Par Pierre-Hugues Boisvenu, sénateur canadien depuis 2010 et fervent défenseur dans la cause des droits des victimes d’actes criminels.
La journaliste Kathleen Lévesque de La Presse nous apprenait dans son article publié le 26 février dernier ‘’ Cour municipale: 26 000 dossiers suspendus’’, une nouvelle inquiétante mais non surprenante que la Cour municipale de Montréal avait mis à la poubelle plus de 26000 dossiers découlant d’accusations de toute sorte. C’est inquiétant pour plusieurs raisons.
La première raison est à l’effet que ces accusations ne portent pas uniquement sur des comportements d’incivilité tel le flânage par exemple. Depuis des années, les gouvernements provinciaux comme ceux du Québec et l’Ontario, ont délégué aux Cours municipales la gestion de dossiers criminels mineurs tels grossière indécence, attentat à la pudeur et des dossiers de violence conjugale. Le hic, c’est lorsque ces délinquants se présenteront en Cour provinciale ou supérieure, leurs dossiers en Cour municipale ne les suivront pas. Le juge aura une page blanche devant lui, réduisant ainsi les chances pour la victime de faire la preuve du niveau de dangerosité de son agresseur, rendant sa sécurité encore plus à risque.
La deuxième raison, et elle m’apparaît tout aussi inquiétante, si l’agresseur est reconnu coupable dans une autre Cour, sa récidive ne sera pas comptabilisée dans les statistiques. Parce qu’au Québec comme ailleurs au Canada tout est géré en silos puisque le Tribunal de la Jeunesse, la Cour municipale et la Cour supérieure ne se parlent pas. Je dirais plutôt que les dossiers papier ne se croisent pas. Imaginez si le Québec gérerait ses dossiers médicaux de cette façon par exemple la récidive des patients cancéreux. Vous trouveriez cette gestion archaïque, voire dangereuse j’en suis convaincu. Eh bien c’est ainsi nous gérons la criminalité au Québec, comme en 1960.
Je passe sous silence la centaine de dossiers qui ont été abandonnés par les Cours provinciale et supérieure dont des dossiers de meurtres, violences conjugales, agressions sexuelles, fraudes, etc.
Donc quand vous avez 26000 dossiers suspendus, la question se pose : combien de ces dossiers étaient de nature criminelle? Combien de ces dossiers concernaient des individus qui ont eu des démêlées liées à des épisodes de violence conjugale et familiale? Déjà que les victimes reçoivent peu d’écoute et de compréhension dans notre système de justice, qu’on libère trop rapidement des agresseurs, que les victimes sont peu protégées, voilà qu’on met à la poubelle des milliers de dossiers sans pour autant garder des traces de ceux-ci afin de mieux protéger les victimes.
Le dossier du meurtrier de Océane Boyer en est un exemple. Le passé d’homme violent vient de nous être dévoilé.
François Sénécal a été trouvé coupable en 2014 de menaces de mort et méfait, à Hawkesbury, une petite ville ontarienne située tout juste de l’autre côté de la rivière des Outaouais, près de Lachute et de Saint-André-d’Argenteuil, où il habitait à l’époque. Il avait été condamné à une période de probation. Il a aussi des antécédents de vol et voie de fait remontant à la fin des années 1990 et début 2000, toujours dans la région de Lachute. Ces dossiers avaient été traités par la Cour municipale de Lachute et il avait écopé d’amendes.
On est sous le choc car pourquoi ces hommes violents ne sont pas connus? Pourquoi, si un homme à été condamné en Ontario de tentative de meurtre, de voies de fait, ces informations ne le suivent pas s’il déménage au Quebec?
Oui, il faut que les choses changent, mais il faut avant tout que notre système de justice ne soit plus simplement une gestion de dates de péremption de boites de carton empilées les unes sur les autres, sans visage, comme ce fut le cas à Montréal.
Je tiens à rappeler des statistiques inacceptables que nos ministres de la Justice et la Sécurité publique devraient lire à tous les matins en se levant :
– En 2017, une femme au Canada se faisait assassinée tous les 7 jours.
– En 2019, une femme était assassinée tous les 3 jours.
Quelles seront ces statistique en 2025?
Nous accusons beaucoup trop de retard dans notre gestion de notre système de justice en général et trop de vies sont brisées et arrachées alors qu’elles pourraient être sauvées.
Voilà pourquoi il faut que les choses changent.
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