Le Bloc Québécois a véritablement créé une crise au sein du mouvement plutôt large que forment les “Bleus”. Avec le choix de refuser la motion conservatrice de renverser Trudeau, il a créé deux camps dans le discours public. Le premier, proche de l’establishment bloquiste, appuie la décision du Bloc de maintenir Trudeau au pouvoir afin d’aller soutirer des gains pour le Québec, et l’autre fort critique de cette décision, est enragée après le Bloc, le désignant d’allié libéral.
Si l’opinion publique est fermement divisée sur le sujet, le Bloc semble tout de même plutôt uni derrière la décision d’Yves François Blanchet. On pourrait attribuer cela au modèle “Le chef décide” de notre système parlementaire britannique, mais s’il y avait une véritable dissidence au sein même du Bloc, il est raisonnable de croire que l’on en aurait entendu parler.
Pourtant, il doit sûrement y avoir des dissidents indépendantistes? Comment se fait-il que les indépendantistes soient seulement représentés par des Sociaux-démocrates à Ottawa?
Pour mieux comprendre la dynamique au sein du Bloc, j’ai décidé d’accorder une entrevue à Samuel Lamarche, candidat du Bloc Québécois dans la circonscription de Lévis-Lotbinière en 2019. Samuel est ouvertement critique du Bloc sur les réseaux sociaux et s’inscrit plutôt dans la ligne conservatrice de l’indépendance.
VB : Quel a été votre parcours au Bloc Québécois?
Samuel Lamarche : J’ai commencé à m’impliquer au Bloc environ en 2019 avec un bon ami qui avait déjà été candidat et qui comptait être à nouveau candidat aux prochaines élections. La vie étant parfois drôlement faite, alors que je devais être son directeur de campagne, un candidat poussé par le parti s’est présenté dans la circonscription et mon ami s’est retrouvé à être son directeur de campagne et je me suis retrouvé candidat dans mon comté local de Lévis-Lotbinière.
J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs bénévoles dévoués, des patriotes et des personnes ayant contribué toute leur vie à l’indépendance. J’ai beaucoup de respect pour ces individus qui m’ont aidé dans ma campagne.
C’est plutôt la structure ultra centralisatrice de la politique moderne, une politique que je nomme la politique des rois soleils où tout tourne autour du chef, de ses communications et où les candidats n’ont aucune autonomie sauf de choisir l’itinéraire du porte à porte, qui m’a dégoûté.
VB : Est ce que le gauchisme rampant au Bloc est attribuable uniquement au leadership de YFB? Ou est-ce quelque chose de plus profond?
Samuel Lamarche : C’est quelque chose de plus profond, même si Yves-François Blanchet partait demain matin, le bloc continuerait d’être un parti de gauche. Le programme électoral de la dernière élection était résolument de gauche et avait plusieurs incohérences. D’un côté on demande une péréquation verte, la sortie du pétrole canadien, mais de l’autre on s’oppose au programme nucléaire canadien, l’un des meilleurs au monde.
D’autre part, je blâme en partie l’aile jeunesse qui est infiltrée par une cinquième colonne solidaire et profitant de son influence pour pousser des idées à mes yeux incompatible avec la nationalisme québécois. Racisme systémique, féministe intersectionnel, environnementalisme de décroissance, etc.
On a quand-même à l’heure actuelle une présidente de l’aile jeunesse qui a fait des études féministes à l’UQAM et qui écrit en « écriture inclusive » et qui refuse de faire le lien entre immigration massive et crise du logement préférant blâmer le manque de logement social.
VB : Qu’est-ce qui vous a fait quitter le Bloc? Un événement en particulier?
Samuel Lamarche : Il n’y a pas d’événement en particulier qui m’a fait quitter ; c’est plutôt une accumulation de d’assiettes de couleuvres que je devais avaler qui m’a fait quitter. Le Bloc comme le PQ se targue d’être une coalition de tous les horizons visant l’indépendance, mais dans les faits, un groupe en particulier finit toujours par être celui qui doit se compromettre sur ses valeurs au nom de l’indépendance.
Or, pour qu’une coalition fonctionne, les compromis doivent venir des deux côtés et le Bloc en particulier ne respecte pas ce contrat politique. C’est encore plus insultant quand on considère que le Bloc a des racines conservatrices très fortes et la déclaration de monsieur Blanchet sur le conservatisme et les valeurs québécoises ne vient en rien rassurer les conservateurs indépendantistes.
Cette instrumentalisation des « valeurs québécoises » alors qu’au même moment on supporte une définition toujours plus large de la nationalité québécoise au point de la vider de toute substance me fait très peur, car j’ai l’impression qu’à force d’être dans le Canada multiculturaliste nous sommes graduellement contaminé par ce virus intellectuel.
VB : La décision d’YFB de soutenir le gouvernement Trudeau en a laissé beaucoup perplexe. Qu’est-ce qui motive cette décision selon vous?
Samuel Lamarche : Il y a deux façons de voir cette décision. Premièrement, le Bloc, dans un contexte de gouvernement minoritaire, a davantage la capacité d’utiliser la situation pour faire des gains. Certains appellent ça du chantage, j’appelle ça un levier de négociation. Le problème à mon avis c’est que le bloc aurait dû attendre que le NPD annonce publiquement sa position, car dans les faits, le NPD bluffait et le Bloc n’aurait pas eu à porter l’odieux de maintenir Trudeau au pouvoir et a offert une porte de sortie à Jagmeet Singh.
La deuxième façon de voir la situation c’est que clairement monsieur Blanchet et monsieur Poilievre ne s’aiment pas, leurs échanges en chambre et sur les médias sociaux sont beaucoup dans la confrontation. Les sondages mettent le PCC avec plus de 200 sièges sur 338, ce qui rend l’opposition impuissante et diminue fortement la capacité du bloc à négocier, surtout lorsque les deux chefs n’ont aucun atomes crochus. Il préfère donc garder Trudeau, un homologue qu’il juge plus « parlable » qu’un chef conservateur avec un mandat très fort et risquant de simplement ignorer l’opposition.
VB : Selon les sondages récents, si le PLC continue de dégringoler, le Bloc pourrait se retrouver comme opposition officielle contre le PCC. Sur quels sujets penses-tu que l’opposition bloquiste fera combat au futur gouvernement Poilievre?
Samuel Lamarche : Clairement le Bloc va s’opposer à tout projet de loi développant le secteur pétrolier et l’abolition de la taxe carbone, surtout si un pipeline était prévu au Québec par le PCC. Je crois aussi que le bloc va s’opposer à certains projets de loi sur le logement pour des raisons de compétences provinciales.
Dans les faits, si le parti conservateur l’emporte avec une aussi forte majorité, tous les partis d’opposition se retrouveront relativement inutiles.
VB : Les indépendantistes de droite se trouvent un peu coincés par la situation politique actuelle. Quel est ton conseil pour eux?
Samuel Lamarche : Personnellement, j’ai tenté l’avenue du Parti conservateur du Québec, mais après quelques années, j’ai réalisé que c’était un cul de sac et que le parti n’avait aucun désir réel d’être un véritable parti bleu. Au niveau fédéral, je suis actuellement un spectateur et je crois offrir mon vote au PCC pour des raisons principalement fiscales. Le Québec à tout intérêt à voir le Canada avoir des budgets équilibrés et réduire sa dette, car nous voulons, advenant des négociations pour la séparation ne pas obtenir une dette trop lourde.
D’autre part, en attendant l’indépendance, je subis encore les politiques du gouvernement Trudeau et ces politiques s’appauvrissent et m’empêchent d’avoir accès à la propriété, j’ai donc un intérêt personnel à voter pour mettre fin à ces politiques.
Je ne vois pas vraiment de solutions à court terme pour les indépendantistes de droite. Les institutions des deux principaux partis sont occupées par des gens de gauche, le leadership des deux partis est occupé par des individus de gauche et il n’existe présentement aucun appétit à l’interne pour mieux nous intégrer.
Je crois que notre meilleur avenue est la création de contenu. L’exemple de Philippe Lorange, Étienne-Alexandre Beauregard et David Santarossa me viens en tête. En créant un contenu indépendantiste de droite en passant outre les partis politiques, nous parvenons mieux à faire véhiculer nos idées et potentiellement augmenter suffisamment notre nombre pour ensuite devenir une véritable force politique.
VB : Si tu pouvais changer une chose au Bloc, ça serait quoi?
Samuel Lamarche : À mes yeux, le bloc devrait cesser de vouloir obtenir des gains sur des programmes fédéraux et de voter pour augmenter le pouvoir du gouvernement fédéral sur nos vies. Je n’ai jamais compris pourquoi le Bloc désire maintenir la taxe carbone alors que le gouvernement du Québec est allé jusqu’en cour suprême pour défendre sa compétence avec sa bourse carbone. Je n’ai jamais compris pourquoi le bloc a voté pour le projet de loi sur le contenu numérique alors que dans les faits nous devrions travailler à démanteler toutes les institutions canadiennes ayant autorité sur des compétences pour lesquelles le Québec aurait intérêt à contrôler.
Le Bloc devrait lutter pour l’abolition du CRTC ou sa castration, pas pour augmenter ses pouvoirs, il devrait lutter pour réduire chaque leviers fiscaux du fédéral pour forcer la bête au régime et à s’affaiblir.
Le fédéral ne s’est pas gêné avec le plan B, après le référendum de 95, nous devrions cesser d’être bon enfant et lutter à armes égales. Ce pays n’est pas le nôtre nous ne devrions avoir aucun scrupule de tout faire pour faire des gains et l’affaiblir.
Merci pour l’entrevue, Samuel.
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J’ai souvent été très critique d’Yves François Blanchet et de son leadership du Bloc. Mais la réalité que révèle Samuel est que le problème est bien plus profond.
L’héritage de gauche de l’indépendance du Québec joue certainement un rôle, mais encore aujourd’hui, avec la nouvelle gauche, les militants gauchistes pour l’indépendance ne militent pas pour que le Québec devienne une nation, mais plutôt pour que le Québec soit un renouveau progressiste. Le Canada aura beau être aussi progressif qu’il peut l’être, il ne se débarrassera jamais de ces éléments plus conservateurs, incarnés par l’Ouest Canadien, souvent diabolisés par les souverainistes. Cette prise d’otage du mouvement nationaliste est bien représenté en cette « présidente de l’aile jeunesse qui a fait des études féministes”. Militez pour vos petites causes comme vous le voulez, mais n’utilisez pas l’indépendance comme couverture. Il n’est pas ici question de mettre un barème sur quelles positions doit-on tenir si on est indépendantistes, mais plutôt, que militer pour l’indépendance soit….pour l’indépendance et non pas un véhicule pour les niaiseries progressistes de la journée. Comme imposer une taxe carbone au Canada Anglais par exemple.