Une nouvelle insolite a fait le tour du Québec, et s’est même rendue en Europe. Selon de nouveaux règlements qui seront adoptés par la ville de Montréal pour ses bibliothèques, les employés auront le pouvoir de juger de l’hygiène corporelle d’une personne pour l’expulser si besoin. De nombreux cris d’indignation se sont fait entendre. En effet, ce n’est pas très brillant de donner des contraventions de centaines de dollars à des sans-abri qui ne peuvent payer. Mais est-ce possible que la ville de Montréal et notre gouvernement à Québec tentent de pelleter le problème de l’itinérance dans la cour des autres? C’est ce que nous allons tenter de voir.
Dans quatre arrondissements, la ville de Montréal utilise la formule très politiquement correcte que les bibliothèques publiques peuvent interdire l’accès à quelqu’un dont « l’hygiène corporelle peut incommoder les autres usagers ». Des amendes sont prévues et elles sont salées. Elles peuvent aller de 350$ à 1000$ pour une première « infraction » et jusqu’à 3000$ pour une récidive. Bien sûr, cela a de quoi faire sursauter, considérant l’insolvabilité des itinérants majoritairement visés par ce nouveau règlement. Cela dit, au-delà du scandale sur l’exclusion des itinérants, il faut se questionner si c’est vraiment le rôle des bibliothèques publiques de jouer ce nouveau rôle de refuge de dernier recours.
Une bibliothèque est considérée comme un lieu ouvert à tous, peu importe l’âge, le sexe, l’origine. C’est un lieu qui permet de faire des découvertes, de se cultiver. Aussi de consulter internet si l’on n’a pas d’ordinateur. Le problème actuel ce n’est pas tant que les bibliothèques soient inclusives ou non, mais c’est qu’on leur demande de réparer les pots cassés des dernières décennies par nos gouvernements. On demande l’impossible aux bibliothécaires, qui doivent gérer des cas de toxicomanie ou de psychoses. Tout comme on demande toujours plus à de petits organismes communautaires sous-financés, qui paient leurs employés à peine plus que le salaire minimum.
Le gouvernement en ayant choisi la désinstitutionnalisation pensait faire un bon coup. Moins de patients à long terme dans les hôpitaux psychiatriques devaient diminuer les coûts pour le système. En se fiant sur la bonne volonté des gens de prendre leurs médicaments, à venir à leurs rendez-vous, on pensait avoir réglé le problème des asiles. Or, ce qu’on voit, c’est que plusieurs itinérants ont clairement de gros problèmes mentaux, de psychose, de schizophrénie, de consommation d’alcool ou de drogues. Parfois tout ça mélangé. Il est facile pour une personne de refuser les soins et de retourner dans la rue. Or, et si nous devions changer d’approche?
C’est l’hôpital qui devrait être en première ligne pour aider les personnes les plus vulnérables. Ou sinon les centres de thérapie pour les dépendances. Le gouvernement se lave les mains en laissant la patate chaude dans les mains de petits organismes indépendants ou encore des villes qui ne savent pas comment gérer de tels problèmes sociaux. La ville de Montréal s’avouait impuissante pour régler le problème de l’allée du crack qui intimide ses habitants. Or, comment une ville aussi riche peut-elle penser gérer la question de l’itinérance dans ses bibliothèques si elle n’est pas capable de faire respecter les règlements municipaux dans cette ruelle qui voient déambuler de nombreux consommateurs d’héroïne ou de fentanyl?
Ce qu’il faudrait revoir, c’est l’importance d’avoir des centres de jour ouverts toute la journée, qui offrent à la fois des douches, une laverie, un accès à internet et des travailleurs sociaux. Et également s’assurer que les gens soient soignés et fassent l’objet d’un suivi rigoureux après leur sortie de l’hôpital, qui ne devrait pas être automatique au bout de quelques semaines. Il s’agirait également de voir si la politique de réduction des méfaits des libéraux n’est pas justement en train de nuire davantage aux itinérants qu’elle ne peut les aider. Voilà, le débat est ouvert.