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Andrew Tate : la masculinité vendue au plus offrant

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La masculinité est devenue l’un des sujets les plus controversés depuis quelques années. Deux visions diamétralement opposées s’affrontent : d’un côté, on affirme que le modèle masculin traditionnel est toxique et que les hommes doivent évoluer, de l’autre, on affirme que la masculinité est attaquée et qu’on interdit aux hommes d’être des hommes. La vérité est peut-être un peu entre les deux, néanmoins, une chose demeure ; d’un côté comme de l’autre, des individus capitalisent de manière douteuse sur cette « crise de la masculinité ». Andrew Tate, qui a été propulsé au statut de star internationale, en est un des plus tristes exemples.

Le Jordan Peterson des douche bags?

Comme on dit, la nature a horreur du vide, et en l’absence de consensus sur la manière dont on devrait élever les hommes, ils trouvent eux-mêmes leurs mentors et leurs inspirations.

On a eu, en 2018, un phénomène mondial autour du psychologue Jordan Peterson qui avait alors écrit « 12 règles pour la vie », un ouvrage visant à offrir des règles simples pour quiconque aspirant à une vie meilleure. S’il ne s’adressait pas spécifiquement aux hommes, sa promotion de la prise de responsabilité et d’une forme de stoïcisme face à la vie lui aura valu une immense audience auprès des jeunes hommes sur YouTube.

Son intellect élevé en fera l’un des plus virulents pourfendeurs de la post-modernité et des dérives qu’on allait plus tard nommer « woke », avec le résultat de se faire apposer l’étiquette « d’extrême droite » par les médias grand public. D’autant plus qu’il mettra en pièce le féminisme contemporain dans une entrevue devenue un classique sur le Channel 4 anglais, ce qui lui vaudra des accusations de « masculinisme ».

Or les modes passent et la figure de Peterson s’est quelque peu normalisée. Tout comme YouTube a fait place à Tik Tok, le contenu de Jordan Peterson – des livres et des présentations universitaires – semble désormais fade face aux « self help gurus » de Tik Tok.

Ainsi, pour une raison semblable à Peterson, mais avec un genre de contenu radicalement différent, Andrew Tate est devenu l’idole des jeunes hommes en quête de virilité.

Là où Peterson travaillait à aider les jeunes hommes à trouver un sens à leur vie, à prendre des responsabilités et à se montrer droit face au fanatisme de nos temps, Andrew Tate semble fonder l’essentiel de son message sur le fait de faire de l’argent et attirer (ou dominer) les femmes. Jouant sur les préoccupations véritables et légitimes des jeunes hommes face au féminisme intersectionnel ; il inverse complètement le message en fondant une sorte de culte de l’hyper-masculinité… jusqu’au cliché.

Vulgarité des « nouveaux riches »

Ce n’est pas nécessairement que je sois en désaccord ; je préfère cette virilité décomplexée à la rigidité dogmatique de nos temps. Or tout ce que Tate fait ou touche est teinté d’une masculinité si clichée qu’elle en devient caricaturale.

Bimbos, voitures exotiques, cigares, culte du « hustler », etc. C’est triste à dire, mais Greta a pour une fois vu juste : loin de paraître viril, cette exubérance dégage effectivement de la « small dick energy ».

J’ai beau aimer moi-même les voitures de luxe, n’importe quel individu qui se vanterait d’en posséder 33 à une gamine écolo m’apparaîtrait extrêmement vulgaire.

Paradoxalement, il y a quelque chose de très bas de gamme dans cette orgie ostentatoire de richesse. Et ce phénomène ne date pas d’hier ; de tout temps, les riches se sont divisés entre vieilles familles riches et « nouveaux-riches », ces derniers étant toujours plus clinquants, m’as-tu-vu, vantards et ostentatoire. C’était vrai du temps de la « Guilded Age » aux États-Unis entre vieux capitalistes de Boston et nouvelles fortunes de l’Ouest, c’était vrai avec l’ascension des rappeurs dans les années 90 et leur fascination pour les chaînes en or et les voitures sport et c’est vrai aujourd’hui avec les entrepreneurs influenceurs.

Pas de doute qu’en une époque de dogmatisme féministe et écologique, la figure de l’homme viril qui accumule les blings blings est un aimant pour les jeunes hommes en quête de modèle… Pas de doute que Tate a la langue bien perchée et sait se défendre, ce qui donne du contenu divertissant. C’est drôle un temps, mais après, cette définition étroite et irréaliste du succès demeure peu constructive pour les hommes.

Instrumentalisation de l’insécurité masculine

Non seulement ce n’est pas constructif, mais c’est tant mieux pour Tate, qui capitalise fortement sur ces jeunes hommes insécures en quête de virilité. C’est carrément son modèle d’affaire.

Entre-autres choses – nous y reviendront – l’ancien kickboxeur offre des cours en ligne pour apprendre aux hommes comment devenir riche.

Littéralement. Sans blague.

Dans un modèle déjà usé, les membres ont ainsi accès à un serveur discord et à des vidéos où Tate explique en détail ce qu’il a déjà expliqué maintes fois sur Tik Tok. Sa philosophie de vie consiste essentiellement à s’imposer comme un « alpha » sur les « betas ». Il affirme d’ailleurs dans une vidéo qu’il appelle les pauvres des « vers » qui permettent à de plus gros animaux de vivre. Il insulte continuellement les gens plus pauvres qui « flip des boulettes » pour réaffirmer sa prééminence sociale et faire des envieux.

Et ça marche ; personne ne veut être un ver de terre qui flip des boulettes dans un Macdonald, les jeunes hommes, particulièrement, veulent être dans la gang des alphas… dans la gang à Tate. Et ce dernier leur vend le rêve inaccessible d’une vie semblable à la sienne.

Je n’ai rien contre le fait d’encourager les jeunes à rêver et persévérer pour atteindre leur rêve, or il faut demeurer réaliste ; statistiquement parlant, très peu de gens finiront par conduire une Bugatti. C’est comme ça. Et il n’y a aucun problème avec ça, la réussite ne se caractérise pas par ce type de richesse.

Et au-delà de ces perspectives quasi-adolescentes sur la vie, de cette posture aussi vulgaire que le féminisme radical qu’il prétend combattre, Tate offre tout un tas de conseil d’affaire à la limite de la légalité. Car on en vient à l’évènement le plus récent à son sujet : il vient d’être arrêté pour proxénétisme aggravé en Roumanie!

Défendre l’indéfendable

Effectivement, l’ironie du sort fait en sorte que c’est ce fameux tweet de Greta Thunberg qui entraînera ultimement sa chute, les autorités roumaines reconnaissant des boites à pizza d’une pizzéria roumaine, dans ce pays où il était déjà recherché pour proxénétisme. Il est maintenant en prison.

Et il s’en trouve encore pour le défendre ; signe d’une époque qui a fait disparaître toute nuance.

Ainsi, dans la remise en question de la masculinité traditionnelle – qui était basée sur le rôle de père de famille – et en refusant de reconnaître l’affaissement des modèles masculins, les jeunes hommes doivent improviser leur développement, pour le meilleur et pour le pire. Les modèles de Peterson et de Tate sont emblématiques de cette tension qui émerge alors entre l’intellect, la tradition et la responsabilité d’un côté et la vantardise, la vulgarité et l’exubérance de l’autre.

De la manière la plus contre-productive qui soit, Tate semble prouver qu’il existe bel et bien quelque chose comme une « masculinité toxique »…

Personnellement, je crois que le succès n’est pas de devenir riche comme Tate, mais bien de trouver un sens à sa vie comme Peterson.

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