Cela fait plus de cinq ans que nous avons vécu la première grande pandémie de notre histoire contemporaine. Nous continuons à en subir les conséquences au quotidien. Inflation, coût du logement, des intérêts, commerces en difficulté, le portrait n’est vraiment pas rose. En ville, il faut voir la quantité de commerces qui ferment. Les centres-villes laissés à l’abandon. Un bien triste spectacle.
Un cas très spécifique : le marché de l’occasion à Sherbrooke. Dans la reine des Cantons-de-l’Est, il y a plusieurs boutiques qui vendent des livres ou des objets d’occasion. Certaines de type grandes ressourceries, où l’on trouve de tout, des jouets pour enfants aux outils et aux meubles, jusqu’à de petites boutiques de vêtements de seconde main.
On pourrait se dire que le secteur va bien en raison de l’inflation. Mais pas du tout. Trois librairies sont fermées, ou vont fermer bientôt, pour des raisons économiques. La raison ? La difficulté de compétitionner avec les réseaux sociaux et la vente en ligne. Pourquoi payer 5 $ pour un livre en boutique lorsqu’il y a du choix à 1 $ sur Marketplace ?
Les gens n’ont plus d’argent à investir dans les petits plaisirs, dont la lecture. Ils privilégient l’essentiel : payer le loyer, la nourriture, l’électricité, le gaz. Donc, les sorties au cinéma, les livres en librairie, les spectacles, les restaurants, les voyages sont relégués en bas de la liste des priorités. Et cela se manifeste même dans les friperies.
Un magasin d’occasion connu à Sherbrooke va peut-être devoir licencier des employés, car les ventes ne sont pas au rendez-vous. Pourquoi ? Les gens préfèrent maintenant acheter et surtout vendre sur Marketplace. Au lieu de simplement faire des sacs à donner aux organismes locaux, ils vont maintenant essayer de vendre leurs vêtements en ligne.
Dans les ventes de garage, on retrouve de plus en plus de vêtements d’occasion. Cela est mauvais signe. Car normalement, les vêtements étaient donnés à des comptoirs. Cela rappelle les gens qui vendent des objets usagés du quotidien dans la rue des pays de l’ex-URSS ou en Chine. Une façon de gagner un petit complément de revenu, pour mieux affronter la crise avec une petite pension.
Résultat ? Les gens donnent moins, donc les friperies se retrouvent avec moins de choses à vendre. Donc, moins de clients intéressés par des prix qui ont également explosé dans l’usagé. C’est un cercle vicieux. Les prix augmentent en raison de la hausse des coûts et d’un possible appât du gain à court terme. Mais les clients n’en peuvent plus. Donc, ils n’achètent plus.
Les librairies à Sherbrooke étaient nombreuses il y a quelques années. Mais bientôt, ça sera de l’histoire ancienne. Il faut dire que les habitudes culturelles changent, et que les gens lisent moins qu’avant, en raison de la prolifération des distractions en ligne. C’est un beau secteur et une façon de faire vivre le patrimoine, mais les gens passionnés sont peu nombreux et se donnent corps et âme pour ce qu’ils aiment.
Nous pourrions également parler des vendeurs de voitures, des magasins de luxe offrant du café hors de prix, des restaurants gastronomiques. Mais à voir l’état d’un secteur où les prix n’étaient pas censés être une barrière à quiconque s’effondrer devant nos yeux devrait nous interpeller. Les gens ne sont pas à blâmer dans cette histoire : face à une hausse du coût de la vie, ils n’ont pas le choix de couper ailleurs que dans l’essentiel. Et ils s’organisent autrement pour essayer de profiter un peu de la vie.