D’après un article de Terry Newman publié dans le National Post le 30 mai 2025
Dans un article publié dans le National Post, Terry Newman rapporte qu’un groupe croissant de professeurs universitaires canadiens accuse l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (CAUT) d’avoir trahi sa mission première. Selon ces universitaires, l’association, censée défendre la liberté académique et les conditions de travail des enseignants du postsecondaire, aurait sombré dans un activisme idéologique nuisible à ses propres membres.
Une lettre ouverte adressée à la présidente du CAUT, Robin Whitaker, et à son comité sur la liberté académique et la permanence, a commencé à circuler cette semaine. Jeudi soir, elle comptait déjà 165 signatures de professeurs et chargés de cours, actuels ou retraités, de partout au Canada — de la Colombie-Britannique jusqu’à Terre-Neuve. Tous dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une politisation excessive de l’association.
Terry Newman explique que, depuis sa fondation en 1951, le CAUT s’était donné pour mission de défendre les droits fondamentaux du corps professoral : salaires, congés sabbatiques, liberté académique. Il représente aujourd’hui environ 75 000 membres dans plus de 130 établissements canadiens. L’association s’est progressivement impliquée dans des dossiers comme la propriété intellectuelle, les conditions des travailleurs contractuels, et la négociation collective.
Mais en 2025, les critiques estiment que le CAUT est allé bien au-delà de sa vocation initiale. L’organisation se présente désormais comme un défenseur mondial des droits de la personne et s’allie à des partenaires internationaux pour mener des campagnes, notamment en faveur de l’« indigénisation » des établissements et de la « justice pour tous ».
Une des préoccupations centrales de la lettre est l’appui du CAUT aux embauches basées sur des critères d’équité, jugées incompatibles avec l’autonomie professorale. Traditionnellement, les décisions d’embauche sont prises par les départements eux-mêmes, et non par les administrations. En intervenant dans ce domaine, selon les signataires, le CAUT favorise une centralisation qui met en péril la liberté académique.
Autre sujet de discorde : un avis publié par le CAUT en avril 2025 déconseillant aux universitaires de se rendre aux États-Unis pour des motifs non essentiels. Le CAUT justifie cette recommandation par des risques accrus pour les chercheurs, notamment des fouilles à la frontière pouvant compromettre la confidentialité des travaux ou la liberté académique. Parmi les personnes vulnérables, l’association mentionne les personnes transgenres, les critiques du gouvernement américain et les chercheurs travaillant sur des sujets jugés sensibles.
Mais, comme le rapportent Terry Newman et la lettre ouverte, cet avis n’est basé sur aucune donnée concrète, va bien au-delà des recommandations officielles du gouvernement canadien, et semble refléter une posture politique anti-Trump. Les signataires dénoncent le deux poids, deux mesures du CAUT, qui n’a émis aucun avertissement similaire pour d’autres pays pourtant plus répressifs — y compris l’Iran, où la professeure Homa Hoodfar avait été emprisonnée pendant 112 jours en 2016 sans que cela ne mène à une alerte formelle de l’association.
Les critiques s’étendent aussi au rapport de mars 2025 du CAUT sur la liberté académique postérieure au 7 octobre 2023, date des attaques du Hamas contre Israël. Le rapport se concentre presque exclusivement sur les cas de répression de discours pro-palestiniens. Il ne recense que trois exemples de censure de voix pro-israéliennes, et repose sur des cas médiatisés ou signalés à l’association, ce qui fausse, selon les critiques, la représentativité des résultats.
Le cas du chargé de cours Yanise Arab, de l’Université de Montréal, est aussi évoqué. Ce dernier avait été filmé criant « Retourne en Pologne » à des étudiants de Concordia. Le CAUT affirme que l’enregistrement est « peu clair » et omet de mentionner qu’il avait aussi dit « sharmuta », une insulte arabe. Pour les signataires, cette omission est révélatrice d’un biais.
Rachel Altman, professeure à l’Université Simon Fraser, explique à Terry Newman qu’elle est contrainte d’être affiliée au CAUT via son syndicat. Elle déplore que ses cotisations servent à financer des activités contraires à ses valeurs et au mandat initial de l’association. Elle n’est pas la seule : la lettre ouverte appelle à retirer le rapport en question, à justifier le bien-fondé de l’avertissement contre les États-Unis, et à renoncer aux recommandations en matière d’embauches équitables.
Enfin, les signataires recommandent que le CAUT adopte une posture de neutralité inspirée de celle de l’Université Harvard : ne pas émettre de déclarations officielles sur des sujets qui ne touchent pas directement à la mission universitaire. Plusieurs universités canadiennes, dont Toronto, Waterloo et le Nouveau-Brunswick, ont déjà adopté une politique semblable.
Terry Newman conclut en suggérant que le CAUT doit retrouver une certaine rigueur et se recentrer sur ses priorités fondamentales : défendre les droits de ses membres, sans devenir une plateforme idéologique.