Au Québec, nous avons financé pendant des années les études à rabais d’étudiants anglophones du Canada, qui payaient moins cher à étudier soit à Concodia, Bishop’s et McGill, qu’à Toronto ou Winnipeg. On peut le dire ainsi : nous avons financé notre propre anglicisation. Par contre, selon Frédéric Lacroix, chercheur sur les questions linguistiques, cela pourrait avoir un effet pervers. Voici voir cela de plus près.
La question du surfinancement des universités anglophones, pendant que les universités de langue française souffrent d’un sous-financement chronique, fait rage depuis longtemps. Parmi les meilleurs étudiants, les universités anglophones sont vues comme élitistes. L’UQAM de même que les universités en région sont vues comme une voie de garage que l’on fréquente seulement si l’on n’a pas les moyens de fréquenter les universités anglophones ou que l’on n’a pas la bonne moyenne au cégep.
Il est dit que pour chaque étudiant à McGill, plus de 28 500$ sont investis dans les infrastructures, alors que dans le cas de l’UQAM, nous parlons de seulement… 357$! McGill possède de nombreux bâtiments au centre-ville de Montréal qu’il contribue à angliciser par son prestige et son patrimoine immobilier. De même, beaucoup d’étudiants du Canada anglais viennent à McGill pour la médecine, programmes en partie financés par les contribuables québécois. Mais qui ne verront pas ces futurs médecins pratiquer au Québec.
La plus récente décision du gouvernement Legault d’augmenter leurs frais de scolarité peut paraître une bonne chose. Oui, c’est un pas dans la bonne direction. Certains diront que c’est trop peu trop tard. Mais au moins, il y a une prise de conscience du problème du surfinancement de McGill. Par contre, comme l’a rappelé Frédéric Lacroix sur sa page Facebook, le risque est que les places libérées seront occupées par des étudiants francophones et allophones du Québec, ce qui contribuera quand même à l’anglicisation.
Plusieurs étudiants ayant fréquenté des cégeps francophones auraient envie d’aller dans les universités anglophones. Mais ils ne peuvent pas, car ces places sont déjà occupées par des étudiants anglophones du Canada anglais. Ces places maintenant libérées sont potentiellement moins d’étudiants, donc moins de droits de scolarité, à l’UQAM, à l’UdeM ou bien aux universités en région. L’anglais demeurant un marqueur social fort pour faire partie de l’élite.
Néanmoins, après ces réserves, nous pouvons être satisfaits de voir la colère des libéraux du Québec. Ceux-ci, qu’il s’agisse de Marc Tanguay, ou d’Antoine Dionne-Charest, sont en furie que l’on « s’attaque à la communauté anglophone » du Québec en augmentant les frais de scolarité des étudiants hors Québec. C’est bizarre. Les libéraux ne sont pas censés effectuer un virage nationaliste? C’est là que l’on voit le vieux fond libéral. À toujours défendre les anglophones gâtés par le système de financement des universités.
On peut se réjouir de la crise du bacon des libéraux, mais ne pas oublier que la loi 101 n’est toujours pas appliquée au Cégep. De même que trop d’étudiants francophones et allophones fréquentent les universités anglophones. De même que de nombreux Français qui abusent de l’esprit de l’entente France-Québec pour apprendre l’anglais… au Québec. On peut dire que le gouvernement Legault n’en fait pas assez, mais ce qu’il fait est déjà trop pour les libéraux et les anglophones les plus radicaux. Et ça, c’est une bonne chose.