D’après un article de Cyril Widdershoven, Oilprice.com, publié le 18 mai 2025.
Alors que l’Égypte subit une vague de chaleur précoce avec des températures dépassant les 40°C, sa crise énergétique s’aggrave dangereusement. Dans un article approfondi publié par Oilprice.com, Cyril Widdershoven explique que le pays est de nouveau confronté à une pénurie marquée de gaz naturel, alors même qu’il aspire à devenir un pôle énergétique régional. Face à une demande d’électricité en forte hausse — principalement due à la climatisation —, le gouvernement égyptien multiplie les mesures d’urgence pour éviter des pannes massives du réseau.
Un paradoxe énergétique au cœur du désert
Cyril Widdershoven souligne que malgré ses ambitions affichées d’exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe et d’autres marchés, l’Égypte peine à satisfaire ses propres besoins domestiques. Cette contradiction met en lumière un déséquilibre entre les objectifs géopolitiques du pays et la réalité de ses capacités énergétiques internes, entravées par une croissance économique atone, des problèmes de financement et un désintérêt croissant des investisseurs étrangers.
La production gazière, autrefois prometteuse, ne tient pas ses promesses. Le champ offshore géant de Zohr, fleuron du secteur, est confronté à des difficultés techniques persistantes. Parallèlement, d’autres gisements n’ont pas encore livré les volumes attendus, aggravant une situation déjà tendue.
Le Qatar, sauveur stratégique du Caire ?
Pour faire face à ces carences, le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi accélère les négociations en vue de conclure un accord de long terme avec le Qatar pour l’importation de GNL. Widdershoven rapporte que des discussions avancées ont eu lieu entre le ministre égyptien du Pétrole, Karim Badawi, et son homologue qatari, Saad bin Sherida Al-Kaabi. Le quotidien Al-Ahram, proche du pouvoir, indique que Le Caire espère une conclusion rapide de cet accord.
Dans le cadre de ces négociations, l’Égypte propose même au Qatar de nouvelles opportunités d’investissement dans ses secteurs pétrolier et gazier, en amont comme en aval. Selon les informations relayées par Oilprice.com, QatarEnergy pourrait accroître sa participation dans plusieurs blocs offshore en Méditerranée — Nefertari, Masry et Cairo — en partenariat avec ExxonMobil. L’entreprise qatarie vient également de sécuriser une part du bloc offshore North El Dabaa, aux côtés de l’entreprise nationale égyptienne EGAS et de la multinationale Chevron.
Un gaz israélien en suspens
La situation énergétique égyptienne est d’autant plus délicate que les livraisons de gaz israélien prévues pour la mi-mai sont suspendues. Selon Watan, un média local cité par Widdershoven, Israël réclamerait de meilleures conditions tarifaires avant d’activer son contrat d’exportation de 200 millions de pieds cubes par jour. Un revirement inattendu, surtout après l’achèvement d’un important projet d’infrastructure : un pipeline de 46 km reliant les installations offshore israéliennes aux terminaux égyptiens via Arish.
Ce projet devait permettre d’augmenter les importations quotidiennes israéliennes vers l’Égypte de 1,0 à 1,2 milliard de pieds cubes, contribuant à alimenter les complexes de liquéfaction d’Idku et de Rosetta, destinés à l’exportation. La suspension des livraisons compromet donc directement la capacité de l’Égypte à tenir ses engagements à l’international.
Des mesures d’urgence pour éviter le blackout
En réponse à l’urgence, Le Caire tente de sécuriser 14 cargaisons de GNL supplémentaires ce mois-ci, auprès de fournisseurs européens et américains, avec des conditions de paiement différées. La nécessité de ces importations s’est accentuée après qu’Eni — la société italienne opérant le champ de Zohr — a annoncé ne pas pouvoir livrer les volumes supplémentaires attendus avant août 2025, au lieu d’avril.
Toujours selon Widdershoven, l’Égypte devra lever près de 7 milliards de dollars pour financer l’achat de 155 à 160 cargaisons de GNL sur l’année 2025, avec un plafond de prix ambitieux fixé à 14 dollars par MMBtu. Ce seuil semble difficile à maintenir, même dans un contexte de prix mondiaux du GNL en léger recul.
Le retour du fioul lourd : une solution temporaire à fort coût écologique
Dans un virage surprenant, Le Caire relance aussi l’utilisation du fioul lourd pour la production d’électricité — une pratique courante au début des années 2000, mais largement abandonnée pour des raisons environnementales. L’Égyptian General Petroleum Corporation (EGPC) vient de lancer un appel d’offres pour l’achat de 2 millions de tonnes de fioul à livrer en mai et juin. Face à un gaz naturel coûteux et instable, cette source d’énergie polluante est perçue comme un moindre mal à court terme, bien que fortement critiquée par les défenseurs de l’environnement.
Une dépendance énergétique persistante malgré les ambitions
Comme le résume Cyril Widdershoven, l’Égypte se trouve dans une position intenable : malgré sa volonté d’être un acteur énergétique majeur sur l’échiquier régional, elle dépend toujours fortement des importations pour assurer son approvisionnement intérieur. Les blocages techniques, les retards logistiques et les jeux géopolitiques complexifient encore la donne.
Alors que l’été ne fait que commencer, la survie énergétique de l’Égypte repose désormais sur des partenariats stratégiques, une diplomatie énergique et des compromis économiques douloureux.
Source principale :
Cyril Widdershoven, « Egypt is Scrambling For Cheap Oil and LNG as its Energy Crisis Deepens », Oilprice.com, 18 mai 2025.