François Legault a obtenu un appui de 98% lors d’un vote de confiance à l’occasion du congrès de la CAQ cette fin de semaine. Ainsi, non seulement le parti au pouvoir dispose d’une majorité écrasante de 90 sièges à l’Assemblée nationale, mais il cultive aussi une culture d’unanimisme et de complète allégeance au chef à l’interne. Au même moment, une controverse autour de possibles nominations partisanes vient rappeler les risques d’un tel paysage politique.
En effet, la révélation, la semaine dernière, d’un possible conflit d’intérêt dans la nomination d’un ami au poste de juge à la Cour du Québec par le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a choqué l’opposition, qui soupçonne désormais les élus caquistes de contourner les recommandations du rapport Bastarache sur le processus de nomination des juges. Alertée par le libéral Monsef Derraji, la Commissaire à l’éthique a annoncé en début de semaine qu’elle enquêterait sur cette situation.
Ce n’est cependant pas le seul cas de possibles nominations partisanes : on apprenait samedi que le ministre des Finances Eric Girard avait fait de même en renouvelant le mandat de son bon ami Jean-François Blais au conseil d’administration de Loto-Québec. Selon le PQ, 13 nominations caquistes présenteraient des apparences de favoritisme.
Dans une situation où la prépondérance de la CAQ est aussi écrasante, il est normal que la coalition soit devenu un parti de pouvoir rassemblant un pot-pourri d’une multitude d’allégeances politique. Étant devenu le principal véhicule crédible du carriérisme politique au Québec, il est aussi normal que ses députés acceptent davantage de compromis. De la sorte, si la CAQ campait initialement plus à droite, elle est devenue nettement plus centriste, voire même simplement attachée à l’idée de représenter la population générale au gré des sondages.
Tout cela est bien beau, mais l’opposition en politique est essentielle pour prévenir les abus de pouvoirs et la corruption.
De la sorte, il semble légitime de se demander si le fait que la CAQ soit si puissante et si unie présente un risque accru de copinage. On peut penser ici à l’Union-Nationale de Duplessis, par qui à peu près toutes les décisions au Québec devaient passer. Comme on dit : « le pouvoir corrompt », et non seulement les Québécois ont donné beaucoup de pouvoir à la CAQ, mais les membres de la CAQ donnent aussi beaucoup de pouvoir à leur chef.
Maintenant, comment interpréter l’affirmation de Legault selon laquelle son principal opposant serait le PQ de Paul Saint-Pierre Plamondon? Ce parti n’a pourtant que 3 sièges à l’Assemblée nationale… C’est qu’en fait, dans une situation avantageuse comme celle dont la CAQ bénéficie, elle a l’avantage de choisir ses opposants selon ses intérêts. Le plus grand risque de la CAQ est l’écroulement de son nationalisme de façade qui verrait de nombreux électeurs retourner vers le PQ ; QS présente moins de risque et stagne dans un électorat nettement plus campé à gauche et le parti libéral, toujours sans chef, semble se chercher lui-même.
La CAQ se choisit donc une opposition factice pour simuler une ambiance de débat jusqu’en 2026, mais la réalité, c’est qu’elle est déjà bien trop puissante et bien trop confortablement installée au pouvoir pour qu’on puisse réellement faire un suivi des infinies possibilités pour elle d’exercer du favoritisme. Et puisqu’elle rejoint autant de monde, il devient facile de simplement arguer la coïncidence. En effet, dans un pays où à peu près tout le monde appartient au même parti, comment déceler ce qui représente une nomination partisane?
Ce fut un terrain glissant pour la population Québécoise d’accorder autant de pouvoir à un individu vanté pour son paternalisme et son « gros bon sens » populiste ; les partis d’opposition devront garder l’œil bien ouvert et ne rien laisser passer en ce qui concerne les manquements à l’éthique.
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