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Jérôme Blanchet-Gravel | Entretien sur le mouvement woke

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Québec Nouvelles : Quelles sont les origines du mouvement woke ?

JBG : Le mouvement woke s’enracine d’abord dans la gauche marxiste. On reconnait plusieurs traits marxistes dans son univers : par exemple, le passage de la lutte des classes à la lutte des races, et la transformation des femmes en une sorte de nouveau prolétariat mondial devant s’affranchir du patronat masculin. L’idée d’un combat contre une puissance hégémonique est très présente.

Cependant, les wokes s’éloignent du marxisme et de la gauche originaire en niant le caractère universel d’une humanité qu’on divise systématiquement en divers segments pour les enfermer dans une catégorie étanche. Il n’y a plus une humanité à faire progresser, mais des Afro-descendants contre des « Blancs », des colonisés contre des colonialistes, des femmes contre des hommes et des laids contre des beaux. Ce courant prône une ségrégation symbolique de l’espace publique : les groupes qu’il croit opprimés devraient évoluer dans des « safe spaces » de l’autre côté de la société.

Québec Nouvelles : Comment définissez-vous cette idéologie ?

JBG : L’idéologie woke fait de la diversité sous toutes ses formes un idéal absolu. La diversité devient un dogme, un culte à la limite de la religion. D’ailleurs, le mot woke vient du verbe « to wake » en anglais, qui signifie « se réveiller » ou « s’éveiller ». Les woke sont donc des « éveillés », alors que les autres sont des « endormis ». Véritables petits bouddhas sociaux, leur combat apparait quasiment comme un défi spirituel, ce qui colle bien à l’air du temps ésotérique. Pour ces guerriers sociaux, tout devrait être divers, multi et poly quelque chose : c’est une lutte menée contre l’unité des sociétés, et même du genre humain, surtout quand il est question d’origines ethniques.

Le wokisme est fondé sur une négation de la réalité : les sexes n’existeraient plus, de même que les cultures et les nations. Ce qui existerait, ce serait seulement des races en guerre les unes contre les autres, partout et tout le temps, et des individus troublés en guerre contre leur sexe. Les wokes se distinguent aussi par leur grande fragilité psychologique : tout est potentiellement une atteinte à l’intégrité de leur petite personne sensible.

Le plus grand paradoxe de ce courant est de prôner en même temps un hyper essentialisme racial et un éclatement complet de toute identité sexuelle à travers l’idéologie trans. C’est une incroyable contradiction. D’un côté, les gens dits racisés et leurs pseudos adversaires, les « Blancs », sont confinés à leur identité raciale, mais de l’autre, les gens sont invités à transcender leur sexe, lequel serait « assigné à la naissance » par des médecins malveillants et réactionnaires. On vous emprisonne dans votre origine ethnique, mais on vous force à vous « libérer » de votre prison de genre.

Québec Nouvelles : Est-ce que ce mouvement a de l’influence dans le paysage politique au Québec et au Canada ?

JBG : Bien sûr. Le mouvement woke est de plus en plus influent dans les paysages politiques québécois et canadien. On le voit chez de nombreux politiciens de « gauche », mais aussi de plus en plus chez des élus appartenant à des partis plus à droite. On le voit à la télévision publique, où de nombreux animateurs et journalistes font du militantisme de manière totalement décomplexée. On le voit évidemment chez Justin Trudeau, dont le progressisme ostentatoire est maintenant reconnu à l’échelle internationale.

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