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Les conservateurs et l’avortement | Partie III : Une recherche de compromis

Le 22 octobre dernier, j’ai publié la deuxième partie de cette réflexion, où nous avons examiné les arguments en présence.

Dans cette troisième et dernière partie, je vais proposer quelques pistes pour une réflexion conservatrice sur l’avortement.

Ce que je crois

  • Il faut mettre en balance plusieurs incertitudes : ce qui adviendra d’un enfant qu’on garde, mais qui est plus ou moins désiré; ce qui adviendra d’une mère qui ne se sent pas prête à avoir un enfant et qui devra l’élever; les séquelles psychologiques d’un avortement. Il n’y aura jamais de solution simple à ce dilemme.
  • J’aurais tendance à approuver le droit à l’avortement sans restrictions lorsqu’il est « évident » que le foetus n’a pas encore de conscience. Cependant, il n’est pas facile d’établir à partir de quel mois de la gestation on pourrait tirer la ligne.
  • Il est aussi possible que la science cerne mieux les différentes étapes de l’arrivée de la conscience dans le foetus et contribue à éclairer le débat sur le caractère acceptable ou non d’un avortement à un certain stade de son développement.
  • Les croyances religieuses ne devraient pas empêcher l’avortement dans les premiers mois de la grossesse. On ne peut remplacer un malheur présumé pour des raisons morales par un malheur qui semble plus certain avec une grossesse non désirée; cela dans un contexte d’autonomie plus grande des individus qui doit laisser la place à une certaine liberté de choix.
  • Approuver un droit ne veut pas dire encourager ou banaliser son utilisation. Il faut responsabiliser les partenaires sexuels et rendre la contraception encore plus accessible.
  • Il faut aussi valoriser le courage face à l’adversité; nos ancêtres n’ont pas toujours eu des conditions idéales pour élever une famille. Pourquoi ce courage devrait-il être une relique du passé?
  • Il faut renforcer le « délai de réflexion » avant de passer à l’acte. Il faut permettre au libre arbitre de s’exercer.
  • Il est possible que le nombre d’avortements diminue si les pères prennent davantage leur responsabilité après la conception et si les familles sont mieux appuyées par leurs communautés.

Les Conservateurs et l’avortement

  • L’influence du mouvement pro-vie est en augmentation dans plusieurs pays occidentaux. Le débat ne va pas mourir.
  • Le narratif des médias sur les conservateurs, c’est qu’il n’en font pas assez pour rejoindre le « consensus » actuel. Des commentateurs invitent le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, à contrôler et marginaliser l’aile « sociale » de son parti. Ces mêmes commentateurs invitent-ils le Parti libéral à nettoyer leur formation des militants pro-charia ou le NPD et les Verts à se débarrasser des néo-communistes dans leurs rangs?
  • Il y a une forte tendance dans les médias à pourchasser tous les leaders politiques sympathiques à une approche restrictive. C’est une attitude totalitaire.
  • Dans une société démocratique, lorsqu’il n’y a pas de possibilité de réconcilier des valeurs fondamentales et très opposées, on cherche un compromis plutôt que l’élimination de l’adversaire.
  • La politique ne peut pas tout. Nous sommes face à un conflit de valeurs. Les Conservateurs doivent cependant cadrer le sujet et traduire leurs vision en propositions politiques, lorsque la conjoncture s’y prêtera.
  • Il est fort possible que le meilleur compromis atteignable actuellement soit la décriminalisation de l’avortement, donc le statu quo.
  • Dans ce domaine, le rôle du politique est de vérifier si l’évolution des moeurs s’accorde avec les législations, mais pas seulement. Il faut également éviter les dérives de la société des droits.
  • Les conservateurs honorent la famille, car elle est le creuset de l’héritage que nous ont laissé nos ancêtres. Les traditions ne sont pas là pour rien, elles sont les solutions trouvées par les générations précédentes à différents problèmes. La solidarité familiale, le respect de la vie, l’effort et la responsabilité sont des valeurs conservatrices.
  • Le renforcement des valeurs familiales repose sur une longue expérience humaine. La famille est une source d’équilibre et de joie. Elle permet aussi d’adoucir de nombreux problèmes sociaux et de renforcer l’autonomie des communautés plutôt que de laisser l’État se substituer aux relations familiales.
  • Nous, les conservateurs, ne sommes pas ouverts ou fermés par principe aux innovations sociales, car l’être humain est capable du meilleur comme du pire. Un conservateur honore le passé, sans être limité par lui.
  • Un avortement plus sécuritaire grâce à la médecine moderne n’implique pas qu’il faille accepter un avortement libre-service. Devant les tendances ou les évidences, nous opposons la prudence.
  • Nous devrions encourager des études sur les besoins des femmes et des familles pour éviter l’avortement et mieux comprendre les causes et les conséquences de ce choix.
  • Il faudrait élaborer une politique incitative pour avoir moins d’avortements, sans en limiter l’accès. Je crois qu’une telle politique refléterait le souhait de la majorité des Canadiens.
  • Dans un avenir pas trop lointain, il sera éventuellement possible de légiférer sur des restrictions à l’avortement pour les trois derniers mois de la grossesse ou sur l’avortement pour des raisons de choix de sexe. Mais cela demanderait d’abord de calmer le jeu. Or, beaucoup de groupes de pression des deux camps voudront en profiter pour pousser leur avantage plus loin et demander d’autres réformes. La situation semble donc bloquée pour l’instant et il faut l’accepter ou agir avec prudence. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les deux principaux candidats au leadership du Parti conservateur du Canada cette année.
  • Je lance un appel aux Conservateurs pour qu’ils soient les promoteurs d’un débat juste, tolérant et raisonné sur ces questions quand les conditions seront réunies afin d’être le Parti de la vraie diversité. Les Conservateurs doivent lever le drapeau de la diversité d’opinions, comme le suggérait Éric Lanthier dans ces pages.
  • Erin O’Toole a accepté de défendre la liberté de conscience des députés sur les questions sociales tout en s’engageant à ce qu’un gouvernement conservateur ne présente pas de projets de loi sur l’avortement. Mais les députés pourront le faire. C’est un moyen sain de laisser le débat se poursuivre tout en favorisant une écoute dans l’opinion publique pour le programme conservateur.

André Valiquette

Détenteur d’une maîtrise en histoire canadienne, il a été journaliste à Radio-Canada puis a poursuivi sa carrière dans le milieu universitaire, où il a été responsable de relations médias et rédacteur de discours. De 2007 à 2009, il a été directeur des communications à l’Institut économique de Montréal. Il a été candidat du Parti populaire du Canada en 2019 dans NDG-Westmount. Il a été président de la Commission politique du Parti conservateur du Québec et membre de son Bureau exécutif national. André publie une chronique à titre personnel dans Québec Nouvelles.

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