UNRWA : fait-on trop confiance aux institutions internationales?

Nous avons appris dans les dernières semaines que nos gouvernements finançaient indirectement le Hamas par le biais d’organisations internationales telles que l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, connu sous son acronyme anglophone UNRWA, ce qui a poussé de nombreux pays occidentaux comme le Canada à retirer leur financement. Québec Nouvelles avait aussi rapporté dans les derniers mois un financement canadien de l’organisation terroriste par le moyen de L’Association musulmane du Canada (MAC), qui avait été révélé par le fisc en 2015.

D’une manière générale, nous sommes conscients que des sommes imposantes d’argent public sont envoyées à des organisations internationales et des ONG, et ces soutiens aux justifications humanitaires sont rarement remis en question en raison d’une aura de crédibilité tenace. Or de multiples cas de manipulations politiques et idéologiques de ces organisations dans les dernières années justifient peut-être une mise au point.

L’idéalisme onusien

Après 1945, la volonté d’empêcher l’éclatement de conflits guerriers de grande ampleur et celle d’améliorer la situation socio-économique de par le monde a engendré la mise en place d’institutions internationales telles que l’ONU et ses différentes agences. S’est alors mis en place un nouveau paradigme où la coopération internationale devenait centrale en termes de politique étrangère.

Bien qu’on était déjà conscient des limites de cette coopération internationale, en raison notamment de la Guerre Froide et des multiples guerres civiles partout sur le globe, l’espoir inspiré par l’ONU demeurait très fort. Contre des gouvernements belliqueux ne poursuivant que leurs intérêts de manière égoïste, une institution neutre avec les valeurs aux bonnes places nous apparaissait sans aucun doute moralement supérieure.

Le diplomate suédois Dag Hammarskjold résumait bien cet état d’esprit en affirmant que « Les nations unies n’ont pas été créées pour nous emmener au Paradis, mais pour nous sauver de l’Enfer. »

Cette confiance envers les institutions internationales a même été propulsée encore plus haut lors de la chute de l’Union Soviétique et de ce qu’on nommera plus tard « l’ouverture du monde ». Cet épisode d’hégémonie mondiale en poussera plusieurs à penser que les blocages de la Guerre Froide ayant disparu, la paix mondiale et le développement équitable du monde pouvait commencer.

Or, on a bien vite déchanté. L’impuissance des Nations Unies à empêcher les guerres civiles et les massacres en Somalie et au Rwanda, par exemple, ont très vite entaché l’efficacité des institutions, et suite au 11 septembre et au déclenchement de la guerre au terrorisme, les espoirs d’un monde pacifié semblaient s’être évaporé.

Mais le soutien et le financement des institutions internationales est demeuré quasi infaillible, pour une question de principe. Dans ces institutions s’incarnait, à tout le moins, l’espoir d’un monde meilleur.

Or des failles énormes ont commencé à apparaître dans les institutions internationales dans les dernières décennies.

Les problèmes de la coopération internationale

D’abord, leur caractère supra-étatique et technocratique ont commencé à déranger. C’est-à-dire qu’en étant des organisations au-dessus des États et composés de bureaucrates non-élus, on a commencé à souligner de plus en plus le déficit démocratique que cela engendrait. L’ONU a bel et bien une Assemblée Générale, mais son pouvoir est extrêmement limité. C’est plutôt le Conseil de Sécurité qui prend des décisions, et pour ce qui est des multiples agences telles que l’UNESCO, l’UNICEF, L’OMS, le FMI, etc., elles agissent de manière pratiquement autonome avec des budgets sur lesquels les nations membres n’ont que peu de contrôle.

Et les organisations internationales ne se limitent pas qu’à l’ONU ; ce déficit démocratique et cette impression pour les peuples de perdre contrôle sur les élites politiques s’expriment aussi dans d’autres organisations telles que le Forum Économique Mondial, l’OTAN, l’Organisation mondiale du commerce, les G7, G20, etc. Sans parler des multiples ententes internationales mondialistes négociées à huis clos telles que l’ALENA ou l’ASEAN.

En d’autres mots, les États ont délégué certains de leurs pouvoirs à des organisations gargantuesques et coûteuses sur lesquelles ils n’ont pas beaucoup de pouvoir et dont les rendements sont extrêmement mitigés.

D’autant plus qu’en rassemblant toutes les nations du monde, de nombreux pays autoritaires se souciant très peu des droits de l’homme s’y retrouvent néanmoins très bien représentés et ont réalisé qu’ils pouvaient instrumentaliser ces institutions à leur avantage.

Nous avons eu de nombreux exemples de ces prédations autoritaires sur les Nations Unies dans les dernières années. Entre autres, notons l’élection de l’Arabie Saoudite, un pays célèbre pour son traitement oppressif des femmes, en tant que membre de la Commission des droits des femmes de l’ONU entre 2018 et 2022, qui fera dire à certains analystes que « les pétro-dollars permettent de tout acheter, même un profit politique« .

On note aussi une emprise grandissante de la République Populaire de Chine dans les institutions mondiales. On se rappellera qu’au plus fort de la pandémie, les États-Unis s’étaient retirés de l’OMS en raison de ses liens douteux avec la Chine et ses multiples échecs à prévenir les crises. Sans parler de ce moment tout à fait gênant où une journaliste s’était fait « ghoster » par un épidémiologiste de l’OMS après des questions au sujet de Taïwan, un pays qui n’est toujours pas reconnu par la Chine.

Et c’est sans compter l’entrée du régime communiste dans d’autres organisations telles que l’Organisation Mondiale du Commerce, qui aurait causé une désindustrialisation accélérée de l’Occident et fait perdre 2 millions d’emplois aux États-Unis ainsi que 270 000 en France en l’espace de 20 ans.

Et que dire de l’OTAN, dont la fonction initiale était de protéger l’Occident contre l’URSS, mais qui semble avoir accumulé les bourdes au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde au point d’être désormais considéré par plusieurs comme l’une des raisons principales de l’instabilité internationale? Beaucoup d’Occidentaux en sont rendus méfiants, d’autant plus que beaucoup de ses pays membres ne font même pas l’effort nécessaire pour respecter l’engagement d’investir 2% de leur PIB dans leurs forces armées, laissant essentiellement les États-Unis faire le sale boulot.

Mondialisme et renouveau nationaliste

Nous pourrions continuer toute la nuit, mais le point demeure qu’une méfiance grandissante et bien souvent justifiée à l’égard des institutions internationales est devenue incontournable dans la politique interne des pays occidentaux en 2024. Or, à chaque fois qu’un politicien affirme vouloir couper les financements ou se désengager de l’une de ces institutions pour faire pression et les pousser à plus de rigueur, il est confronté à une montée de bouclier vertuiste qui s’appuie sur les grands idéaux de la coopération mondiale héritée de l’après-guerre.

Remettre en question la pertinence des institutions mondiales et s’inquiéter de leur instrumentalisation par des pouvoirs mal intentionnés est toujours réduit à une forme de complotisme, de populisme ingrat qui viendrait entraver l’avènement de la paix mondiale.

Il y a évidemment un clash entre la vision mondialiste des experts de la coopération mondiale qui considèrent qu’il faut maintenir la participation de tous les pays au sein des organisations supra-nationales, parfois même contre l’avis de leur population, et celle d’un renouveau nationaliste et populiste qui considère que « la charité bien ordonnée commence par soi-même », et que la poursuite par les États de leurs intérêts propres et la conclusion d’ententes bilatérales sont une meilleure manière de rationaliser les besoins de chacun.

Quoiqu’il en soi, il faudra tout de même reconnaître que toute organisation politique est susceptible de se corrompre, et que les beaux idéaux de la coopération mondiale ne devraient pas être utilisés pour dissimuler les problèmes majeurs des institutions qui la composent. En coupant ses financements au UNRWA, le Canada admettait en quelque sorte que ces institutions ne sont pas infaillibles, et qu’il y a probablement beaucoup d’argent qui est envoyé aux mauvaises places à l’international sous couvert de travailler à un monde meilleur.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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