Traduit de l’anglais. Article de Donna Kennedy-Glans publié le 12 mars 2023 sur le site du National Post.
Dans quelle mesure le Canada est-il prêt à défendre sa frontière septentrionale ?
« Nous sommes nus », déclare David Harries, le parfait connaisseur de l’armée, qui se trouve aujourd’hui le plus souvent à l’extérieur.
Ingénieur nucléaire de formation, M. Harries a passé sa carrière dans l’armée canadienne, notamment en tant que commandant du Régiment aéroporté du Canada, basé près d’Edmonton. L’unité a déménagé à Petawawa, en Ontario, mais à Edmonton, la mission consistait à piloter des avions Hercules pour la recherche et le sauvetage dans l’Arctique et à enseigner aux soldats comment sauter d’un avion et survivre dans le Grand Nord.
Lorsque nous nous connectons virtuellement, Harries ressemble à un soldat usé par le temps, assis en tailleur dans sa maison de Kingston, en Ontario. Il est prêt à en découdre. Et il n’est pas difficile d’imaginer Harries, comme il le dit, « tombant d’un Hercules, après un bulldozer, dans l’obscurité, dans l’Arctique, pour construire une piste d’atterrissage ». Retraité mais toujours dans le jeu, Harries entraîne l’équipe masculine de rugby du Royal Military College. Il est également actif au sein de plusieurs associations internationales, dont l’Académie mondiale des arts et des sciences et le groupe canadien Pugwash, des collègues experts qui s’intéressent à la sécurité mondiale.
Penché vers l’avant sur l’écran de son iPad, il transmet un sentiment d’urgence contagieux : « Si le système américain pense que l’Amérique est menacée, l’Amérique fera ce qu’elle veut pour s’attaquer à la menace. Légalement et diplomatiquement, ils ont le droit d’utiliser le Norad (North American Aerospace Defence) et le NorthCom (U.S. Northern Command). Absolument. Si nous ne sommes pas prêts ou si nous n’arrivons pas à temps, l’Amérique dira aux Canadiens qu’il y a une menace ».
L’idée d’une responsabilité partagée pour la défense de l’Arctique n’est pas nouvelle. La Seconde Guerre mondiale a jeté les bases d’un pacte de sécurité continental. À l’époque, les États-Unis n’ont eu aucun scrupule à stationner un nombre impressionnant de militaires au Canada pour ouvrir une route à travers la nature jusqu’à l’Alaska, en utilisant Edmonton comme base de départ pour la construction de la route de l’Alaska.
Depuis lors, l’appétit des Canadiens pour les dépenses de défense a diminué. Aujourd’hui, nous consacrons environ 1,4 % de notre PIB à la défense ; en 1960, ce chiffre était de 4,2 %.
Est-ce que quelqu’un se soucie du fait que le Canada compte sur les Américains pour assurer sa défense ? Justin Trudeau sait que les électeurs ne sont pas vraiment intéressés, affirme M. Harries. « Et je ne vois personne qui s’inquiète du fait que ce sont les Américains qui se présentent. » Cette stratégie nous a permis d’économiser beaucoup d’argent. Mais nous avons perdu en réputation. Les autres pays savent que nous ne prenons pas très au sérieux notre rôle de nation militaire.
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Jusqu’à présent, nous avons eu de la chance. La realpolitik de M. Harries est choquante. Pourquoi l’armée américaine serait-elle d’accord avec cet arrangement ?
« Je pense que les Américains sont paniqués par le Nord », répond-il. « Ils sont tellement en retard sur les Russes …. que l’Arktika (un brise-glace russe), lancé il y a deux ans, est aussi grand que le Queen Mary, possède deux réacteurs nucléaires et peut faire n’importe quoi ».
Il se pose une question : Cela veut-il dire que les Américains vont faire appel à leur force, les sous-marins nucléaires, pour s’assurer de leur présence ? Il réfléchit, puis conclut : « Les Américains sont tellement occupés à rattraper leur retard qu’ils ne nous poussent pas à agir en tant que pays allié disposant du deuxième plus long littoral arctique au monde et ils connaissent très bien les problèmes de notre armée. Elle est sous-financée, sous-peuplée, sous-équipée, en proie à des problèmes culturels et n’est pas soutenue par le Premier ministre et sa cabale. Je ne pense pas qu’ils nous pousseraient, par courtoisie professionnelle ».
Tout cela semble bien fragile. La ministre canadienne de la Défense nationale, Anita Anand, semble compétente ; ne peut-elle pas nous remettre sur les rails ?
« Vous avez entendu ce qu’a dit le général Eyre (chef d’état-major de la défense) », répond Harries. Lorsqu’on lui a demandé si les forces canadiennes étaient prêtes pour ce qui se passait, il a répondu : « Non, je ne dors pas la nuit parce qu’elles ne sont pas prêtes ». Nous avons un pays qui a donné à l’Ukraine plus de ressources militaires en un an qu’il n’en a donné aux forces canadiennes au cours des dix dernières années.
Le monde a beaucoup changé, nous en convenons. Et les ballons qui ont tant attiré notre attention il y a quelques semaines sont un signal qui nous invite à nous réveiller.
M. Harries se penche sur son écran pour raconter une dernière histoire : « Hier, j’étais au CMR pour une réunion avec les responsables de l’athlétisme sur les questions de rugby. Dieu. Les nouvelles règles vestimentaires. Il n’y a pas de règles vestimentaires. Vous pouvez porter ce que vous voulez. Si vous êtes un homme, vous pouvez porter une jupe du CMR si vous le souhaitez. Si vous voulez vous colorer les cheveux, vous pouvez le faire. Il n’y a plus de règles en matière de coiffure. Si vous voulez vous faire tatouer le visage, vous pouvez le faire. Tout cela dans l’intérêt de la diversité et des droits de l’homme. Je peux vous dire ce que nos alliés en pensent ».
Le Canada n’est peut-être pas préparé à ce qui va suivre, mais nous sommes « woke ».