Il y a un an, la Russie de Vladimir Poutine démarrait son « opération spéciale » en Ukraine, un euphémisme un peu jovialiste pour décrire une invasion pure et simple qui allait faire basculer le pays dans l’horreur de la guerre.

Si l’intervention répondait à un conflit irrésolu après la révolution de Maïdan en 2014, s’il existe bien des zones de gris dans l’attribution des culpabilités entre ukrainiens pro-russes et ukrainiens pro Kiev, il faut tout de même reconnaître une volonté transparente de la part de Poutine de subjuger et soumettre l’entièreté du pays par la force, ce qui est tout à fait inacceptable. Depuis, c’est l’entièreté du monde qui est tombé dans une crise diplomatique aux allures de Guerre Froide et qui subit les contrecoups du conflit dans un secteur très précis : le secteur énergétique.

En bloquant la possibilité pour l’Europe d’un approvisionnement en gaz naturel russe, la guerre en Ukraine a plongé celle-ci dans une crise énergétique majeure, au point de faire redémarrer les centrales au charbon, engendrer la coupe de forêts ancestrales pour en faire du bois de chauffage et, dans les cas les plus graves, pousser les gens à brûler leurs déchets pour se réchauffer.

Cette guerre nous démontre donc de manière tangible l’importance de l’indépendance énergétique. Tous les pays d’Occident devraient s’assurer d’un apport énergétique le plus local, éthique et diversifié possible.

Non seulement une situation comme la guerre en Ukraine, lorsqu’elle se produit, peut créer une crise et devenir un levier de pouvoir de puissances étrangères sur nous, mais en plus, si on prend le temps d’y penser, on réalise qu’en s’approvisionnant en gaz et en pétrole chez des régimes oppressifs, nous finançons leurs guerres en cours ou à venir.

On peut penser, par exemple, à l’Arabie Saoudite qui mène aussi une guerre depuis des années au Yémen. Mais le cas de la Russie est éloquent : selon l’Agence internationale de l’énergie, 46% de son budget venait de sa vente de pétrole et de gaz naturel.

Ainsi, c’est bien beau armer les Ukrainiens, mais encore faudrait-il s’assurer de ne pas armer indirectement la Russie en consolidant la dépendance européenne à son gaz. Si les importations ont drastiquement baissé en Europe, elles n’ont certainement pas cessé pour autant. Des pays comme la Bulgarie, confrontés à des pénuries insurmontables, ont dû renégocier avec le géant russe Gazprom.

L’Inde est récemment devenue la plus grande importatrice de pétrole brut russe, qu’elle raffine pour revendre en partie… aux Américains!

C’est d’ailleurs le sujet d’un documentaire de SecondStreet sur la question ; Defund Putin :

(Bien qu’il n’y ait pas de version française officielle, il est possible de traduire automatiquement les sous-titres et le résultat est satisfaisant.)

Il est ainsi de la plus grande importance que des pays démocratiques comme le Canada qui ont l’avantage de disposer d’une énorme quantité de ressources énergétique, aident leurs alliés à se défaire de leur dépendance à des ressources qui financent la guerre de Vladimir Poutine.

En d’autres mots, ne serait-il pas mieux d’étouffer le conflit en tarissant les ressources russes, plutôt que de continuer à la financer pour ensuite s’excuser en envoyant de l’armement à l’Ukraine?

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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