Dans l’histoire, nous avons connu les conquêtes sanglantes, des guerres de fronts, de tranchés… Aujourd’hui, le meilleur moyen de conquérir est de rendre dépendants certains États, de rendre indispensable la nation – même puissante – à l’égard d’une autre dont les ressources sont enviables mais dont la valeur ajoutée, les dispositions des infrastructures, la dette nationale et autres ne permettent pas d’augmenter leurs parts de richesse et la croissance. Par ailleurs, nous quittons une époque de hard power, faite d’interventions et d’ingérences politiques par les super-puissances, notamment avec le truchement des États-Unis d’Amérique au sein des pays du Moyen-Orient. Maintenant, on passe par la voie du commerce ; la guerre est devenue moins armée, mais davantage concurrentielle. Or, maintenant que les leaders du monde libre sont plus souvent qu’autrement élus par défaut et par opposition aux candidats sortants, la perte de contrôle de la diplomatie mondiale permet à d’autres acteurs émergents de se faire une place au soleil, au risque d’en éclipser d’autres.
Tranquillement mais surement, nous assistons à la prise de pouvoir de la République populaire de Chine sur certains terrains diplomatiques mondiaux. On peut penser à la guerre en Ukraine, bloquant les échanges commerciaux de la Russie vers l’Europe (et l’inverse), aux pays Africains qui sont aux prises avec un surendettement, une stagnation de leur croissance et des problèmes d’infrastructures. On pense aussi au renforcement des liens avec l’ASEAN (l’association des nations de l’Asie du Sud-Est), au plus grand dialogue avec le partenaire japonais et plus récemment une ouverture avec des pays ennemis que sont l’Iran et l’Arabie Saoudite. Le grand dragon de l’Est saisi bien évidemment toutes ces opportunités. Et pourtant, elle n’a pas besoin d’envoyer son armée comme les États-Unis au temps jadis pour asseoir son pouvoir.
La Chine était jusqu’à récemment le pays le plus peuplé du monde et possède également l’une des économies les plus importantes de la planète. En conséquence, cette dernière a des besoins énergétiques massifs pour soutenir sa croissance économique et sa population en pleine expansion. Ses principales sources d’énergie sont le charbon (représentant environ 60% de la consommation totale d’énergie, ce qui en fait le plus grand consommateur), le pétrole et le gaz naturel. La Chine a également augmenté sa production d’énergie renouvelable ces dernières années, en particulier dans les domaines de l’énergie éolienne et le solaire. Encore aujourd’hui, elle était le plus grand producteur d’énergie solaire et d’énergie éolienne de la planète. Également, toujours en termes de ressources énergétiques, la Chine dispose d’importantes réserves de schiste gazier, d’uranium et de combustibles nucléaires.
Partenariat sans limite entre la Russie et la Chine
Il faut savoir que la RPC est le principal partenaire de la Russie et inversement cette dernière n’en est que le 9e plus grand partenaire. Le commerce bilatéral entre les deux pays atteignait 190 milliards de dollars en 2022. En 2014, on signait un accord sur la construction d’un gazoduc reliant les deux nations, qui, 5 ans plus tard, était inauguré. Depuis, avec la conférence diplomatique des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et le projet pharaonique du Belt and Road Initiative (plus connu sous le nom de One Belt One Road), l’enclavement économique de la Russie par la Chine se fait à vitesse grand V.
Le président russe, lui-même, avoue que les sanctions occidentales ont des effets négatifs sur l’économie de son pays à moyen-terme. Bien évidemment, les puissances émergentes comme la Chine en prennent bonne note. En même temps, jouant le rôle de médiateur, étant pseudo-neutre, cette dernière continue à traiter avec les économies libérales et son ‘’allié’’ au nord de la Mongolie. Vladimir Poutine essaye de faire sonner les trompettes de la propagande en essayant de fédérer son peuple en se victimisant sur les sanctions des pays de l’Ouest, et bien naturellement, elle se retrouve à se faire consoler par les forces commerciales de l’Empire du milieu
Cependant, le talon d’Achille – comme tous pays industrialisés – est la perte démographique qui joue contre les deux pays issus de l’héritage communiste. D’un côté, beaucoup de Russes quittent leur pays et d’un autre, la politique de l’enfant unique fait sentir ses effets chez les Chinois. Comme dans toute l’histoire des révolutions industrielles, les campagnes sont quittées au profit des villes, mais les masses laborieuses sont vieillissantes. Dès 2020, le solde migratoire russe était de -96 000. Il y a donc plus de personnes qui ont quitté que ceux qui sont entrées selon les derniers chiffres que nous avons sur le taux.
Il faut expliquer aussi que la Russie, bien qu’elle soit autosuffisante en matière agro-alimentaire, a de la difficulté à développer ses infrastructures et son industrialisation. Perdant du territoire d’influence au sein des anciens États membres de l’Union soviétique, la liste de partenaire s’amoindrie. Ceux qui jadis essayaient d’exporter la démocratie et les valeurs universelles à coup d’ingérence politique, de blocus économiques et d’invasions déguisés en intervention humanitaire deviennent les idiots utiles aux potentats autocratiques et totalitaires travestis en partenaires.
Cela fait une vingtaine d’années que la Chine veut désoccidentaliser le monde et prône une démocratisation des rapports diplomatiques. Lors de la conférence diplomatique avec Poutine, le président chinois a sommé son opposition véhémente face au déploiement d’armes nucléaires tactiques en Biélorussie. Faut-il croire que la Chine est plus pacifiste que les Américains, les membres de l’OTAN et la Russie elle-même ?! Le nouvel ordre mondial se dessinera-t-il avec l’Empire du milieu aux dépens des Américains? Si, encore une fois, nous comparons la force diplomatique de la Chine et de son ‘’allié’’ russe, ils ne sont même pas dans la même catégorie; ce dernier ne peut même pas porter assistance aux économies émergentes, notamment en Afrique…
L’occident pourrait aussi bien perdre la face si la Chine continue ses activités diplomatiques et économiques avec ses partenaires européens et africains. Par ailleurs, j’évoquais dans un podcast de Québec Nouvelles la maladresse condescendante du président français à l’égard du président congolais. Le meilleur moyen de perdre la face ; les sauveurs du monde libre traitent les économies émergentes avec une attitude colonialiste et suffisante. Si deux partenaires ne se mettent pas sur un pied d’égalité dans leur négociation, les tenants et aboutissants des accords ne pourraient pas être justes et efficaces. J’espère que je n’apprends rien à un chef d’État qui détient des codes nucléaires, sinon le monde va mal…
Piège de Thucydide : les États-Unis en descente rapide et la Chine prend son envol?
Le piège de Thucydide est une théorie développée par l’historien américain Graham Allison. Elle se réfère à la situation où une puissance émergente (comme la Chine) menace la position de la puissance dominante en place (comme les États-Unis). Ce scénario est basé sur l’histoire grecque antique et sur la rivalité entre Athènes (la puissance dominante) et Sparte (la puissance émergente) telle que décrite par Thucydide dans son ouvrage Histoire de la Guerre du Péloponnèse. Cette théorie impliquerait que la rivalité entre les États-Unis et la Chine pourrait entraîner un conflit militaire si les deux pays ne parviennent pas à gérer cette transition de pouvoir de manière pacifique. Allison a identifié 16 situations de ce type dans l’histoire, dont 12 ont conduit à la guerre. Et pourtant ces deux pays possèdent des MacDonalds et détiennent mutuellement une bonne portion de leurs dettes nationales respectives.
Revanche du sud global
Cependant, dans un contexte plus large, certains pays du Sud global peuvent chercher à obtenir une plus grande représentation et une plus grande voix dans les relations internationales, qui ont été dominées pendant des siècles par les pays du Nord. Ils peuvent chercher à promouvoir une vision plus égalitaire et juste des relations internationales, en mettant l’accent sur la coopération, la solidarité et la
résolution pacifique des conflits.
Dans ce contexte, la Chine a souvent été perçue comme un leader émergent du Sud global, cherchant à promouvoir une vision alternative de l’ordre international basée sur le respect de la souveraineté nationale, la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et le multilatéralisme. La Chine a également cherché à renforcer les liens économiques avec d’autres pays du Sud, en mettant en
place des partenariats commerciaux et d’investissement mutuellement bénéfiques.
Laisserons-nous la Chine devenir la nouvelle garante de la paix mondiale?
Comme disait un certain chef d’antenne d’une télévision nationale canadienne bien connu, si la tendance
se maintient, les erreurs diplomatiques des pays du monde libre, le peu d’acceptabilité sociale pour le
développement des ressources naturelles, le cynisme toujours présent au sein de la population en ce qui
a trait aux intérêts internationaux, l’Occident va droit dans le mur.