Le 19 janvier dernier, un pianiste YouTubeur ayant l’habitude de se filmer en train de jouer sur des pianos publics au grand plaisir des passants a été confronté à une situation tout à fait étrange. En effet, un groupe de ressortissants chinois travaillant pour un média d’État de la République populaire de Chine – et donc de toute évidence membre du parti communiste chinois – ont commencé à le harceler pour lui demander d’arrêter de les filmer et de ne pas partager les séquences vidéos où on les voyait apparaître.
Tout au long de la séquence, Brendan Kavanagh tient son bout, rappelant au groupe qu’ils ne sont pas en Chine, que le Royaume-Uni est un pays libre et qu’il est tout à fait dans ses droits de filmer des vidéos en public. Ces commentaires lui vaudront des accusations de racisme de la part d’un homme dans le groupe, et la tension escaladera tellement qu’à un certain point, alors que Kavanagh touche le drapeau de ce qui semble être la femme que le groupe ne veut pas voir être filmée, l’homme lui hurle au visage de ne pas la toucher, et hurle qu’il « n’est pas du même âge », insinuant que le pianiste tenterait des attouchements.
Après de longues minutes à débattre avec le groupe, maintenant fermement que le Royaume-Uni est un pays libre et que ces gens ne peuvent pas le censurer comme s’ils étaient en Chine, le groupe décide d’appeler la police. Kavanagh accepte avec plaisir, se sentant tout à fait confortable que les policiers viennent constater tout le ridicule de la situation.
Or, dans un revirement inattendu, l’une des policières se met à moraliser Kavanagh comme s’il avait quelque chose à se reprocher, et va même jusqu’à lui dire que d’affirmer qu’ils ne sont pas en Chine communiste, « Ça ne se dit pas ». Ce à quoi Kavanagh répond, éberlué, qu’il ne s’agit que d’une affirmation factuelle.
La situation est rapidement devenue virale sur le web la semaine dernière, au point de devenir un immense phénomène de mobilisation contre les prédations de la République populaire de Chine à l’étranger. Kavanagh a été invité sur plusieurs plateaux de télévision pour en parler, et malgré des menaces de mort contre lui, a multiplié les apparitions publiques autour du piano en question, s’accompagnant parfois de peluches de Winnie l’Ourson, un personnage de dessin animé qui avait fait les manchettes dans les dernières années lorsqu’il avait été interdit en Chine en raison des comparaisons moqueuses que des gens faisaient entre lui et Xi Jinping, le président de la Chine.
À un certain point, le piano en question a même été bloqué d’accès au public, démontrant une tendance inquiétante des autorités britanniques à s’écraser face à des pressions étrangères ou des accusations d’insensibilité culturelles.
Cet évènement met en relief beaucoup de phénomènes sociaux actuels. D’abord, il s’agit d’un effet Streisand évident, c’est-à-dire une situation où, en cherchant à empêcher la publication d’une image ou d’une vidéo, on attire parfois beaucoup plus d’attention sur l’image ou la vidéo en question. Brendan Kavanagh le souligne bien en disant que cet homme voulait l’empêcher de le filmer, or il se retrouve désormais une « star de YouTube ».
Aussi, les arguments utilisés par les ressortissants chinois et la réaction des autorités britanniques démontrent bien une tendance malicieuse et grandissante de la Chine à utiliser l’obsession du politiquement correct en occident pour tenter de manipuler les occidentaux et l’opinion public. C’est d’ailleurs un point qui est soulevé par Eric Kaufmann, un professeur de science politique canadien enseignant à l’Université de Londres, qui était invité sur le plateau The Indepedent Republic of Mike Graham en même temps que Kavanagh. Selon lui, la Chine utilise des arguments semblables lorsqu’elle accuse le Canada de génocide autochtone à la moindre critique de son traitement des Ouïghours.
Quoi qu’il en soit, ce choquant épisode s’est transformé en une mobilisation massive et des manifestations de solidarité partout dans le monde. Les peuples libres du monde déclarent vouloir se tenir les coudes face à ces manifestations d’autoritarisme étranger sur leurs terres, et ça fait du bien à voir!