Patrick Provost est professeur au département de Microbiologie, Infectiologie et Immunologie de L’Université Laval. Dirigeant depuis vingt an un laboratoire de recherche sur la biologie des ARN messagers, il intervient régulièrement dans les médias au sujet de l’éthique du milieu académique, par exemple dans des articles sur les financements universitaires privés, la nomination des recteurs, le devoir de réserve des universités, la consultation des experts par les médias, etc.
D’une franchise et d’une honnêteté académique peu commune, ses interventions créent souvent des remous dans le débat public.
En février dernier, par exemple, Radio-Canada avertissait le public qu’une émission d’affaires publiques sur le web dans laquelle il apparaissait pouvait contenir de « fausses informations »[1].
Mais ce sont ses récents propos dans un article publié par le Journal de Montréal et TVA Nouvelles intitulé « Le véritable portrait de la Covid-19 au Québec » et qui se montre critique du climat de peur installé dans la province qui ont déclenché une controverse dans les derniers jours.
Dans cet article, le professeur analyse les données pour calculer le taux de mortalité de la Covid-19 et affirme d’entrée de jeu que « Ce taux de mortalité est largement surestimé principalement (i) par l’inclusion, au numérateur, des décès avec, et non à cause de la Covid-19, apparemment aussi nombreux, et (ii) par l’exclusion, au dénominateur, des cas d’infections asymptomatiques ou non rapportées, plusieurs fois plus nombreuses que les infections symptomatiques rapportées. »[2]
Il enchaîne ensuite en affirmant qu’au regard des chiffres officiels de l’Institut de la statistique du Québec (INSPQ), « il n’y a pas eu de surmortalité toutes causes confondues depuis le début de la pandémie de Covid-19, sauf pour les personnes âgées de 70 ans […] » et que 90% de ces personnes âgées de 70 ans et plus avaient au moins deux conditions médicales préexistantes. En outre, « 69,2% des personnes décédées étaient âgées de plus de 80 ans, amenant l’âge moyen des personnes décédées avec ou de la Covid-19 au-delà de leur espérance de vie à la naissance »[3].
L’article poursuit ensuite une réflexion sur la légitimité des mesures sanitaires dans ces conditions épidémiologiques moindres et critique fortement le gouvernement et la politisation de l’enjeu. Il va ensuite jusqu’à critiquer la vaccination de toutes les tranches de la population, arguant que les données ne le justifiaient pas et que la majorité de la population n’était pas à risque.
De passage à Radio-X pour parler de l’article qui faisait déjà des vagues, il est alors interrogé par l’animateur quant aux possibles conséquences sur sa carrière universitaire de s’écarter ainsi du discours dominant :
X : Vous n’avez pas peur des répercussions que ça fait de décrire la réalité sur un papier? »
P.P. : « Euh… Bien ça, ça fait partie de l’intégrité, de l’engagement… Moi je me sens redevable envers la population et non pas envers l’Université Laval. Je suis reconnaissant de l’opportunité qu’ils m’offrent d’être employé, d’être prof à Laval, mais moi mon intérêt premier est le bien-être commun. »
Dans la semaine suivante, Le Journal de Montréal, le Journal de Québec et le site de TVA Nouvelles faisaient disparaître toutes traces de cet article sulfureux. Ce qui relança le débat de plus belle et redonna à l’article une seconde vie sur des plateformes alternatives.
Le dimanche suivant, on apprenait que le professeur Provost avait bel et bien été sanctionné par l’Université Laval pour des propos tenus en décembre dernier et était sujet à une suspension sans salaire de 8 semaines[4], créant cette fois des débats non pas simplement sur la liberté de parole et la censure dans les grands médias, mais aussi au cœur même des plus hautes institutions de savoir.
Joël Monzée, analysant la situation pour Libre Média, affirme en effet que « La science n’est science que parce qu’elle se remet en question » et que « force est de constater qu’en ce qui concerne la crise sanitaire, on prétend allègrement qu’il y a consensus scientifique »[5]. Or la défection du professeur Provost démontre bien que cela relève du mythe.
[1] De Rosa, N. « Juste pour savoir : de fausses informations sur la pandémie dans une vidéo virale ». Radio Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1863354/juste-pour-savoir-episode-1-les-scientifiques-elo-veut-eloise-boies
[2] Provost, P. « Le véritable portrait de la Covid-19 au Québec ». Libre Média. https://libremedia.ca/article/le-veritable-portrait-de-la-covid-19-au-quebec
[3] Idem.
[4] Cliche, J-F. « Un prof de l’Université Laval suspendu pour ses propos contre les vaccins anti-COVID ». Le Soleil. https://www.lesoleil.com/2022/06/26/un-prof-de-luniversite-laval-suspendu-pour-ses-propos-contre-les-vaccins-anti-covid-4a498600142c7461ffbd9c2352be1c36?fbclid=IwAR1F8svSDDH5pehoZnHAFkCC1cam3Q_F3LiF8XAH2lOSE1RjXpVoadqRDOY
[5] Monzée, J. « Texte retiré par Québécor : un geste éthique sur le plan scientifique? ». Libre Média. https://libremedia.ca/article/texte-publie-et-retire-un-geste-ethique-du-point-de-vue-de-la-science?fbclid=IwAR14KikWI5MgoE86O-dzkPtEKLwtTBMMdLiAwE_KQsQO0Pbo1r6Q7ubOlNA