L’opinion publique n’est pas tendre à l’égard du gouvernement de François Legault. Pour retrouver une baisse aussi marquée d’un parti dans les sondages, il faut remonter aux débuts du régime Charest. Si des élections avaient lieu aujourd’hui, la CAQ passerait de la plus grande majorité de l’histoire moderne du Québec à une députation anémique d’environ sept députés. Ce qui ne serait même pas suffisant en théorie pour être un parti reconnu à l’Assemblée nationale. Le parti serait-il déjà un véhicule dépassé? Comment en sommes-nous arrivés là? C’est ce que nous allons voir.
La CAQ, aussi nommée l’équipe François Legault sur sa fiche du Directeur général des élections (DGEQ) est un parti qui fait un pas en avant, puis deux pas en arrière. Nous pouvons saluer la modération dont a fait preuve François Legault en interdisant aux villes d’interdire les cuisinières au gaz naturel. Mais pour chaque bonne décision, il y en a plusieurs plus discutables, ou carrément nuisibles.
Pensons au fait que François Legault, comme l’a évoqué à quelques reprises Philippe Sauro Cinq-Mars ici sur Québec Nouvelles, appuie des motions à la remorque de Québec solidaire sur des enjeux sociaux. Le plus récent est le cas de « censure » des ouvrages d’Élise Gravel par une bibliothèque publique juive de Montréal. Nous aimerions avoir un premier ministre capable de recul, au lieu de toujours se brûler avec des sujets d’actualité sans peser les conséquences d’un appui trop précipité aux motions d’un parti radical comme Québec Solidaire.
De plus, la construction d’un nouveau toit pour le stade olympique est bien mal venue quand ces 800 millions (nous pouvons nous attendre à des dépassements de coûts) auraient pu servir à soulager un minimum la crise du logement. Les « grands projets » de la CAQ consistent en gros à donner de l’argent public, celui des contribuables ne l’oublions pas, à des entreprises n’ayant pas fait leurs preuves ou qui développent des technologies pas encore au point.
Plus tôt cette semaine, nous avons évoqué l’entreprise française Flying Whales (sic), qui souhaite fabriquer des dirigeables qui pourront aider à ravitailler des chantiers du Grand Nord. Or, la technologie n’est pas encore au point que les délais pour l’ouverture de l’usine, annoncée en 2019 pour 2023, ne font que s’allonger. Les villes de Drummondville, Sherbrooke et Trois-Rivières sont en compétition pour accueillir la future usine. Bien sûr, cela a un coût : il faudra remettre de l’argent sur la table.
Lorsque la Coalition pour l’avenir du Québec est née, les fondateurs, Charles Sirois et François Legault espéraient réveiller la torpeur des Québécois avec une version remaniée du constat qu’ont fait les signataires du manifeste pour un Québec lucide.
Ce jalon de l’histoire politique récente du Québec, qui est à l’origine chez nous de la nouvelle dynamique gauche-droite, et non plus seulement fédéralistes contre souverainistes, a opposé d’un côté les lucides, qui voyaient les dangers du vieillissement de la population, le décrochage scolaire chez les jeunes, la compétition de nouvelles puissances comme la Chine, ainsi qu’une stagnation économique, et de l’autre côté les signataires du manifeste pour un Québec solidaire, qui voyaient le risque posé selon eux par les multinationales et le néo-libéralisme.
La CAQ est née de ce nouveau clivage politique, en ayant absorbé au passage l’Action démocratique du Québec (ADQ), parti de centre droit dirigé par Mario Dumont. Parti qui bien qu’il ait fait partie du camp du oui en 1995, souhaitait que son parti ne soit ni celui du fédéralisme, ni du souverainisme, mais de « l’autonomisme ». Or, beaucoup de stratèges de la CAQ actuelle sont issus du Parti Québécois, qui ont subi une véritable saignée lors des élections de 2018, voyant plusieurs cadres et gens compétents quitter pour les cieux plus cléments de l’Équipe François Legault. Quant aux anciens libéraux, ce n’est un secret pour personne qu’ils sont nombreux à être aujourd’hui ministres.
Comment François Legault peut-il prétendre être l’équipe du changement, que les autres partis sont le « statu quo », quand son équipe dans les coulisses est constituée d’anciens cadres péquistes, et que son caucus compte plusieurs libéraux ? Oui, François Legault dirige un vieux parti, avec de vieux réflexes de politiciens.