Comment faire encore confiance à la CAQ?

Peu importe ce qu’on peut penser du troisième lien, il faudra quand même admettre que son usage électoral malhonnête par la CAQ est particulièrement troublant. Si ce que dit Pascal Paradis est vrai, le parti de François Legault a menti de manière éhontée au peuple québécois. Et ce ne serait pas la pas première fois.

Ces derniers jours, le candidat du PQ pour l’élection partielle dans la circonscription de Jean-Talon a fait couler beaucoup d’encre. C’est que le candidat aurait aussi courtisé la CAQ avant l’élection de 2022. Une occasion pour une confrontation entre la CAQ et le PQ, son principal rival.

Dans cet esprit, ce sont les caquistes qui ont tiré les premiers en dépeignant le magasinage de M. Paradis auprès de leur formation comme capricieux et plein de prétention. Ils ont affirmé que le nouveau candidat péquiste leur avait alors demandé l’assurance d’un comté sûr et d’un ministère. Des demandes jugées irréalistes et un peu trop ambitieuses.

Il apparaît cependant clair que la CAQ a fait une erreur de calcul, puisque Paradis disposait d’informations beaucoup plus compromettantes concernant ses échanges avec Martin Koskinen, le chef de cabinet de François Legault.

Étant lui-même plutôt opposé au troisième lien, Pascal Paradis se serait fait dire par les gens de la CAQ que ça ne causerait pas de problème, puisque le projet serait abandonné après les élections. Autrement dit, la CAQ aurait menti sur toute la ligne en promettant pendant sa campagne la réalisation d’un nouveau lien routier entre Québec et Lévis et le bris de cette promesse après les élections était déjà décidé.

Dire que les politiciens brisent toujours leurs promesses et n’ont jamais eu l’intention de les accomplir est un lieu commun, mais ce n’est pas tous les jours qu’on a des exemples aussi flagrants de cynisme politique.

Mais c’est en quelque sorte devenu le modus operandi de ce parti sans honneur qui passe son temps à changer d’avis sur tout.

Comment définir la CAQ en 2023? Entre 2012 et aujourd’hui, elle est devenue le complet inverse de ce qu’elle proposait.

Alors qu’on la qualifiait carrément de parti populiste de centre-droit en 2018 et qu’on allait même comparer Legault à Donald Trump, le parti d’aujourd’hui répète ad nauseam des mantras environnementalistes et bien-pensants dignes de partisans de Québec Solidaires. À chaque fois que l’opinion public change, la CAQ s’y adapte comme un caméléon, avec résultat une formation politique sans colonnes dont toutes les lignes de presse semblent écrites par Mckinsey ou le Forum économique mondial.

Reste-t-il ne serait-ce qu’une idée originale à la CAQ, où n’est-ce que le relais d’un patronat mondialiste déconnecté des intérêts du peuple?

Alors que la CAQ était clair comme de l’eau de roche dans son intention de baisser les seuils d’immigration de 50 à 40 000, ce qu’elle a fait pendant un an seulement, elle en est rendu à parler de les hausser à 60 000. Et de toute façon, en prenant en compte les résidents temporaires et permanents, Radio-Canada nous informait l’an dernier que la province n’avait jamais accueilli autant d’immigrant et que la barre des 100 000 serait aisément franchie en 2022. Trop risqué de s’opposer au patronat qui crie à la pénurie de personnel, a-t-on dû penser.

Alors que la CAQ parlait depuis des années d’incitatifs et de soutien à la natalité, elle avait effacé ces promesses de son site web en catimini juste avant les élections. Trop risqué de se lancer dans un débat de société qui pourrait heurter certaines sensibilités féministes, a-t-on dû penser.

Alors que la CAQ prônait ouvertement l’exploitation de nos ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz naturel et les produits miniers, elle s’était défilée en douce pendant une nuit en éditant son site web juste avant les élections. En 2022, elle interdisait non seulement l’exploitation des hydrocarbures, mais toute prospection, recherche ou développement dans le domaine. Trop risqué de s’opposer aux sensibilités radicalisées des groupes de pression environnementalistes, a-t-on dû penser.

Alors qu’elle critiquait ouvertement la filière des éoliennes, affirmant que la technologie n’avait pas fait ses preuves, et qu’elle planifiait déjà, dès 2018, la construction de nouveaux barrages, on se retrouve encore aujourd’hui à la case départ. Non seulement on réalise qu’on va manquer d’électricité en 2027, qu’on n’a pas encore de projet de nouveaux barrages sur la table, mais en plus, la deuxième option privilégiée est l’éolien, le solaire et le serrage de ceinture… Trop risqué de critiquer le « green washing » de nouvelles énergies « verte », apparemment.

Alors que François Legault faisait son fendant en fustigeant le wokisme de Gabriel Nadeau-Dubois, en 2021, il revient désormais sur ses paroles et, comme un bon ami de Québec solidaire, vote à l’unanimité avec l’Assemblée Nationale pour défendre des livres wokes d’Élise Gravel qui font la promotion de la théorie du genre à des petits enfants ainsi que la présence accrue des drag queens auprès d’eux.

Alors que François Legault se faisait champion du « ménage » dans la fonction publique, on rapportait l’an passé qu’au lieu de couper 5000 postes administratifs, il en avait plutôt ajouté 4000, engraissant encore davantage l’État. Probablement trop difficile de s’opposer aux syndicats de la fonction publique, et trop de chance de se mettre des électeurs à dos…

Et que dire de la réforme du mode de scrutin? Quelle blague ; ce parti n’irait quand même pas mordre la main qui le nourrit! Et la déclaration de revenu unique? Ottawa est trop dure d’oreille? Ce n’est pas comme si Trudeau était en position de force en ce moment… Et l’accès à tous à un médecin de famille? Et la réduction de la liste d’attente pour les places en garderies? Et le plancher des services professionnels dans les écoles? Et la stratégie maritime? La liste pourrait continuer pendant des heures.

Finalement, on retrouve cet affront à peine croyable : la promesse maintes fois renouvelée d’un troisième lien routier entre Québec et Lévis et celle de faire de Québec une « deuxième métropole », qui, lors de la dernière élection, était carrément un mensonge. Le troisième lien, la CAQ n’en veut plus, et Legault affirme désormais vouloir que Québec demeure « un petit pays »…

Ne cherchez pas de midi à quatorze heures : la CAQ ment comme elle respire, et ses positions, elles ne sont pas de droite ni de gauche, elles sont simplement ce que les sondages indiquent sur le moment. La CAQ est un parti de pouvoir qui promettra n’importe quoi lui permettant de se maintenir au pouvoir, sans aucune volonté réelle de donner suite à ses engagements.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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