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Chicago, la police tire 96 coups de feu sur un homme de race noire: un George Floyd 2.0?

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Le 21 mars dernier, cinq officiers de la police de Chicago ont tué Dexter Reed, un homme de race noire de 26 ans, en tirant jusqu’à 96 balles lors d’un contrôle routier dans le quartier de West Garfield Park. Le dévoilement des images de caméras corporelles ayant capté la fusillade suscite l’indignation et ramène à l’avant-scène le débat sur la violence policière.

Selon le comité de surveillance du service de police de Chicago [COPA: Civilian Office of Police Accountability], cinq agents de Chicago affectés à une unité tactique du 11e district avaient arrêté Dexter Reed pour non-port de ceinture de sécurité.

Le Washington Post titre la nouvelle ainsi: «La police tire 96 coups de feu en 41 secondes, tuant un homme noir lors d’un contrôle routier». USA Today emploie un titre similaire. L’Associated Press n’évoque pas la question raciale dans son titre, mais parle d’un « contrôle routier meurtrier à Chicago, où la police a tiré 96 coups de feu, soulève de sérieuses questions sur le recours à la force ». Du côté de TVA, on peut lire en gros titre que «des policiers tirent 96 fois sur la voiture d’un suspect qui n’avait pas sa ceinture de sécurité». Sans vouloir en minimiser le drame humain, il est difficile de ne pas constater dans le traitement médiatique une manœuvre pour transformer l’affaire Dexter Reed en événement George Floyd 2.0.

Ces titres occultent un des éléments cruciaux de cette fusillade, sinon le facteur principal: Dexter Reed a ouvert le feu sur les policiers le premier, tirant une dizaine de projectiles en leur direction. L’un des policiers a d’ailleurs été atteint au poignet. Avant de débattre sur l’excessivité du nombre de tirs policiers, il faut comprendre que les officiers n’avaient pas le choix que d’ouvrir le feu. Règle de base pour se tirer vivant d’un contrôle routier: ne pas tirer sur les agents de police.

Comme entrée en matière, Jennifer Hassan du Washington Post évoque la dernière fois où Nicole Banks, la mère de Dexter Reed, a vu son fils vivant. «Maman, je sors faire un tour», lui aurait-il dit. «Il ne faisait que se promener dans sa voiture […] Ils l’ont tué» a déclaré la mère en pleurs au réseau FOX 32 Chicago. La mort tragique de son fils est certainement atroce, mais ce n’est pas une façon factuelle et honnête de présenter la nouvelle d’un point de vue journalistique. Advenant que des braqueurs de banque soient abattus par la police durant un hold-up, les médias devraient-ils commencer leurs articles en présentant les mères en sanglots?

Le Washington Post rapporte que le véhicule de Reed a été appréhendé parce qu’il ne portait pas sa ceinture de sécurité. Il poursuit en relayant que «la COPA a déclaré que son examen des images et des rapports initiaux « semblent confirmer que M. Reed a tiré en premier », touchant un officier tandis que quatre autres ont riposté». Il y avait un emploi du conditionnel dans le rapport de la COPA, et c’est évidemment cette portion de phrase qui est citée. Pourtant, en visionnant les vidéos, il est évident que Reed tire plusieurs coups avant que soit déclenché l’assaut des policiers.

Si un individu ouvre le feu sur un groupe de policiers armés, il sera inévitablement tué. Le nombre de balles tirées par les policiers ne change rien au résultat, ni à la cause.

Pour illustrer son article, le Washington Post a choisi une photo de Dexter Reed prise le jour de sa graduation en compagnie de sa mère et de sa soeur. On peut se demander pourquoi ne pas avoir choisi une photo plus récente. Après tout, Reed avait 26 ans le jour de sa mort. Une toque de graduation inspire davantage de sympathie qu’une photo d’identité judiciaire.

Parce que le Washington Post omet complètement de mentionner les deux récentes arrestations de Dexter Reed en avril, puis en juin 2023, qu’on peut toutefois trouver sur le site du Département de Police de Chicago. Le poste local de NBC rapporte que les archives judiciaires du comté de Cook [dont Chicago est le siège] montrent qu’au moment de la fusillade, Reed était en liberté provisoire après avoir été inculpé en 2023 pour usage illégal aggravé d’une arme et pour possession d’une arme à feu avec une carte FOID [Firearm Owner’s Identification] révoquée. Il avait comparu devant le tribunal quelques jours avant la fusillade et devait comparaître à nouveau pour une audience de mise en état en avril. Les individus qui sont tenus de se présenter devant la justice ne méritent évidemment pas la mort. Reste que les déboires de Reed avec la justice auraient été plus pertinents à rapporter que son amour pour le basketball, la cuisine et les loisirs en famille, éléments auxquels se limite le portrait dressé par l’article de Jennifer Hassan. On peut d’ailleurs se demander si l’affaire n’est pas, à sa base, davantage qu’un simple contrôle routier.

La conclusion montre une volonté d’instrumentaliser l’affaire pour raviver la flamme Black Lives Matter: on rappelle les noms de plusieurs Noirs américains tués par la police, dont Tire Nichols, Breonna Taylor et George Floyd avant de clore avec une citation d’Andrew Stroth, l’avocat de Dexter Reed: «Combien de jeunes hommes noirs et bruns doivent encore mourir avant que cette ville ne change?».

L’article rappelle aussi les statistiques des fusillades mortelles par la police aux États-Unis: il y a eu au moins 9 497 personnes tuées par la police depuis 2015. On renvoie le lecteur à la base de données publiée par le Washington Post, dont les chiffres sont exacts, mais la représentation graphique trompeuse. Avec des colonnes de largeurs inégales, le tableau donne l’illusion qu’il y a davantage de Noirs que de Blancs ou d’Hispaniques à être abattus par la police, alors qu’au total, il y a eu 4273 Blancs, 2230 Noirs et 1540 Hispaniques tués par la police aux USA depuis 2015. La population noire est certes surreprésentée, mais il faudrait considérer l’ensemble des facteurs socio-économiques si on cherche véritablement à remédier à la situation. 67% des Noirs de moins de 18 ans vivent dans un foyer dont le père est absent aux États-Unis – en contraste avec 24% chez leurs homologues Blancs. Il y a aussi la culture hip-hop qui glorifie la violence et le gangstérisme.

La brutalité policière doit-être dénoncée s’il y a lieu, mais il n’y a aucune raison de la compartimenter. Surtout qu’il y a des policiers noirs impliqués dans la mort d’individus noirs. Un des cinq officiers dans l’affaire Reed est d’ailleurs de race noire.

Tandis que les Noirs délaissent le Parti Démocrate dans des proportions jamais vues, raviver la flamme BLM pourrait aider Joe Biden en freinant l’hémorragie. Un récent sondage du New York Times/Siena College montre que le soutien à Donald Trump parmi l’électorat noir est passé de 4% à 23% en 4 ans.      

Pour en revenir à l’article du Washington Post, un décodeur ne devrait pas être requis pour décrypter le réel dans un article de la presse mainstream. Il ne devrait pas falloir faire de recherches afin de trouver les compléments d’information indispensables pour dresser le plein portrait de la nouvelle. Mais pourtant…

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