À entendre les différents partis à la Chambre des Communes et les médias grand public, Google serait une entreprise publique avec des objectifs philanthropiques… Ils veulent gérer son budget à sa place et voler ses profits publicitaires pour les remettre de force aux médias reconnus par l’État! Et après, ils se surprennent que Google leur fasse comprendre que dans ces conditions, il peut très bien cesser d’offrir une plateforme aux sites de nouvelles au Canada. On peut questionner s’il s’agit bien de tests ou de moyens de pression et si Google ne dépasse pas un peu les bornes en privant 4% des Canadiens de contenu journalistique, or ça ne rend pas le projet de loi plus justifiable.
En effet, dans les dernières semaines, Google a annoncé qu’il effectuerait des tests pour l’application éventuelle du projet de loi C-18, qui le forcerait à partager ses revenus publicitaires avec les médias canadiens reconnus par l’Organisation journalistique qualifiée. En bloquant les nouvelles pour 4% de Canadiens, on peut en conclure que leur application de la nouvelle réglementation consisterait simplement à la contourner en cessant d’offrir une plateforme aux médias canadiens. Ces tests aux apparences de protestations on fait bondir les députés de tous les partis confondus aujourd’hui alors que les représentants de Google au Canada témoignaient au comité permanent du patrimoine canadien.
Maintenant, est-ce Google qui bénéficie « gratuitement » de contenu de la part des médias sur lequel il peut capitaliser en publicités, ou bien n’est-ce pas plutôt les médias qui bénéficient de visibilité gratuite sur les plateformes web pour rediriger les utilisateurs sur leurs sites? La question se pose. Car s’il est évident que les profits publicitaires se font de plus en plus sur le web, et que c’est à l’avantage des plateformes et au détriment des médias traditionnels, ça ne veut pas dire pour autant que Google a volé ces profits de manière malhonnête.
On entre ainsi dans un dialogue de sourds.
Le milieu des communications a vécu une révolution avec le web 2.0 ces dernières décennies ; naturellement, une nouvelle dynamique de concurrence s’est mise en place et ça a été à l’avantage des plateformes web. Ces mêmes plateformes ont mis en place des systèmes de monétisation des contenus par la publicité accessibles à tous de manière tout à fait démocratique, ce qui a profité à toute une génération de petits créateurs de contenu. C’est ce système qui a démocratisé les profits sur le web qui est désormais attaqué par le gouvernement canadien, qui préfèrerait que les grands médias aient le monopole de la monétisation.
Il y a une arrogance énorme de la part des grands médias dans le fait d’affirmer que Google profite de leur contenu « gratuitement » alors qu’il les aide plutôt à survivre en le diffusant à leur place. Si les gens passent par Google au lieu de s’abonner à un journal en 2023, c’est parce que les médias n’ont pas su être concurrentiels. Et l’apport des médias d’information canadiens aux profits publicitaires de Google sont assez négligeables pour se gonfler le torse de la sorte…
On pourra toujours argumenter que l’aspect monopolistique des géants du web et la fonction d’agora de leur plateforme justifie une ingérence de l’état dans leur fonctionnement, on pourra déplorer que le nouveau modèle de monétisation sur le web se fait au détriment de la qualité et de la déontologie journalistique, et qu’une monétisation particulière doit-être accordée aux professionnels, mais on se butera toujours à cette réalité très élémentaire : Google est une entreprise privée et ne devrait pas être obligée d’offrir une plateforme aux grands médias… Alors pourquoi devrait-elle en plus partager ses profits publicitaires avec eux?
Utiliser l’État pour soutirer de force des profits à une autre compagnie parce que la sienne n’a pas su être compétitive, ça s’apparente franchement à du vol.