Les Démocrates craignaient ce à quoi les Républicains s’attendaient: que Donald Trump ne fasse qu’une bouchée de Kamala Harris lors du débat télévisé. Or, la performance de la candidate Démocrate a étonné tout le monde: pas pour avoir été particulièrement étincelante, mais pour ne pas avoir été désastreuse. Elle s’en est tenue au script appris par cœur. Quant à Trump, il est resté fidèle à lui-même, revenant à maintes reprises sur l’invasion migratoire, mais sans livrer de tirades décapantes propres à son franc-parler.
Le débat n’a pas été une reprise du coup de grâce infligé à Joe Biden le 27 juin, et c’est tout ce dont la machine médiatique avait besoin pour promouvoir la popularité de la candidate de l’establishment. On peut s’attendre à ce que l’on présente des sondages triés sur le volet pour démontrer l’avance de Kamala Harris sur Donald Trump. La course, qui se joue dans 6 ou 7 états pivots, s’annonce effectivement serrée.
Le débat était organisé et animé par le réseau ABC, qui alimente la campagne de dénigrement anti-Trump depuis 9 ans. Il fallait s’attendre à une complaisance des modérateurs, David Muir et Linsey Davis, envers Kamala Harris. D’abord, en lui permettant de lancer des affirmations erronées sans lui opposer la moindre résistance. Kamala Harris s’en est donné à cœur joie, en répétant plusieurs fausses affirmations attribuées à Trump: la menace d’un « bain de sang » advenant qu’il ne soit pas élu, pour faire allusion à une guerre civile, alors qu’il faisait référence à l’effondrement des valeurs ou des marchés en lien à l’industrie automobile; et « les bonnes personnes des deux côtés » lors des événements d’août 2017 à Charlottesville, pour laisser croire que Trump cautionnait les groupes néo-nazis, alors qu’ils les avaient condamnés sans équivoque durant le même point de presse. Kamala Harris a également affirmé que Donald Trump était en admiration devant les dictateurs, parce qu’il rêvait lui-même d’en être un.
Harris a continué d’attribuer faussement « l’agenda 2025 » à Trump, alors qu’il s’agit d’une liste de souhaits élaborés par la Heritage Foundation, un laboratoire d’idées conservateur qui ne fait pas partie du Parti Républicain. Dire qu’elle s’est permis d’émettre une mise en garde contre les mensonges de Donald Trump…
La complaisance s’est aussi manifestée dans la sélection des thèmes abordés. Certains sujets qui auraient donné un avantage décisif à Trump, comme les soins « d’affirmation de genre » pour mineurs, ont été évités. L’appui de Kamala Harris aux revendications LGBTQ+ est sans équivoque. En 2020, elle s’était prononcée en faveur de politiques garantissant les soins médicaux pour la « transition de genre » [y compris les soins chirurgicaux], couverts par les fonds publics, pour les prisonniers fédéraux et les migrants en détention. L’intrusion d’hommes qui s’identifient en tant que femmes dans le sport féminin a fait du transgenrisme politique un débat de société qu’il n’aurait pas été superflu d’aborder.
Par contre, ABC a jugé bon de ramener sur le tapis les observations de Donald Trump, qui avait fait remarquer que Kamala Harris s’identifiait désormais comme noire, alors qu’elle s’identifiait jadis en tant qu’indienne. La candidate Démocrate a profité de l’occasion pour affirmer que Trump alimentait les divisions raciales: une gracieuseté des modérateurs, alors qu’il ne s’agit pas de programme politique.
Qu’en est-il des mensonges reprochés à Trump? Il fait rire de lui pour avoir dit que certains migrants mangeaient des animaux domestiques. Cette histoire provient en partie de la déclaration d’un résident de Springfield devant le conseil de ville. Il affirme avoir vu des migrants haïtiens attraper des canards pour les manger dans un parc municipal. L’affaire des animaux domestiques mangés provient quant à elle de séquences vidéo captées par les caméras corporelles de policiers – et ne semble pas reliée aux canards à Springfield. Rien ne démontre que des illégaux ont mangé des animaux de compagnie et Trump aurait pu [ou dû] s’abstenir d’amener cette affaire sur le tapis lors du débat, mais voilà de quoi il en retourne.
Pour le reste, Trump a dressé un homme de paille à partir de certaines positions de Kamala Harris et du parti Démocrate, par exemple, en lien au droit à l’avortement jusqu’à un moment proche de la naissance et au contrôle des armes à feu, mais il n’a rien fabriqué de toutes pièces. L’ancien gouverneur Démocrate de Virginie, Ralph Northam, avait effectivement tenu de tels propos lors d’une entrevue sur une proposition de loi sur l’avortement. Quant à Kamala Harris, elle s’était prononcée en faveur de l’utilisation du décret présidentiel pour interdire l’importation d’armes d’assaut, alors que Joe Biden considérait qu’un tel décret serait inconstitutionnel.
En plus d’avoir appuyé le mouvement de BLM lors des manifestations émeutières en appui à George Floyd, puis encouragé ses partisans à contribuer au Minnesota Freedom Fund pour aider à payer la caution de personnes en détention provisoire, Kamala Harris s’était montrée favorable au dé-financement de la police. Elle s’est également prononcée en faveur d’un réexamen du rôle de l’agence de police douanière et de contrôle des frontières [ICE] – et comme en témoigne son mandat en tant que gestionnaire de la crise frontalière, ce n’est pas avec l’intention d’en resserrer le contrôle.
Quand Donald Trump la présente comme une « marxiste », c’est une façon de signifier qu’elle se situe à la gauche du Parti Démocrate. Ce que confirme la sélection de Tim Walz comme colistier, qui en fait le ticket le plus à gauche de l’histoire du parti.
Trump a marqué quelques bons points, notamment en déplorant le fiasco du retrait militaire de l’Afghanistan et en comparant la situation internationale chaotique sous l’administration Biden au calme relatif de son premier mandat. Il a aussi rappelé qu’il avait réquisitionné 10,000 hommes pour assurer la sécurité au Capitole le 6 janvier 2021, mais que Nancy Pelosi, alors responsable de la sécurité, ne lui avait pas accordé. Son meilleur point aura été de bien faire comprendre que Kamala Harris est actuellement en poste et qu’il suffirait qu’elle en fasse la demande à Joe Biden pour qu’il ferme la frontière par décret.
À peine le débat terminé, la vedette Taylor Swift a endossé Kamala Harris par voie d’une publication sur son compte Instagram – un timing probablement calculé d’avance. Tout indique que la stratégie du camp Harris consistera prioritairement à courtiser l’électorat féminin.
Cette élection n’oppose pas le Parti Démocrate au Parti Républicain. L’ancien vice-président [sous George W. Bush] Dick Cheney et sa fille, l’ancienne représentante Liz Cheney, viennent d’endosser Kamala Harris. Donald Trump et le populisme MAGA affrontent l’establishment politique, la classe médiatique et l’élite artistique. Tous les efforts seront déployés pour lui entraver le chemin.