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Fitzgibbon en crise de victimite?

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Dans la foulée des controverses entourant la construction de l’usine Northvolt, en Montérégie, le ministre de l’Énergie et du développement Pierre Fitzgibbon a écrit une lettre ouverte dans le journal La Presse pour vanter la filière des batteries et déplorer l’attitude des militants et des médias qui créeraient, selon lui, un « climat de méfiance » au Québec. Bien qu’il ait raison au sujet de la tendance des Québécois à entraver leur développement par des blocages juridiques et réglementaires, il y a néanmoins quelques malhonnêtetés dans l’analyse du ministre de l’Énergie.

D’abord, répondons d’entrée de jeu à la principale critique qui émane de la lettre de M. Fitzgibbon : il a critiqué les médias en disant qu’ils étaient parfois plus militants que les militants eux-mêmes et les a accusé de créer de la méfiance dans la population.

C’est une critique curieuse, puisqu’elle tend à mettre l’ensemble des critiques dans le même panier militant. Or, les détracteurs ne vont pas tous dans le même sens et viennent d’une pluralité de milieux de la société civile. On a d’abord des préoccupations chez les riverains concernant leur qualité de vie, les préoccupations des écologistes au sujet de la destruction du milieu naturel, celles des observateurs des questions de transparence et de gouvernance, mais aussi celles des gens ouvertement sceptiques devant les milliards de dollars lancés dans la filière des batteries et la transition énergétique.

En bref, les médias ne font que relayer – et parfois partager – les nombreuses inquiétudes d’une multitude d’acteurs de la société civile ; comparer la chose à du militantisme est une réduction un peu grossière considérant les multiples intérêts contradictoires qui s’y affrontent.

J’en suis un bon exemple : j’avais sévèrement critiqué la judiciarisation du dossier et les blocages militants lorsque le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et la Première Nation mohawk de Kahnawake avait intenté une injonction contre le chantier et que des militants avaient planté des bars de fer dans les troncs pour empêcher leur abattage. Comme M. Fitzgibbon, je déplore qu’il soit aussi difficile de développer des projets de développement au Québec et je crains qu’on fasse peur aux investisseurs étrangers.

Malgré tout, je pense quand même que le Far West de la filière des batteries est irresponsable et risqué. Je m’étais alors fait l’avocat du diable : si les écologistes et la gauche en général poussent toujours plus vers l’électrification des transports, ils devraient logiquement accepter de développer les capacités de production nécessaires aux voitures électriques. Ils ne peuvent demander le beurre et l’argent du beurre.

Cela étant dit, Fitzgibbon cherche à se faire le défenseur de la « majorité silencieuse » et affirme avec une assurance infaillible que ce projet a le soutien des Québécois, or c’est loin d’être clair. C’est même paradoxal, considérant que de son propre aveu, « les dernières semaines ont démontré qu’on a encore du travail à faire pour l’acceptabilité sociale de certains projets ». Comment un projet soutenu par la majorité pourrait-il engendrer des problèmes d’acceptabilité sociale assez graves pour être ainsi soulignés? Manifestement, M. Fitzgibbon utilise le terme « majorité silencieuse » pour construire une crédibilité sur du vent.

Notons aussi que dans un récent sondage Léger sur la situation économique du Québec, on apprenait que 72% des Québécois étaient opposés à « l’utilisation de fonds publics pour accorder d’importantes subventions à de grandes entreprises ». Avec des subventions provinciales et fédérales dépassant maintenant les 7 milliards de dollars, on peut penser que le soutien à Northvolt correspond assez bien à ce genre de « subventions importantes » auxquelles le public est fermement opposé.

Maintenant, M. Fitzgibbon argue que « c’est avec des emplois bien rémunérés et durables qui génèrent des retombées que l’on peut réinvestir dans nos priorités gouvernementales comme la santé et l’éducation. » Or, le retour sur investissement de ces emplois est loin d’être assuré. On se rappelle déjà des subventions de 13 milliards pour l’usine de batteries de Volkswagen en Ontario, qui équivalait à 4,3 millions de dollars de dépenses par emplois créés. Désormais, si l’on prend en compte que l’usine Northvolt créera 3000 emplois, les subventions de 7 milliards équivalent à 2,3 millions de dollars de dépenses par emplois créés.

À un tel prix par tête, ça va prendre des années avant d’être rentabilisé, et on espère fortement que le produit soit en demande… Car apparemment, l’enthousiasme envers les voitures électriques semble déjà s’essouffler : les constructeurs automobiles mettent leurs nouveaux projets d’usines sur pause en raison d’une baisse de la demande, et nous apprenions cette semaine que le prix du lithium est en chute libre.

De la sorte, l’exploitation et la transformation du lithium québécois ne s’annonce pas être l’Eldorado qu’on s’attendait, et les retombés économiques pourraient s’avérer bien moindres que prévues, retardant toujours davantage le remboursement des montants faramineux qui auront été investis. Mais le gouvernement veut foncer tête première? Quelque chose ne va pas.

Finalement, toute cette frénésie entourant le développement de la filière des batteries prend les traits d’une bulle spéculative créée par le sabotage de l’industrie automobile occidentale dans le cadre de la transition énergétique. Ce qu’on nous présente comme une fatalité est en fait le résultat de politiques réglementaires contraignantes qui font mal à notre économie et notre sécurité énergétique. En l’absence d’une industrie établie en matière de transport électrique, ces politiques forcent la construction en accéléré de tout un parc industriel et une compétition féroce entre les pays occidentaux pour attirer des investisseurs ; d’où l’explosion des subventions.

Non seulement nous devons compétitionner avec les États-Unis à coups de milliards et avec l’industrie automobile chinoise déjà très bien implantée dans l’électrique, mais ce passage forcé à l’électrification des transports accentue aussi considérablement les problèmes d’Hydro-Québec, qui s’enligne droit vers les déficits. Dans sa lettre, M. Fitzgibbon déclare qu’il faudra doubler les capacités de production d’Hydro-Québec d’ici 25 ans, ajoutant que « ce qui nous a pris 80 ans à bâtir doit être reproduit en 25 ans ».

On ne pourra reprocher à M. Fitzgibbon de manquer d’ambition, cela dit, c’est une ambition qui s’avère particulièrement dangereuse. Ce n’est pas avec quelques éoliennes et fermant le chauffage la nuit qu’on va arriver à un tel exploit. Et l’électrification forcée des transports contribue à ce fardeau. Trois mois avant l’annonce du projet de Northvolt, c’était la panique dans les coulisses chez Hydro-Québec, qui pensait alors ne pas disposer d’assez d’électricité pour approvisionner cette usine et devrait peut-être abandonner d’autres projets industriels déjà confirmés.

Mais tous ces impératifs présentés comme inévitables sont en fait le résultat d’un agenda politique ; on a créé artificiellement un vide industriel et un manque énergétique à gagner, et les seuls qui semblent en profiter, pour le moment, sont les investisseurs.

Bref, il ne s’agit que d’un angle justifiant un bon nombre de critiques contre le projet de Northvolt, mais comme je l’ai dit précédemment, pour d’autres, ce sont des préoccupations d’ordre écologiques ou de gouvernance. On apprenait d’ailleurs dans les derniers jours que le gouvernement aurait retiré des arguments scientifiques qui avaient bloqué un autre projet sur le terrain. Et c’est sans compter le changement des règles pour éviter les processus du BAPE ou les allégations d’activités de lobbying auprès des ministres tenues secrètes… En d’autres mots, en dehors de tout militantisme ou « méfiance malsaine », les arguments contre le projet pleuvent de toutes parts, et pour une myriade de raisons.

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