Si cela faisait plusieurs années qu’un axe plus nationaliste et un autre plus économique se confrontaient au sein de la droite québécoise – caricaturées respectivement comme la « droite caribou » et la « droite Metallica » – la direction des débats semble en train de consolider ce schisme idéologique au risque de diviser le vote pour longtemps.
De la stratégie à la pratique
Le parti conservateur a fait une entrée fracassante sur la scène politique québécoise dans la dernière année sous le leadership d’Éric Duhaime, se concentrant sur la gestion de la pandémie et les enjeux économiques.
Avec une CAQ qui semble s’être approprié solidement la question identitaire, posant comme un rempart « autonomiste » aux relents duplessiste, il semblerait que les conservateurs ont préférés ne pas s’engager sur ce terrain.
Choix compréhensible : il est toujours plus stratégique de préparer son propre terrain et y appâter l’adversaire.
Ainsi, alors que tous attendaient le PCQ sur le terrain de la gestion de la pandémie, il a pris la CAQ de cours avec un agenda fermement économique. Et là où la droite est souvent associée à des sentiments anti-immigration, il a complètement évité ces sujets, laissant les autres partis s’entre-déchirer.
Or si l’idée n’était pas idiote de laisser les vieux partis se chicaner sur ces questions « divisives » et continuer de marteler un discours économique, la réalité, c’est que ces sujets sont très importants pour les Québécois et qu’une bonne partie de la campagne y fut consacrée, laissant le PCQ dans l’ombre.
Relents clientélistes
La manière décomplexée qu’a eu Éric Duhaime de courtiser l’électorat anglophone de Montréal, allant même jusqu’à s’attaquer directement à la loi 96, fut la goutte qui a fait déborder le vase pour beaucoup de Québécois.
S’il était encore une fois judicieux de récupérer l’électorat d’un parti Libéral « en fin de vie », il était extrêmement risqué d’aller contre une imposante majorité dans la population québécoise qui souhaite protéger la langue française.
L’image indélébile de Duhaime sur un podium décoré d’une affiche « Bill 96 » barré d’un cercle rouge n’a pas simplement convaincu certains francophones de voter pour un autre parti, elle les a carrément choqués.
Ça donnait une image clientéliste plutôt inédite chez Duhaime – rappelant justement la flagornerie libérale – en plus de dévoiler une vision un peu trop libertarienne du vivre ensemble pour des Québécois qui font un point d’honneur à défendre la culture Québécoise face à la pression anglaise et mondialiste.
C’est d’ailleurs la remontée de ces enjeux identitaires en fin de campagne qui ont redonné un peu de tonus à la campagne du PQ, et probablement à ses adversaires libéraux dont les châteaux forts ont été plus solides qu’ils ne le paraissaient.
Les deux droites se confrontent
Suite à la réélection fulgurante de la CAQ, l’heure est aux bilans pour à peu près tous les partis.
Ce fut l’occasion pour beaucoup dans le champ droit de critiquer la ligne non-identitaire voire carrément anti-identitaire du PCQ pendant sa campagne – qu’on considère être une des principales raisons derrière sa défaite.
À cela, on a répliqué que le Parti conservateur n’est pas un parti de « caribous », « racistes », « anti-immigration », etc. Un argument, on se le rappelle, martelé habituellement par la gauche woke…
C’est donc une situation étrange qui laisse planer de sérieux doutes sur une unité de la droite québécoise dans les prochaines années. Le Parti Conservateur semble s’entêter à croire que l’axe identitaire au Québec est une chose du passé et qu’il ne subsisterait qu’un axe économique, pourtant la réalité c’est qu’une bonne part de l’électorat qu’il courtisait s’est tourné vers la CAQ, le PQ ou le PLQ en fonction de cet enjeu précis.
Il suffira de voir jusqu’où iront ces débats, et s’il sera possible de les canaliser dans des médiums appropriés afin que les conservateurs de toutes tendances puissent un jour s’allier vers une victoire un peu plus assurée.