D’après un article de Emma Burrows publié par The Associated Press sur Global News le 9 juillet 2025
Les services de renseignement européens tirent la sonnette d’alarme : les opérations de sabotage attribuées à la Russie se multiplient et deviennent de plus en plus violentes. Dans un article percutant, Emma Burrows rapporte pour l’Associated Press que des incidents comme l’incendie criminel survenu à Londres en mars 2024 s’inscrivent dans une campagne bien orchestrée visant à semer le chaos en Europe au bénéfice stratégique du Kremlin.
Cet incendie, déclenché dans un entrepôt de l’est londonien abritant du matériel destiné à l’Ukraine, a été planifié par un petit groupe sous l’égide présumée des services de renseignement russes. Emma Burrows explique que trois hommes ont été reconnus coupables mardi par un tribunal britannique pour leur rôle dans ce complot, tandis que deux autres, dont Dylan Earl, avaient plaidé coupable plus tôt.
Earl a reçu un message laconique en russe après l’incendie : « Excellent », émanant, selon les autorités, de son contact russe. Le feu, qui a mobilisé plus de 60 pompiers, a ravagé la moitié de l’entrepôt et a mis en danger la vie des résidents du quartier, comme le raconte Tessa Ribera Fernandez, qui a fui son immeuble avec son fils de deux ans.
Selon Emma Burrows, il ne s’agit pas d’un cas isolé. L’Associated Press a recensé plus de 70 incidents liés à des opérations russes depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. En 2024 seulement, douze actes de sabotage ou d’incendie criminel ont été documentés, contre deux en 2023 et aucun en 2022.
Un haut responsable d’une agence européenne de renseignement, interrogé sous anonymat, affirme que « lorsqu’une campagne est lancée, elle suit sa propre dynamique et devient de plus en plus violente avec le temps ».
Une stratégie d’amateurs téléguidés
À court d’agents expérimentés depuis l’expulsion de centaines de diplomates russes après l’affaire Skripal en 2018, Moscou semble désormais se tourner vers des jeunes recrues étrangères, souvent sans antécédents criminels. Ces dernières sont attirées sur des forums ou chaînes Telegram liés à Wagner, puis reçoivent quelques milliers de dollars pour accomplir des missions de sabotage.
Emma Burrows révèle que les messages échangés entre Earl et un agent russe identifié par le pseudonyme « Privet Bot » donnaient une idée précise du mode de recrutement. Ce dernier le qualifiait de « sage et intelligent malgré son jeune âge », lui conseillant même de regarder la série The Americans comme « manuel d’instruction ».
Les communications, traduites à l’aide de Google, naviguaient entre menace sérieuse et absurdités fanfaronnes. Earl prétendait avoir des liens avec l’IRA et se disait entouré de « meurtriers, ravisseurs, soldats, trafiquants de drogue, fraudeurs et voleurs de voitures ».
Des cibles civiles, des risques réels
L’entrepôt visé à Londres contenait notamment du matériel StarLink destiné à l’armée ukrainienne. L’incendie a été déclenché à l’essence et filmé par les auteurs eux-mêmes. D’autres cibles ont été évoquées dans les messages ultérieurs, notamment des commerces londoniens appartenant à des exilés russes pro-Ukraine, comme le milliardaire Evgeny Chichvarkin.
Emma Burrows rapporte qu’un recruteur russe a recadré Earl après coup : « Tu t’es précipité pour incendier ces entrepôts sans mon autorisation. » Et d’ajouter qu’en conséquence, l’argent promis ne serait pas versé.
Mais le même agent l’encourage ensuite à continuer : « Tu es notre dague en Europe, et nous allons t’aiguiser soigneusement. Ensuite, nous t’enverrons au combat. »
Une campagne aux ramifications inquiétantes
Outre le Royaume-Uni, d’autres pays ont été touchés par des plans de sabotage potentiellement mortels. Emma Burrows mentionne un projet d’attentat dans un IKEA de Lituanie impliquant un adolescent ukrainien, ainsi que des tentatives d’incendie de centres commerciaux en Pologne, en Lettonie et en Lituanie.
Selon Lotta Hakala, analyste au Service de sécurité et de renseignement finlandais, la Russie tente de garder un contrôle strict sur ses opérations, mais parfois, « le contrôle échappe ». Les intermédiaires en viennent à proposer des idées de plus en plus extrêmes, parfois sans encadrement suffisant, ce qui accroît les risques pour les populations civiles.
Malgré les démentis officiels du Kremlin, les preuves s’accumulent et dressent le portrait d’un réseau décentralisé, mais dirigé, visant à déstabiliser l’Europe de l’intérieur par des moyens asymétriques.



