On apprenait en février que la renégociation des augmentations salariales du secteur publique représenterait une facture de 11,6 milliards sur 5 ans pour les contribuables, c’est donc sans surprise que le ministre des Finances dévoilait un budget déficitaire historique aujourd’hui. En fait, c’est à se demander si Éric Girard et la CAQ ont fait exprès pour en arriver exactement à un déficit de 11 milliards, histoire de prouver les prédictions pessimistes qu’ils faisaient lors de la grève.
À l’époque, les chefs syndicaux s’étaient insurgés des propos de Legault, qui affirmait que la renégociation des augmentations salariales (17,4 % en cinq ans) et des conditions de travail du secteur public était si coûteuse qu’elle occasionnerait nécessairement un déficit dans le prochain budget. Magali Picard, présidente de la FTQ, considérait cette affirmation « extrêmement maladroite » et déclarait que les augmentations de salaires ne seraient « absolument pas » responsables des éventuels déficits.
Selon les chefs syndicaux, la raison des déficits serait « les chèques-cadeaux aux contribuables, les diminutions d’impôt, les subventions et les investissements dans les entreprises privées ». Autrement dit, toutes les mesures visant à alléger le fardeau des contribuables et stimuler l’économie… Ça en dit long sur les priorités des syndicalistes.
Car on voit bien aujourd’hui que la grève du secteur public et les ententes conclues au terme des négociations sont la cause directe du déficit budgétaire québécois.
Il s’agit du plus gros déficit de l’histoire du Québec, à la nuance près qu’il est moins élevé que ceux des années 90 en proportion du PIB. Il réussit cependant à dépasser le déficit de 10,7 milliards des années pandémiques (2020-2021), qui avait au moins l’excuse d’être le fruit de circonstances exceptionnelles. Le gouvernement repousse donc l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire à 2029-2030.
On peut évidemment s’obstiner toute la nuit au sujet du modèle québécois qui offre un « panier de services », il n’en demeure pas moins que les Québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord et qu’il ne fait aucun sens de la part des syndicats de renvoyer la faute au gouvernement qui tente d’alléger ce fardeau. C’est d’ailleurs une bonne chose qu’il se refuse à augmenter les impôts à nouveau et tente plutôt de forcer les sociétés d’États et la fonction publique à « optimiser » ses opérations.
Il faut quand même se souvenir que l’une des principales promesses de la CAQ lors de sa création était de faire « du ménage dans l’État », or au lieu de couper dans la bureaucratie, sa taille a plutôt augmenté dans les dernières années. (7,6% pour la fonction publique et 1,7% pour les travailleurs de l’État).
C’est donc une bonne chose de tenter de forcer à plus de rigueur dans l’État et essayer de faire des économies là où ça compte, mais on ne peut s’empêcher d’avoir des doutes en ce qui a trait à Hydro-Québec, qui pourra difficilement réaliser des économies dans sa situation actuelle. On lui demande de multiplier les projets de centrales pour combler le déficit énergétique, elle a une tâche colossale de maintenance sur son réseau de distribution qui accumule les pannes, et cette année, elle enregistre des pertes de revenus historiques en raison d’un énorme déficit hydraulique.
On peut aussi critiquer les milliards en subventions aux entreprises lancés ces dernières années, notamment dans la filière des batteries, et accorder ce point aux syndicats, or la CAQ semble agir aussi à ce niveau en annonçant qu’ils évalueraient toutes les options sur la table pour réaliser des économies. Déjà, on annonce dans ce budget des coupures à certains programmes dont les rendements sont insatisfaisants. Par exemple, on ne renouvellera pas certains crédits d’impôts à des entreprises de technologies et pour des programmes de rétentions de main-doeuvre.
Dans ce même esprit, on annonce la fin progressive du programme « roulez vert », qui offrait des subventions de 5000$ à 7000$ à l’achat de voitures hybrides ou électriques. Dès 2025, ces subventions passeront à 2000$ et 4000$, et à partir de 2027, elles disparaîtront complètement. Mis en place en 2012 pour stimuler le marché émergent des voitures électriques, ce programme avait de moins en moins de raison d’être et coûtait de plus en plus cher aux Québécois. D’autant plus que les cas de fraudes, où des gens faisaient de la revente de voiture électrique simplement pour profiter des subventions, se multipliaient.
Bref, il s’agit d’un budget tristement prévisible qui met en relief les problèmes du « modèle québécois » ; en l’absence d’une réelle remise en question de la taille de l’état, et avec une caste syndicale toute-puissante qui demande toujours plus de ressources sur le dos des contribuables, il ne faut pas s’étonner qu’on repousse l’équilibre budgétaire aux calendes grecques.