La Guerre en Ukraine, qui sévit depuis maintenant un an, a radicalement changé la face du monde. Sur le plan diplomatique, évidemment, mais plus particulièrement sur le plan énergétique. Jamais les concepts d’indépendance et de sécurité énergétique n’ont été aussi flagrants et importants. Le Canada, qui pourrait être une superpuissance dans ce secteur économique, a la capacité d’aider ses partenaires à l’étranger qui tentent de s’affranchir de leur dépendance au gaz russe pour les décennies à venir.
C’était d’ailleurs le sujet d’un article d’Éric Nuttal il y a quelques mois, qui expliquait la situation en détail. Je vous l’explique en mes mots ici.
Qu’on se rappelle : vers la fin de l’été, les prix du gaz naturel en Europe avaient augmenté de 250% pour atteindre un prix vertigineux de 500$ le baril. Dans ces circonstances, ce fut un hiver très difficile pour les européens, qui devaient parfois choisir entre manger ou se chauffer.
Le résultat fut désastreux pour les coûts de la production d’électricité, comme par exemple en France où, en août, le prix d’un mégawatt atteignait 1000$, c’est-à-dire 22 fois son prix moyen de 45 euros entre 2010 et 2020.
Cette situation dramatique a poussé les gouvernements à encourager le rationnement de l’énergie, demandant aux citoyens de prendre des douches froides, limiter leurs heures d’éclairage, etc. afin de pouvoir stocker assez de gaz naturel pour l’hiver. Le président Macron avait alors parlé de « la fin de l’abondance » ; une vision plutôt lugubre et défaitiste…
On a peut-être mal saisi, au Canada, à quel point cette situation était dramatique. Le chancelier Allemand Olaf Scholz était venu rencontrer le premier ministre Trudeau pour supplier le Canada d’augmenter sa production en énergie, simplement pour se faire dire qu’il n’y avait pas d’opportunité d’affaire dans le gaz naturel.
C’était une situation assez paradoxale ; l’opportunité d’affaire était littéralement incarnée en chair et en os par la visite précipité du chancelier allemand, désespéré de trouver une alternative au gaz russe.
Ce n’était pas un hasard si les Allemands s’intéressaient au Canada. Comme l’expliquait bien Nuttal : « Le Canada est une puissance énergétique qui a la capacité de satisfaire une grande partie des besoins énergétiques croissants de la planète pour les décennies à venir. Nous avons la chance de disposer d’une abondance de pétrole et de gaz naturel, tous deux produits selon les normes environnementales les plus élevées au monde. De plus, le secteur de l’énergie contribue massivement à l’économie canadienne, offrant des emplois extrêmement bien rémunérés qui représentent directement et indirectement jusqu’à 15 % du PIB du Canada. »
En 2023, cette industrie ajoutera 60 milliards de dollars en redevance au budget canadien, lui permettant de construire des écoles, des hôpitaux, des routes, etc. Il est absolument ridicule qu’en un monde qui nous supplie littéralement de leur fournir plus de cette ressource, nous déclinons l’offre d’en profiter davantage.
Alors que l’armée de Vladimir Poutine peut s’offrir des missiles payés à même leur production de gaz naturel (Second Street révélait que 45% du budget russe provenait de sa vente d’hydrocarbure), au Québec, nous avons bloqué le projet GNL Québec pour des raisons environnementales.
Mais notre refus d’approvisionner l’Europe a aussi un fort coût environnemental : la combustion de charbon pour produire de l’électricité a repris de plus belle pour pallier la pénurie de gaz naturel. En 2022, il ne s’était jamais brûlé autant de charbon que dans toute l’histoire de l’humanité. Et d’ailleurs, ce qu’on appelle charbon est, dans bien des cas en Allemagne, du lignite ou « charbon brun », qui est encore plus polluant.
Loin de représenter une augmentation des gaz à effet de serre, le gaz naturel est en fait une énergie de transition qui, pour les prochaines décennies, permettra une réduction nette des émissions mondiales.
Comment peut-on encore se justifier de refuser de réduire les émissions mondiales tout en profitant économiquement de cette ressource abondante? Avec une dette de 1,25 billion de dollars, ce qui représente 32 300$ par personne au Canada, ce n’est pas comme si nous n’avions pas besoin de cet argent.
L’opportunité d’affaire pour le gaz naturel canadien n’est plus à démontrer. Alors que nous hésitons depuis 14 ans à produire une seule goutte de gaz naturel liquéfié, les États-Unis en exportent 12 milliards de pieds/cube par jour, soit l’équivalent de 1 milliard de dollars en revenu par jour. Et ça pourrait être nous.
Le coût d’opportunité d’avoir manqué cette chance est absolument incalculable pour le Canada. Nous pourrions baisser drastiquement les émissions mondiales et engranger des profits énormes pour régler notre économie. Nous pourrions tripler les 1,8 milliard de pieds/cube de gaz prévus pour 2025 d’ici dix ans et, par le fait même, remplacer 15,4 millions de tonnes de charbon brûlé dans des endroits comme la Chine et réduire de 22 millions de tonnes les émissions de CO2 dans le monde. Pour faire une image, c’est l’équivalent de retirer 9,5 millions de voitures à essence des routes.
En même temps, chaque milliard de pieds/cube de gaz produit signifierait 400 millions en redevances annuelles supplémentaires. Dans ces conditions, refuser de porter assistance à nos alliés en cette période de crise est une sorte de trahison à leur égard, et envers le Canada lui-même. Le monde a besoin de l’énergie canadienne.