Dans un article choc ce mercredi, le Globe and Mail avance que l’ancien ministre de la défense du Canada, Harjit Sajjan, aurait priorisé l’évacuation de Sikhs afghans plutôt que de ressortissants canadiens lors de la chute de Kaboul aux mains des Talibans, le 15 août 2021. Plus tard dans la journée, l’ancien ministre de la Défense, désormais rétrogradé à la Protection civile, a démenti ces accusations en les qualifiant de « conneries ».
S’appuyant sur des sources militaires anonymes qui faisaient partie de la chaîne de commandement lors des évènements, le Globe and Mail explique que M. Sajjan aurait personnellement informé l’armée canadienne et les forces spéciales que 225 afghans de confession sikhe sans aucun lien avec le Canada nécessitaient une évacuation d’urgence. Or, dans le chaos de la chute de Kaboul, la priorité du moment était, évidemment, d’évacuer les ressortissants canadiens et les afghans ayant aidé l’armée canadienne ou les médias, comme par exemple les nombreux traducteurs ayant offert leur service aux Canadiens. Cette nouvelle directive aurait donc compromis les évacuations qui auraient dû être priorisées, selon ces sources.
D’abord, ces informations auraient simplement été transmises aux Forces armées sous réserve de ne pas nuire aux évacuations déjà en cours, mais quelques jours plus tard, le ministre aurait fait monter la pression : « Au début, on nous a présenté les choses de la manière suivante : « Si nous pouvons faire ceci et y prêter attention, tant mieux, mais sans pour autant compromettre le reste. Mais un jour ou deux plus tard, nous avons reçu un ordre ferme. Nos supérieurs étaient furieux. Ils étaient très contrariés. », explique l’une des sources anonymes des forces spéciales au Globe and Mail.
Le ministre affirme pour sa part avoir simplement relayé des informations qu’il aurait obtenues de la « Fondation Manmeet Singh Bhullar », une organisation sikhe de Calgary, à l’armée canadienne, mais n’avoir jamais ordonné cette évacuation aux dépens des autres : « Je n’ai pas ordonné aux Forces armées canadiennes de donner la priorité aux sikhs. Ce sont des conneries! […] Je n’ai pas ordonné aux FAC d’entreprendre une mission de sauvetage dans un gurdwara ou ailleurs, mon message à l’ONG était le même que celui que les FAC transmettaient directement aux sikhs afghans par leurs propres canaux : avancez vers l’aéroport ».
Dans un communiqué en réponse à la controverse, le ministère de la Défense a précisé que toutes les opérations d’évacuation avaient été élaborées « conformément aux directives du gouvernement du Canada et du ministre de la Défense nationale » et que les ordres sur le terrain « venaient du chef d’état-major et de ses commandants de niveau opérationnel » qui, ultimement, déterminaient les risques liés aux sauvetages.
Ce qui ne vient pas pour autant clarifier la situation, puisque ce sont précisément ces « directives du gouvernement et du ministre de la Défense » qui, ici, ont été interprétées comme des ordres par la chaîne de commandement. Il y a donc une certaine mésentente sur ce que constitue une directive ministérielle pour l’armée.
Selon le ministre et le gouvernement, les directives ne sont que des sortes de suggestions, mais il relève du commandement militaire de prendre les décisions et donner les ordres sur le terrain. Or, selon l’une des sources interrogées par le Globe and Mail, un haut gradé de l’armée à Ottawa, toute directive gouvernementale constitue, de facto, un ordre : « Quelle est la différence? »
Ainsi, à partir du moment où le Harjit Sajjan a persisté à recommander l’évacuation de ces 225 sikhs afghans, l’armée canadienne s’y serait soumis et aurait affecté des ressources à leur évacuation au détriment des autres.
Selon les sources interrogées, 24h auraient été perdues à organiser ce sauvetage complexe. Et tout ça pour rien! Une demi-heure avant l’arrivée de l’armée canadienne, les 225 sikhs auraient quitté le point de rendez-vous. Ils auraient finalement quitté l’Afghanistan pour l’Inde quelques mois plus tard par leurs propres moyens.
Bref, c’est un nouveau scandale pour le gouvernement Trudeau et l’ex-ministre de la Défense Harjit Sajjan, qui avait déjà cumulé plusieurs controverses alors qu’il était à la tête de ce ministère. Il avait dû présenter ses excuses en 2017 pour s’être vanté à tort d’avoir été le cerveau derrière l’opération Médusa. Il n’a pas été reconnu comme particulièrement habile à gérer la controverse autour du harcèlement sexuel dans l’armée non plus… Et d’une manière générale, après son passage, l’armée canadienne n’a jamais été en si mauvais état depuis au moins les années 1990, est prise avec un sous-financement chronique, des difficultés d’approvisionnement et de logistique, de sérieux problèmes d’enrôlement… Selon beaucoup de gens, les tendances wokes actuelles dénotent aussi un sérieux problème de gestion des priorités.
Mais contre toutes ces critiques tout à fait légitimes, M. Sajjan se défend quand même avec de l’artillerie lourde : il s’affirme victime de racisme et dit que s’il n’avait pas de turban, on ne lui reprocherait pas ces ratés… C’est à croire qu’à ce stade, son turban est plutôt un bouclier qu’un handicap, mais passons…