Les enjeux énergétiques ont pris le devant de la scène dans la dernière année. D’une part, la guerre en Ukraine a causé une crise énergétique majeure en Europe, qui était jusque-là fortement dépendante du gaz russe, et d’autre part, on a pris connaissance de la précarité énergétique du Québec, qui commencera à manquer d’électricité en 2027, qui ne peut déjà plus qu’accepter la moitié des demandes de branchement du secteur industriel et dont le réseau de distribution nécessite une importante rénovation. Cette réalité s’est présentée de manière si inattendue pendant la campagne de 2022 que de nombreux québécois refusent toujours d’y croire. Mais les faits sont là : après des décennies de surplus, le Québec commence à manquer sérieusement d’énergie.
Le gouvernement a beau présenter la chose comme une de ses priorités – en donnant notamment de vastes pouvoir au « super-ministre » Fitzgibbon – on remarque plutôt que sa priorité, c’est la décarbonation, dont les objectifs ambitieux aggravent la crise à venir. Loin de se donner les moyens d’éviter les pénuries annoncées, le gouvernement caquiste semble complètement obnubilé par sa transition verte, au point de mettre sérieusement à risque le développement du Québec pour les prochaines décennies.
C’est ainsi qu’au lieu de prioriser la construction de centrales, de barrages ou d’alternatives avérées telles que le gaz naturel, qui pourraient rapidement combler le déficit énergétique à venir, le gouvernement s’entête dans sa vision obtuse du tout-à-l’électrique, cherche à nous imposer l’austérité énergétique (qu’il nomme hypocritement « sobriété », comme si nous étions saouls et en tort), et met tous ses efforts pour promouvoir des technologies peu efficaces ou encore en développement comme les éoliennes, le solaire et les voitures électriques.
En fait, toute la politique énergétique de ce gouvernement ressemble à un gros cercle vicieux qui ne profite qu’aux actionnaires du capitalisme vert: les politiques radicales d’abandon drastique des voitures à essence et du bannissement du gaz naturel font en sorte qu’on se dirige vers un déficit énergétique. Pour combler ce déficit énergétique, le gouvernement annonce que de grands projets dans le secteur de l’énergie devront être mis en branle… Mais on insiste pour appliquer à ces projets les mêmes politiques de transition qui créent le problème en premier lieu!
Ainsi, dans la nécessité de construire de A à Z un secteur industriel qui tourne autour des voitures électriques, on perd le temps qui nous restait pour des projets de production d’énergie.
On nous a annoncé en grande pompe, en mai, la « vallée de la transition énergétique », entre Trois-Rivière, Bécancour et Shawinigan, un vaste un secteur qui sera dédié à l’innovation dans la filière des batteries, l’électrification des transports et la production d’hydrogène vert. Bien qu’on puisse se réjouir du développement économique dont bénéficiera la région, il faut quand même demeurer réaliste : le problème demeure entier.
Cette annonce était un bon coup de communication pour le gouvernement et une manière de donner l’impression qu’il est sur la bonne voie. Cela dit, produire des batteries et des voitures électriques ne produit pas, en soi, l’énergie dont nous aurons besoin pour les prochaines années. Pour ce qui est de l’hydrogène, c’est une très bonne chose, mais ça demeure une technologie encore très peu développée, et qui est carrément concurrente aux voitures électriques.
Au bout du compte, les investissements faramineux dans la filière des batteries – qui sont boostés par la concurrence internationale et particulièrement par les États-Unis dont on doit dépasser les promesses de financement – ne font que consolider la politique irréaliste et négligente d’interdiction drastique des voitures à essence qui nous plongera très bientôt dans les déficits énergétiques.
Pour ce qui est de la production d’énergie, le ministre Fitzgibbon s’est récemment montré « intellectuellement » ouvert au nucléaire, signe qu’on brasse pas mal d’idées dans son ministère… Au point de pelleter des nuages? On ne sait plus trop. Il faisait une tournée dans le nord, ces derniers jours, pour approuver le projet d’une première usine de biochar au Canada à Port-Cartier, et en profitait pour inviter les innus à lui proposer des projets éoliens et hydroélectriques. En est-il rendu à supplier les régions de monter des projets à sa place?
À ce stade, ce ne sont que des paroles, des propositions hypothétiques. Le gouvernement donne l’impression d’être proactif en investissant sans compter dans tout un tas de projets d’innovation tels que la filière des batteries, mais en ce qui a trait aux barrages et aux centrales, il semble encore être en mode « on va y penser ».
C’est une situation particulièrement frustrante compte tenu de l’énorme potentiel gazier du Québec, qui pourrait rapidement suffire à la demande, engranger d’importants bénéfices tout en soutenant nos alliés outre-mer.
Une autre possibilité, mise de l’avant par l’Institut Économique de Montréal dans un récent article, serait de permettre au privé – qui peut opérer des centrales de moins de 50MW – de vendre de l’énergie directement aux entreprises. En effet, on juge que le monopole d’Hydro-Québec sur la vente de l’électricité est un frein au développement de ces petites centrales, qui pourraient venir combler une part des demandes de branchement actuellement impossibles du secteur industriel :
«De par l’absence d’alternative à Hydro−Québec, les projets d’entrepreneurs qui seront refusés devront aller ailleurs pour que ceux−ci soient réalisés, déplore l’analyste en politique publique de l’IEDM, Gabriel Giguère, en entrevue. De permettre à des producteurs privés de vendre de l’électricité, ce serait très certainement une meilleure chose.»
Bref, qu’on ne se leurre pas ; c’est bien beau construire des batteries et ça touche certainement le secteur de l’énergie, mais ça ne produit pas de l’énergie pour autant et le problème demeure entier pour le Québec. En s’entêtant dans cette révolution verte radicale, nous nous dirigeons vers les pénuries énergétiques, et notre ministre de l’Énergie et du Développement, eh bien, il y pense. Il y pense même beaucoup… Mais comment il réglera le problème demeure flou.
Pendant ce temps, il claque la porte au nez d’une multitude d’acteurs du secteur énergétique – qui dépasse largement l’hydroélectricité, l’éolien ou le solaire – sous prétexte qu’ils ne sont pas dans le camp des gentils, dans le camp de la décarbonation, et il sacrifie la moitié des demandes de branchement pour le secteur industriel…
Elles commencent à nous coûter cher, ces batteries!