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Quand la Fête nationale est prise en otage

L’an passé, j’ai écrit un billet pour déplorer le fait que la Saint-Jean-Baptiste était désormais à l’image du déclin québécois ; une fête pratiquement éteinte en raison d’un abus de puritanisme bien-pensant et un sentiment national noyé dans le wokisme. Cette année, avec le choix du MNQ d’offrir l’animation du spectacle des Plaines d’Abraham à Émile Bilodeau, un artiste connu pour ses positions militantes wokes qui a souvent craché sur les nationalistes et les promoteurs de la laïcité, il me semble que non seulement la fête est en déclin, mais elle est aussi prise en otage par de faux nationalistes qui exploitent la situation et manipulent idéologiquement les Québécois.

Ces gens ont passé les dernières années à diaboliser le nationalisme et en faire un synonyme de la suprématie blanche. Au lieu de voir la laïcité comme une consécration de la neutralité de l’État, ils ont répandu l’idée que c’était une politique raciste des « de souche » contre les musulmans. À de multiples reprises, ils ont qualifié le nationalisme du Parti Québécois de vieillot et présentant des relents d’intolérance. Dans leur vision étriquée du vivre-ensemble, ils ont, par le moyen de Québec Solidaire, réinventé un nationalisme qui n’a plus rien de réellement national. Dans les dynamiques de déconstruction woke, ils ont prétendu que l’expression nationale passait d’abord par l’expression des minorités, laissant la majorité et l’unité nationale paître et alimentant le clientélisme tribal du multiculturalisme canadien.

Mais désormais, nous leur donnons les clés de la plus importante célébration nationale du Québec.

Tout comme Québec Solidaire, qui se prétend nationaliste, voire même indépendantiste (quelle blague…) mais dont toutes les positions sont contre l’expression d’une fierté nationale qui serait toujours (selon eux) trop proche du chauvinisme, les organisateurs de la Fête nationale n’ont aucune honte à déconstruire le nationalisme qui était pourtant intrinsèque au concept d’une fête nationale.

Pour faire simple : on veut une fête nationale pas vraiment nationale… Émile veut juste jammer et avoir du fun avec ses chums issus de la diversité. Faut le comprendre…

C’est d’ailleurs comme ça qu’il le présente dans ses nombreux commentaires sur les réseaux sociaux depuis quelque temps :« […] Je vais animer, chanter et danser mon amour pour le Québec pendant 2h sur les plaines d’Abraham le 23 juin. Je vais chanter en innu-aimun avec mes chums de Malio, je vais jouer de la guitare sur le couplet en Créole de mes amis de Muzion, je vais faire des harmonies vocales sur le refrain de mon ami Congolais Pierre Kwenders, je vais dénoncer le traitement des francophones hors Québec d’Amérique du Nord dans ma chanson Candy, je vais jammer avec Patrick Norman qui s’apprête à prendre sa retraite après 50 ans de carrière, je vais présenter chaque artiste qui ont accepté mon invitation (de Laurence Jalbert à Vulgaire Machins). Bref, on va vous faire un esti de bon show. Si vous voulez me canceler, je vous propose d’aller voir ce que font les républicains aux USA. Ils ont de l’expérience dans le domaine. Xxx »

De plus en plus, ces gens prétendent réinventer la Saint-Jean-Baptiste, tout ça pour instrumentaliser idéologiquement l’unité nationale qu’elle représente et faire taire les gens qui s’y opposent. On prétend qu’on en fera une fête moderne et « ouverte sur les autres », dans un sous-entendu à peine croyable qui ferait des éditions précédentes des célébrations exclusivistes, racistes, ou en tout cas, « fermées sur les autres »

Il y a un élément de chantage dans leurs communications publiques : critiquer leurs choix et positions reviendrait à critiquer la Saint-Jean elle-même et l’esprit d’unité censé prévaloir. Ça dépeint les critiques comme des gens mal intentionnés qui veulent diviser les gens. Ça en fait des « ruineux de party ». On en revient au fameux réflexe unanimiste des Québécois depuis quelque temps. Pas le choix, donc, de s’y soumettre ou de faire profil bas.

Le Parti Québécois l’apprend d’ailleurs à ses dépens depuis quelques jours, alors que sa porte-parole Méganne Perry Mélançon a annoncé l’intention du parti de ne pas être présent lors de ce spectacle, qui est vu comme la grand-messe par excellence au Québec. Émile Bilodeau ayant déjà souhaité la mort du parti, on peut comprendre qu’il soit réfractaire à cautionner l’animation de la fête par l’artiste.

Cette décision a instantanément entraîné les critiques. Notamment celle de Gabriel Nadeau Dubois, qui affirmait sur Twitter « Émile Bilodeau est un indépendantiste qui rejoint les jeunes. Il tisse des alliances précieuses avec des artistes autochtones. Mais il a critiqué le PQ, alors le PQ boycottera le spectacle de la St-Jean. Mettre la fierté partisane avant la fierté nationale, quel dommage. »

Excusez l’anglicisme, mais en lisant cela, j’ai l’impression de me faire « gaslighter » solide. Ils ne sont même pas gênés d’instrumentaliser de la sorte la fête nationale et viennent maintenant nous accuser d’être de mauvais nationalistes alors que ce sont eux qui, d’entrée de jeu, font de la politique partisane, sous-entendant qu’ils seront plus tolérants et ouverts que les précédentes éditions, et qui sont en train de travestir l’esprit nationaliste de la fête pour en faire plutôt une célébration du multiculturalisme à la Québécoise.

Émile Bilodeau va même jusqu’à faire référence aux politiques des Républicains aux États-Unis! C’est vous dire le niveau de politisation qu’ils ont atteint… Et si je les aime, moi, les politiques des Républicains, dois-je comprendre que je ne suis pas le bienvenu? Réalisent-ils seulement à quel point ils sont toxiques à tout vouloir subordonner aux intérêts de leurs causes partisanes? Réalisent-ils à quel point vicieux ils sont, lorsqu’ils nous renvoient la culpabilité de la partisanerie pour simplement affirmer un malaise face aux positions anti-nationalistes de Bilodeau?

Dans tout ça, alors qu’ils sont littéralement en train de charcuter l’esprit national, Bilodeau et QS ne font que nous chuchoter à l’oreille : tout va bien aller. Continuons. Nous aussi, on est souverainistes. Tu peux nous faire confiance.

Et ainsi meurt à petit feu la nation québécoise.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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