre 2015 et 2020, soit en atteignant les 1 100 milliards. Un sommet historique. Mais le plus inquiétant, c’est l’intérêt annuel de la dette fédérale qui atteindrait plus de 50 milliards, donc près de 16 % du budget d’exploitation.

QU’EN EST-IL DU QUÉBEC ?

Quand on y regarde de près, la situation budgétaire québécoise semble plus rassurante et cela est directement lié à une gestion serrée de ses dépenses publiques depuis trois ans, ce qui a permis au gouvernement de dégager des surplus budgétaires d’approximativement 10 milliards.

Pour l’exercice budgétaire du gouvernement du Québec de l’année 2020-2021, des dépenses de 118,6 milliards étaient prévues pour des revenus de l’ordre de 121,3 MILLIARDS. Le surplus anticipé avant la crise était de 2,5 MILLIARDS. La dette accumulée du Québec s’élèvera à 197,7 MILLIARDS. Les revenus du gouvernement provincial proviennent en grande partie de l’impôt des particuliers, des impôts sur les entreprises, de la péréquation canadienne et de la taxe de vente. Évidemment, le Québec sera aussi affecté par une perte de ses revenus anticipés. Malgré cela, je crois que la province est plus en contrôle de ses dépenses que le niveau fédéral.

Le gouvernement québécois a adopté plusieurs mesures afin de contrôler la crise du coronavirus. Sa marge de manœuvre étant bien meilleure que celle du gouvernement fédéral, lequel ne s’est pas donné de marge de manœuvre depuis cinq ans, la dette totale du Québec risque d’être moins affectée aux sorties de la crise actuelle. Cette situation permettra sans doute au gouvernement Legault d’adopter des stimulus afin d’accélérer la reprise économique telle : alléger le fardeau fiscal des travailleurs afin de stimuler la consommation, réduire la TVQ sur les nouvelles constructions pour une reprise de ce secteur durement touché par la crise. Le seul nuage à l’horizon pour le Québec, c’est l’importance de la péréquation canadienne dans sa planification budgétaire. On sait que depuis une décennie, le Québec pouvait compter sur ce mécanisme fédéral pour équilibrer son budget, même pour faire des surplus. Avec l’effondrement de l’industrie pétrolière canadienne, des 14 milliards prévus en début d’année 2020, ce montant fort important risque de ne pas être au rendez-vous en 2021 et 2022.

ATTENTION DE NE PAS FRANCHIR UN CAP DE NON-RETOUR

En 2008, nous étions l’un des rares pays à avoir réussi à maintenir notre économie sans être trop impacté par la crise mondiale. Tous les pays du G20 ont d’ailleurs salué à l’époque la stratégie financière du Canada pour gérer avec compétence cette crise.

Cependant, je reste optimiste, la crise économique de 2008 a été provoquée par la faillite d’une des plus importantes banques du monde. En ce moment, nous ne vivons pas de crise interbancaire. Du moins pour l’instant. Il faut que nos décideurs politiques garantissent la confiance dans l’économie. La confiance est primordiale pour une sortie de crise rapide et constructive.

Devant ces défis qui attendent les gouvernements canadien et québécois, je crois qu’il est maintenant temps de parler de stratégie de relance économique. Il faut d’ores et déjà jeter les grands jalons de cette reprise. Plusieurs questions mériteront des réponses à court terme afin de rassurer le monde des affaires :

— Quelles seront les entreprises économiques à dédouaner pour la reprise de leurs opérations ?

— Quels seront les secteurs de pointe à privilégier pour la relance économique​ ?

— Quelles seront les mesures fiscales qui stimuleront la reprise de certains secteurs économiques tel le secteur de la construction ?

— Quelle sera la stratégie pour rendre le Québec compétitif afin de développer le commerce aux détails en ligne ?

— Est-ce que le Québec développera une politique nationale sur la relocalisation d’entreprise stratégique, telle que les équipements médicaux et les médicaments ?

— Quelle sera la stratégie nationale pour la gestion du secteur énergétique, essentielle à une relance profitable afin d’assurer des revenus aux gouvernements ?

Je pense que le gouvernement canadien sous-estime les conséquences économiques actuelles et futures de la présente crise pour le pays et les provinces. Ces conséquences découlent autant de la crise de santé publique que des décisions politiques qui ont affaibli le secteur économique le plus dynamique au pays. De plus, l’effondrement de l’industrie pétrolière a créé une déchirure politique sans précédent entre l’Ouest canadien et l’Est du pays, laquelle risque de plomber le leadeurship du gouvernement dans sa tentative de relancer l’économie.

Tout un défi pour le gouvernement qui aura ce mandat de faire renaitre l’économie canadienne telle qu’elle performait au 1er janvier 2020.

Entre temps, toutes mes pensées positives vont envers les familles touchées par cette crise.

Pierre-Hugues Boisvenu

Sénateur conservateur du Québec. Militant pour les droits des victimes.

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