Après des décennies de critiques à l’encontre de l’énergie nucléaire, celle-ci fait un retour en grâce avec les changements climatiques, des technologies plus sûres et peu d’incidents marquants depuis le dernier en date de 2011 à Fukushima au Japon. Dans un contexte de pénurie énergétique au Québec, rouvrir Gentilly-2 est-elle une bonne idée? Et devrait-on développer la filière nucléaire chez nous? Tour d’horizon d’une question jadis polémique qui l’est beaucoup moins aujourd’hui.
Le nucléaire a longtemps souffert d’une crise de légitimité dans nos pays développés. Née de la course à l’armement, on a vite compris le potentiel énergétique de la fission nucléaire. D’un usage militaire, on a réussi à en transformer la visée pour produire de l’énergie civile.
Bien sûr, quelques incidents marquants ont choqué la population : Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima pour les plus connus. D’autres incidents oubliés ou cachés sous le tapis eurent lieu en Union soviétique, mais aussi à Chalk River en Ontario, la première fois en 1952, et une seconde fois en 1958. Mais globalement, le nucléaire a tué beaucoup moins de gens que le charbon, et même l’éolien. Car selon l’ancien haut-commissaire à l’énergie atomique en France Yves Bréchet :
« D’après celle-ci, même en incluant le nombre de décès liés à la catastrophe de Fukushima, le nucléaire ne causerait pas plus de 0,04 morts par milliard de kilowattheures produits. C’est-à-dire 3,75 fois moins que l’éolien, 11 fois moins que le solaire posé sur toit, 35 fois moins que l’hydraulique […]»
Au Québec, nous avons la chance de ne déplorer aucun incident majeur. Malgré un bon bilan pour la centrale en opération à Bécancour, le gouvernement de Pauline Marois a décidé de la fermer en 2012. Sous la pression des écologistes qui craignaient un nouvel accident comme à Fukushima (qui s’est déroulé l’année précédente).
À l’époque, cela pouvait paraître sage de fermer la centrale. Une estimation de Jean-Thomas Bernard pour la réfection en 2012 s’élevait à plus de 3 milliards de dollars. La réfection de la centrale de Pointe-Lepreau au Nouveau-Brunswick avait largement dépassé ses coûts estimés. Nous étions en surplus de production, et Hydro-Québec souhaitait exporter son électricité ailleurs en Amérique du Nord.
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Il est estimé que le Québec va manquer d’électricité d’ici 2027. Vous-même pouvez constater les pertes de tension du réseau à la maison. Même lors des belles journées. Alors la question se pose : devrait-on rouvrir la centrale de Gentilly-2? Ou au moins, construire de nouvelles centrales?
Michael Sabia, actuel PDG d’Hydro-Québec, a remis le projet sur la table. Il souhaite une étude sur la faisabilité d’une réouverture de la centrale. Ce qui est intéressant, c’est qu’aucun parti politique ne s’est ouvertement opposé à un retour du nucléaire. Même Québec Solidaire et le Parti Québécois, qui n’a pas voulu émettre de commentaires. Les qsistes eux-mêmes ne s’entendent pas sur la position que leur parti devrait adopter.
D’un enjeu jadis très tranché, il semblerait qu’on ait compris que l’industrie nucléaire a développé de nouvelles technologies plus sûres, qui produit moins de déchets. Dans un reportage de Radio-Canada, on peut voir des Canadiens, mais aussi des Européens militer pour un retour du nucléaire, au nom de l’écologie. Car il faut le dire, une centrale n’émet presque aucune émission carbone.
De plus, les dangers d’un accident comme à Tchernobyl et Fukushima sont impossibles, car depuis, la recherche s’est chargée de comprendre ce qui s’était mal déroulé avec les enceintes de confinement et les systèmes de refroidissement.
Le Québec aurait le potentiel contrairement à la France qui dépend de l’étranger pour son uranium, de conserver son indépendance étant donné nos gisements à la Baie James ou sur la Côte Nord. Cependant, il est prudent de rappeler selon Loïc Tassé que Michael Sabia est Ontarien, et qu’il est possible qu’il souhaite favoriser la filière nucléaire de cette province chez nous. Cette question est essentielle, car au Québec, notre indépendance énergétique est l’une des pierres d’assises de notre nation.
Il ne faut pas oublier que le Québec fait malgré tout partie du monde développé, et que de manquer le train de cette course technologie, tels que les réacteurs modulaires (qui peuvent être préfabriqués et montés dans des régions isolées), c’est se tirer dans le pied.
Un des arguments pour s’opposer à la fermeture de Gentilly-2 était qu’il fallait conserver une expertise québécoise dans le domaine nucléaire. Or, avec de nouveaux acteurs tels que la Chine, la Corée du Sud, mais aussi même l’Indonésie, sans compter les classiques acteurs français, russes et américains, le Québec doit songer à développer sa propre filière nucléaire. Nous avons déjà des ingénieurs qualifiés, des départements compétents à Montréal. Il ne s’agit que d’une question de volonté. Voulons-nous nous faire dépasser une fois de plus par le Canada anglais? Ou même par les Russes et les Chinois? C’est à nous de décider.