Sacs de croustilles réutilisés en sacs de vidanges, sablier pour limiter son temps sous la douche, démarrer les électroménagers en différé pendant la nuit, réutiliser la chaleur du four, porter des vêtements chauds pour réduire le chauffage ; nous avons vu ces derniers jours une panoplie d’articles les plus délirants les uns que les autres pour vanter la « sobriété énergétique » et tenter de convaincre les Québécois de réduire leur consommation d’électricité. Et déjà, la chose est tournée au ridicule.

Selon Pierre Fitzgibbon, les Québécois seraient les « derniers de classe » en la matière. Autrement dit, ils seraient fautifs et devraient être remis à l’ordre.

Mais peut-on réellement dénigrer une population pour la prospérité dont elle a bénéficié toutes ces années? Devrait-on réellement voir cette prospérité comme une anomalie, comme quelque chose d’immoral? Ce n’est pas la faute des Québécois s’ils sont nés dans ce qui était une puissance énergétique incomparable qui « nageait dans les surplus » il n’y a que quelques années. Ce n’est pas leur faute non plus si le gouvernement a décidé de sacrifier cette prospérité et saboter notre sécurité énergétique pour leurs objectifs irréalistes de transition.

C’est pratiquement homologue à une situation où du jour au lendemain, il y avait une crise alimentaire, les tablettes des épiceries se vidaient, et au lieu de tout faire pour rétablir l’approvisionnement, on accusait la population de trop manger. « Vous n’avez qu’à manger un repas de moins par jour et remettre le ketchup en trop pour vos frites dans la bouteille ; plein de peuples dans le monde le font, il y avait trop de gaspillage alimentaire de toute façon ».

J’en entends déjà prendre la défense de cette position insensée et affirmer qu’il y a bel et bien trop de gaspillage alimentaire ; mais ils passeraient complètement à côté du point : le but de toute société est d’être prospère et ne manquer de rien. Le but de toute société est que ses citoyens puissent jouir sans entrave de cette prospérité.

Une société où les citoyens doivent se restreindre de peur que le système entier s’écroule n’est pas une société prospère : c’est une société en crise.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le gouvernement panique parce qu’il réalise qu’on va bientôt manquer d’électricité à cause de ses politiques aventuristes.

N’y allons pas par quatre chemins : la sobriété énergétique n’est rien d’autre que de l’austérité énergétique. Aussi simple que ça.

Nos gouvernements ont passé les dernières années à mettre en place des politiques destructrices pour le secteur de l’énergie – et ce, partout en Occident – et maintenant que ça leur saute au visage, ils tentent de renvoyer la faute à la population et récupérer leur échec dans un signalement de vertu environnementaliste.

Nicolas Lachance, journaliste du Journal de Montréal et correspondant à l’Assemblée nationale, explique que la France est parvenue à réduire de 12% sa consommation d’électricité. Il mentionne la crise énergétique en raison de la guerre en Ukraine et « des problèmes » avec leurs centrales nucléaires. Soit. Mais les Français n’ont pas réduit leur consommation par bonté de cœur et pour atteindre la carboneutralité : ils y ont été forcés par une crise énergétique de grande ampleur causée par une guerre.

Et le concept de « sobriété énergétique » est loin, très loin de faire l’unanimité en Europe.

On est à des années lumières de la situation au Québec.

Ici, on nous dit qu’on devrait diviser par quatre notre consommation électrique. Pourquoi? Parce que.

Aucune guerre n’est en cause, aucune question de dépendance à une source extérieure qui se tarit, aucune réelle urgence : strictement le fruit de politiques incompétentes qui ont fait d’Hydro-Québec un géant aux pieds d’argile et qui ont banni toutes les autres sources d’énergie qui auraient pu assurer notre sécurité.

Au Québec, nous avons parmi les plus grandes réserves de gaz naturel sous nos pieds et un vaste territoire bourré d’opportunités sur le plan énergétique ; que croyez-vous que la France aurait fait si elle avait cette chance? Vous croyez qu’elle se serait laissé grelotter pendant l’hiver comme ça? C’est tout à fait absurde.

Et ça l’est encore plus considérant que les Européens sont carrément venus nous demander de l’aide au plus fort de la crise en 2022, lorsque le chancelier Allemand Olaf Scholz est venu discuter avec Trudeau d’un potentiel approvisionnement en gaz naturel. Nous l’avons envoyé promener! Trudeau a dit qu’il n’y avait pas de plan d’affaire crédible dans le gaz naturel au Canada, alors que l’Europe entière en avait besoin d’urgence!

Autrement dit, on nous dit aujourd’hui qu’on doit s’inspirer de pays en crise énergétique… ces mêmes pays que NOUS aurions pu aider dans le domaine! On s’est inspiré des politiques qui les ont menés à une crise énergétique, et maintenant, on s’inspire des mesures qu’ils ont dû prendre pour éviter les coupures de courant…

Les citoyens québécois sont peut-être les derniers de classe en matière de consommation ; mais apparemment, leur gouvernement est tellement un cancre qu’il plagie le travail des derniers de classe en matière de sécurité énergétique.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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